Chapitre 2 : Les prémices du cataclysme.

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Tandis que l’heure du bal approche, non loin de la place centrale de la ville, deux hommes en capuche arpentent les ruelles pavées de Cendria. Ils se mêlent à la foule, qui se dirige vers les grandes avenues pour voir le fameux défilé des fameux prétendants. En effet, ces invités spéciaux focalisaient toute l’attention du public, acquis à leur cause, en se pavanant sur le chemin menant au palais qui surplombe la cité, du haut de sa colline.

La majestueuse demeure offrait un tableau des plus somptueux tandis que la forêt Blanche en arrière-plan et la rivière Arathénos en contrebas complétaient ce panorama éblouissant.

Les deux hommes mystérieux, dont l'un, plutôt grand et à la carrure imposante, qui ne serait peut-être pas passé inaperçu en temps normal, s'engouffrent dans une ruelle entre deux bâtiments, à l'abri des regards. Ils arrivent devant une porte avec le mot ''BAR'' gravé sur l'écriteau. Ils y pénètrent, puis descendent les escaliers, avant de pousser les portes battantes du salon.

Une atmosphère calme, qui tranche avec l’effervescence de la ville, plane dans l'air. Les clients de la taverne les dévisagent, un instant, avant de reprendre leurs activités tandis que le vieil homme au comptoir n’esquisse aucun geste de bienvenue à leur égard.

Ils se dirigent vers une table, entendant au passage quelques discussions par-ci par-là :

- Ton gars s’est fait descendre ce matin, l’accord ne tient plus !

- Aujourd’hui on va se faire une belle recette, ils sont tous dans les rues, captivés par ces nobles et leurs bourses ne sera que plus facile à dérober.

- Pourquoi vous ne me croyez pas ? Cette cicatrice, je la tiens vraiment du chevalier sanglant, en personne, j’ai réussi à lui échapper de justesse !

Les deux hommes arrivent à destination, un jeune homme qui semble les attendre depuis un moment les interpelle :

- Asseyez-vous, dit l'autre individu, vêtu de la même manière, à visage couvert.

- Jeune maître, entame le plus grand, alors qu'ils prennent place, quand devons-nous commencer ?

- Le plan est déjà en marche. Elle ne tardera pas à deviner nos intentions. Nous interviendrons à la tombée de la nuit. Ces insectes vont se précipiter dans la toile pour se faire dévorer. Ils se saboterons eux même et j'irai m'emparer de ce que je convoite.

- Votre ingéniosité ne peut que me laisser admiratif, flatte l'homme à la carrure imposante, mais pourquoi ne pas juste s'emparer du palais immédiatement et tuer tout le monde ?

Avant même que celui qu’il surnomme maître ne prenne parole, le second homme, prend le soin de lui répondre :

- Imbécile ! Nous devons rester discrets et ne pas attirer l'attention sur nous pour le moment ! Si nous nous montrons trop tôt, ils pourraient cacher notre cible, ou pire, si on les attaque de front, tu serais capable de la tuer sans faire attention. Je te rappelle qu'il nous la faut vivante. De toute façon, il est encore trop tôt pour nous montrer au grand jour.

- Oui tu as raison, puis il s'adresse à son autre compagnon, jeune maître, pardonnez mon ignorance. Je serai prudent.

Au palais, Galahn est en train de disposer ses troupes et d'établir les tours de gardes, quand un valet vient les interrompre d'un salut protocolaire :

- Je vous prie de bien vouloir excuser mon interruption, commandant Galahn. Sa Majesté le roi vient de convoquer une réunion des Cinq. Votre présence est immédiatement requise !

- Hmm, Une réunion des Cinq aussi inattendue... Il a dû se passer quelque chose de grave...Sergent Frind, je vous confie le reste des préparatifs, ordonne-t-il.

- Oui mon commandant, répond-t-il en saluant, vous pouvez compter sur moi !

- Bien, allons-y.

Un homme en armure blanche traverse le couloir principal menant à la salle du trône :

- Une réunion de crise des Cinq ? Que sa majesté décide de nous réunir aussi soudainement... Cela n'est pas arrivé depuis des lustres.

Il entre dans la salle du trône en franchissant les grandes portes où sont postés deux gardes royaux imposants, se dirige vers le roi et la princesse, tous deux assis côte à côte, puis pose un genou à terre :

- Moi, Guilford, suis à votre disposition mon roi ! Navré pour le retard.

Le monarque hoche la tête en signe d’acquiescement.

Guilford jette un coup d’œil autour de lui, toujours tête baissé, et s’aperçoit que trois de ses compagnons sont déjà présents :

Il ne manque plus que…

Aussitôt pense-t-il à lui, qu'il fait son entrée. Le chevalier ploie le genou et s'excuse pour son retard.

- Galahn… ça fait longtemps que je ne les ai vus. Ils n’ont pas changé.

Le roi ordonne à tous les gardes de sortir par un signe de la main. Ces derniers s’empressent de s’exécuter, extirpant Guilford de ses pensées au son des fracas de leurs pas sur le sol marbré.

- Commandants des Cinq, j'ai convoqué cette réunion pour vous faire part d'une mauvaise nouvelle. La princesse Émi vient d'avoir une terrible prémonition : quelqu'un va tenter de s'en prendre à moi aujourd’hui.

La princesse se lève de son trône. Contrairement au roi, qui ne laisse rien transparaitre, sa fille affiche un air inquiet et semble même mal à l’aise :

- Je... Malheureusement, je n'ai pas vu leurs visages, mais dans ma vision ils sont trois, dans une sorte de sous-sol... Assis à une table, l'un d'eux, plutôt grand, tenant une chope je crois... décrit-elle du mieux qu’elle peut avant de se rasseoir.

À ces mots le roi pose sa main sur celle de sa fille, un peu nerveuse, l’air de vouloir la rassurer.

Un court silence s’installe. Les chevaliers semblent en pleine réflexion, lorsque l’un d’eux intervient :

- Un bar souterrain ? s’écrit tout bas Alfréus.

Le chevalier à l'armure de Jade jette un regard à ses confrères qui hochent la tête.

En tant que représentant de la loi, ils avaient déjà eu à traiter mainte fois avec le gérant de ce bar, pour obtenir des informations sur diverses affaires.

Galahn prend la parole, afin d’exprimer l’avis général :

- Votre majesté, votre altesse, n'ayez crainte. Nous pensons pouvoir identifier cet endroit et coordonner une descente dans les plus brefs délais, affirme-t-il.

- Accordé. Allez-y et réglez ce problème. N'oubliez pas que nous recevons des invités de marque aujourd'hui. Soyez discrets.

- À vos ordres sire ! répondent les chevaliers.

Puis Alfréus rajoute :

- Dans ce cas, nous nous occuperons de cela nous même.

Le roi hoche la tête, puis la princesse reprend la parole :

- Attendez ! Je dois vous dire encore une chose concernant ma vision...

Elle se remémore les images de centaines de cadavres éparpillés à travers le palais, les dizaines de corps sans vie gisants dans la salle du trône, y compris celui de son père. Mais elle ne pouvait se voir elle-même dans cette scène.

En effet, Émi pouvait prédire le destin de tous, sauf le sien. C'est pourquoi elle n’était jamais autorisée à s'aventurer plus loin que les jardins du palais. La princesse était protégée constamment, par l'un des cinq commandants toujours dans les parages pour veiller sur elle. Bien que son pouvoir était caché de la majorité, ce n’était qu'un secret de polichinelle. La plupart de la noblesse et des souverains de royaumes frontaliers en avaient connaissance ou le soupçonnaient, d'où le grand nombre de prétendants à sa porte. Plus qu'une personne, ils voyaient en elle une arme. Mais Émi avait appris à être méfiante, elle ne faisait confiance qu'à une poignée de gens parmi ses servantes et ses gardes et s'en remettait à son père pour le reste.

La mine horrifiée de la jeune femme jette un froid dans la salle, le roi lui même, à l'accoutumé impassible, affiche un air étonné :

- Princesse ? Tout va bien ? s'inquiète Galahn.

- Je… Tout va bien…se reprend-elle.

- Nous vous écoutons, votre altesse, réplique le guerrier à l'armure rougeâtre, Fehnral.

Émi secoue la tête et serre le poing avant d'alerter les chevaliers :

- Je vous en prie, faites attention. J'ai un très mauvais pressentiment.

- Ne vous inquiétez pas votre altesse, nous resterons sur nos gardes répond Victoria.

- Nous sommes les plus grands guerriers du royaume, n'ayez crainte votre altesse, ce n’est pas la première fois que l’on déjoue un complot, reprend Fehnral.

Malgré ces mots rassurants, la princesse reste de marbre, ne semblant pas partager l’optimisme du chevalier.

- Avec votre permission mon roi, nous allons nous retirer et y aller de ce pas, intervient le premier commandant.

- Une seconde mon cher Galahn. J'aimerais que tu restes auprès de ma fille. Mieux vaut prendre des précautions. Raccompagne-la dans ses appartements, elle doit se préparer pour ce soir. Quant à toi Victoria, tu assureras ma protection. Vous autres, je vous confie cette mission.

- À vos ordres majesté ! répètent-ils à l'unisson, avant de se retirer.

Alors qu’ils sortent de la salle et arpentent les couloirs du palais, les trois chevaliers chargés de la mission s’échange quelques mots :

- La princesse avait l’air très inquiète… fait remarquer Alfréus.

- Ça doit être le stress, je te rappelle qu’elle est censée trouvé un prétendant ce soir, rétorque Fehnral d'un air amusé.

- Quand bien même, je pense qu’on devrait se méfier, insiste-t-il

- Il n’y a pas de quoi avoir peur, je suis là après tout ! Et je suis encore bien plus redoutable que la dernière fois que l’on ne s’est vu Alfréus.

À ces mots, Guilford lâche un sourire :

- Tu n’as pas changé Fehnral, toujours aussi imbus de ta personne. Tu cours toujours après la place de commandant de Galahn ?

- Ça ne te regarde pas vieux débris ! hausse le ton ce dernier.

Guilford s’arrête devant l’un des tableaux ornant le mur. Une fresque haute en couleur ou l’on apercevait cinq guerriers pourfendre les ennemis à l’aide de leurs pouvoirs :

- Il est le plus jeune d’entre nous, néanmoins il a vaincu à lui seul l’un des sept grands généraux et a grandement contribué à repousser l’invasion de notre royaume et le tout à seize ans seulement, radote-t-il d’un ton admiratif.

- Certes mais ma légende est presque aussi grande que la sienne ! Je suis le chevalier sanglant ! s’emporte Fehnral.

- Oh cette histoire qui se raconte un peu partout, je l’ai entendu récemment encore, mais si on regarde de plus près, tu es le 5ème chevalier, nous sommes tous devant toi, s’en amuse Alfréus.

- Toi ! rage le chevalier à l’armure rougeâtre, vous n’êtes devant moi que grâce à votre ancienneté ! Je suis bien plus fort que vous, abstient toi de me provoquer !

- Cela suffit, Fehnral. Tu sais bien que ce classement n’intéresse personne d’autre que toi et qu’il n’est pas basé sur la force. Sans le génie tactique d’Alfréus, le chevalier de Jade, lors de la Grande Guerre, nous ne serions peut-être plus là ! intervient Guilford, concentrons-nous sur notre mission plutôt.

Tandis que ces derniers se préparent à passer à l’action, Galahn escorte la princesse à ses appartements. Troublée, elle ne peut s’empêcher d’afficher un air soucieux.

La jeune femme avait déjà eu moult prédictions, mais les commandants alertés à temps avaient à chaque fois su déjouer les complots. Cependant, aucun de ses présages n’avaient jamais semblé aussi lugubre. En y repensant, elle pouvait presque en percevoir une odeur, celle du sang…

(Fehnral* se prononce ici : Fène-rale )

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