Chapitre 3 : Panique au bar, la tournée infernale.

7 minutes de lecture

Tandis que Galahn raccompagne la princesse, cette dernière ne peut s’empêcher d’afficher un air soucieux tout le long du chemin.

Remarquant son inquiétude persistante, le chevalier tente de lui glisser quelques mots :

- Ne vous inquiétez pas princesse, tout va bien se passer. Allez vous préparer. Il ne faudrait pas faire attendre les invités et le roi.

- Oui, tu as sûrement raison… répond-elle d'un sourire forcé.

Elle entre dans sa chambre suivie de ses servantes, qui s'empressent de refermer la porte, tandis que Galahn reste sur le seuil, interpellé par l'expression de la princesse. Ce n'était pas la première fois qu'une prémonition l'affolait mais c'était la première fois qu'il ne parvenait pas à la rassurer.

Alors que la nuit tombe, les trois commandants Guilford, Alfréus et Fehnral, suivis d'une troupe de soldats en armures légères, arrivent devant le bar. L’assaut est imminent.

Ils prennent place dans l’allée. Alfréus ordonne à deux de ses hommes de se poster à chacune des extrémités de la venelle, afin de quadriller la zone :

- Vous empêcherez quiconque d’entrer ou de sortir de cette ruelle. Je ne veux pas de civil ici ! Compris ?

- À vos ordres !

Tandis que le chevalier de jade continue de parler tactique avec le reste de la troupe, le chevalier sanglant trépigne d’impatience :

- Bien, finissons-en ! réclame Fehnral avec ardeur.

Guilford fixe ce dernier du regard :

- Bien qu’il reste un guerrier expérimenté, il est parfois trop imprudent, il a tendance à trop se fier à sa force. Alfréus a raison de prendre ses précautions, la princesse semblait plus inquiète qu’à l’accoutumée.

Alors qu’ils attendent Alfréus, l’attention des deux autres chevaliers, qui se tiennent à quelques mètres de l’entrée, est capté par leurs hommes. Les soldats discutent et plaisantent entre eux, une façon d’évacuer le stress :

- On dirait que tu as peur ? demande un soldat d’un ton moqueur.

- Normal, regarde comment il est maigrichon ! rétorque un autre, hilare.

- Non… ce n’est pas ça… balbutie le jeune homme chétif, peu sure de lui.

- Qu’est-ce que t’as alors ?

- Je… je ne m’attendais pas à me retrouver en mission dès mon premier jour de service… répond-il d’une voix basse.

- Rassure-toi, tout va bien se passer, lance le plus âgé d’entre eux, rien ne peut nous arriver avec nos chefs !

- Il a raison. Tu es entouré de héros ! dit-il en montrant les chevaliers.

- Oui... Je les admire tous ! Et…. Et même qu’un jour je deviendrais comme Fhenral ! Je montrerais à tous ceux qui se sont moqués de moi ce que je vaux vraiment ! rétorque le jeune soldat avec plus d’aplomb.

Un instant de silence s’installe entre eux, avant que le rire général n’éclate.

À ces mots Guilford esquisse un sourire : Il me rappel quelqu’un, dit-il en regardant Fehnarl.

Face à la remarque de son ainé, la mine du chevalier à l’armure rougeâtre laisse paraître un air gêné. Il n’aimait ce qu’il était auparavant.

Lui qui était doté d’une faible constitution pendant l’enfance, avait passé la plupart de son temps alité, à contempler par sa fenêtre les enfants de son âge s’amuser.

Traité comme le mouton noir du troupeau, au sein d’une noble famille de chevaliers existant depuis la création du royaume, il avait dû lutter plus que quiconque pour en arriver là où il était, faisant preuve d'une persévérance sans faille en dépit de sa santé.

Fehnral, le petit enfant fragile, risée de sa famille pendant tant d’années, était devenu un jeune homme robuste. Et cela, grâce à sa volonté de surpasser les autres quitte à les écraser, poussé par la haine féroce vouée à ceux qui l'avaient sous-estimé et snobé.

Depuis ce jour, il n’acceptait plus les moqueries, s’enfonçant dans l’orgueil. Il pensait être capable d'accomplir les plus grands exploits. Et bien lui en a pris de croire en lui.

En effet, ancien héros de guerre s’étant distingué en ayant défendu Cendria lors de la Grande Guerre, le chevalier sanglant se voyait même attribué, à présent, des mythes contés à sa gloire : on raconte, par exemple, que son armure d'origine cendrée serait devenue rougeâtre à force d'être éclaboussée du sang de ses ennemis… De quoi renforcer encore un peu plus son égo.

Cependant, même s’il n’avait jamais vraiment accepté que Galahn devienne son supérieur, fermant les yeux devant l’écart de niveau qui subsistait entre eux, il n’en restait pas moins contraint de respecter la volonté du roi et de faire fi de ses ressentiments à ce sujet, aussi prétentieux était-il.

- Qu’as-tu donc à me regarder ainsi Guilford ? demande Fehnral.

- Dire que le petit enfant chétif est devenu un héros, radote-t-il avec nostalgie.

- Ça suffit arrête avec ça ! s’emporte-t-il, d’ailleurs je ne peux plus rester à rien faire ! change-t-il de sujet.

- Patiente un peu. Nous attendrons le signal.

- Quel signal ?

Alfréus s’avance vers ses compagnons :

- J’ai chargé un de nos éclaireurs de s’infiltrer dans ce repère et d’identifier la menace selon la vision donnée par la princesse : les trois hommes en capuches.

- Tu parles d’une description, pff… rétorque Fehnral.

- Je sais. C’est pour cela qu’ils questionneront le vieil homme qui s’occupe de ce bar, il vaut mieux prendre nos précautions, explique-t-il.

Alors que le chevalier sanglant détourne le regard de ses compagnons, il aperçoit le jeune soldat chétif entre autre, qui a déclaré un peu plutôt vouloir devenir comme lui :

- … Oui, tu as sûrement raison, inutile de risquer la vie de nos hommes par précipitation, acquiesce le chevalier sanglant à la surprise de Guilford.

Ce dernier ne s’attendait pas à ce qu’il entende raison aussi vite et qu’il reconnaisse son erreur de jugement : Aurait-il gagné en sagesse et en raison ?

Soudain, un homme habillé en civil sort du bar. Tous les regards se dirigent vers lui. Le commandant Alfréus s’empresse de s’avancer vers ce dernier. L’éclaireur lui dresse alors son rapport, énumérant le nombre de personnes, situant les tables occupées, relatant sa discussion avec le vieux gérant, et d'autres détails tout aussi pointilleux... Quelques minutes passent et Alfréus fait signe aux autres de se rapprocher.

Très méticuleux, l'élégant chevalier de Jade comme on le surnomme, n'avait pas usurpé sa réputation, son sérieux égalant son efficacité. En effet, à l’image de ses compagnons, il avait su se distinguer lors de la Grande Guerre. Mais contrairement à eux, ce sont ses qualités de stratège hors-pair, lui valant parfois d'être comparé au légendaire Xénophan le sagace, qui lui avait valu d'intégrer les cinq. Même si sa perspicacité ne faisait cependant guère le poids face au sens du jugement et du discernement du chevalier à l’armure blanche, Guilford.

Il s'empresse de leur dresser le compte-rendu de la situation :

- Grâce à la princesse, ce sera assez facile. Mon éclaireur a interrogé le gérant. Personne n'a quitté le bar ces dernières heures et il y a trois individus, plus louches qu’à l’accoutumée, assis au fond de la salle selon ses dires, rapporte-t-il.

- Bien, ils sont encore à l’intérieur. Passons à l'action, répond Guilford.

Fehnral fait un signe de la main et tous les soldats, sans exceptions, se regroupent devant l'entrée. Ils descendent discrètement les marches de l'escalier, guidés par les trois chevaliers. Attroupés autour de la porte, un silence bref s'installe. Ils fixent tous du regard le chevalier sanglant. Les soldats, crispés, trépignent d'impatience de mettre fin à ce sentiment oppressant de nervosité dans le calme. Sans perdre de temps, le chevalier abaisse la main, mettant fin au silence pesant. Le second signal est donné. Ils envahissent brusquement la salle. Les clients, étonnés, en reste bouches bée. D'un geste, le barman leur pointe du doigt les suspects. L'unité entière se ruent sur les trois cibles.

- Au nom du roi Raal ! Vous êtes en état d'arrestation pour complot contre la couronne ! clame Guilford.

Les hommes en capuches, encerclés par les soldats, lèvent les bras et se rendent sans broncher.

- Attachez-les et conduisez-les aux cachots ! ordonne Alfréus en rengainant son épée.

Puis il ajoute d'un air suspicieux :

- C’était trop facile. Je m'attendais à autre chose au vu des paroles de notre princesse.

- Détend-toi, on les interrogera plus tard, rétorque Fehnral. Mission accomplie ! Tu as trop tendance à surestimer la situation. Buvons un coup pour fêter ça plutôt !

- Non attendez. Il a raison, quelque chose me gêne... reprend Guilford, en se remémorant la scène : ... Une seconde, pourquoi le barman a-t-il montré du doigt ces hommes ? Il y a une dizaine de personnes dans ce bar, l'une plus louche que l'autre, alors pourquoi mettrait-il sa couverture en danger aussi bêtement ?

- Qu'est-ce que tu marmonnes encore ? demande Fehnral d'un air râleur.

Guilford ignore le commentaire de son compagnon, cogitant toujours sur la situation dérangeante :

- ...Est-ce que ?... D’ailleurs ce n'est pas lui le barman habituel... Alfréus a parlé d'un vieil homme !

À peine arrivé à cette conclusion, qu'il se retourne pour dégainer son épée, que le barman lui a transpercé la poitrine à l'aide de sa main auréolée*.

- J...Je… balbutie-t-il avant que ses yeux ne se ferment.

La salle est pratiquement sous le choc, paralysée d'effrois et de surprise, la scène les laisse sans voix.

- Guilford ?! s'écrie Alfréus.

Le chevalier de Jade, perd son calme. Son expérience de fin stratège s'évapore devant le corps perforé de son compagnon, il n'arrive plus à réfléchir.

Paniqué, il porte néanmoins la main au pommeau de son glaive, prêt à dégainer à son tour. Mais l’ennemi qui a encore son bras enfoncé dans la poitrine de Guilford se saisit, par son autre main, de l’épée de ce dernier. Tout en se servant du corps de sa victime comme bouclier, il fait un pas en avant très rapide et frappe d'un coup sec.

Les soldats n'ont presque rien vu, tant l’action a été foudroyante, avant de se rendre compte que la tête d'Alfréus n’était plus sur ses épaules.

Ils reculent tous d'un pas, emplis d'effrois. Ils ont du mal à réaliser ce qui vient de se produire sous leurs yeux : cet être venait de tuer deux des hommes les plus forts du royaume en une poignée de secondes.

(*auréolée : Comme dit précédemment, l'aura est la manifestation de l'énergie intérieure par un halo lumineux extérieure, elle s'utilise de manière offensive ou défensive, et permet de durcir son corps ou une partie de son corps, son utilisation varie selon celui qui la contrôle.)

Annotations

Vous aimez lire Alsensei ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0