Chapitre 3

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En arrivant à la zone des douches, DR-34 fut assailli par un mélange odorant de crasse et de propreté, le tout ajouté à une atmosphère épaisse et humide.

- Tu vas voir, dit DR-32 au nouveau, les douches c'est le meilleur moment de la vie, même si ça ne dure pas longtemps !

- Moi je préfère la cantine, objecta DR-33. En les écoutant débattre du degré de plaisir entre l'eau chaude sur le corps et la nourriture délicieuse (d'après DR-33) à ingurgiter, DR-34 observa une pièce plutôt grande, avec un sol fait d'un carrelage qui avait autrefois du être blanc. Suspendues au plafond, des dizaines de douches pendaient, gouttant, attendant d'être réutilisée. DR-34 suivit la marche de ses camarades. On se déshabillait complètement, et on emmenait son uniforme près des carrés de douche. Chacun avait le sien, et il n'y avait de la place que pour une personne (les gardes aussi les utilisaient alors on avait utilisé ce mot sur la pancarte le mentionnant). Des cloisons séparaient ces espaces, suffisamment basses pour que les gardes supervisant la toilette puissent s'assurer que tout se passait bien.

Un coup de sifflet retentit, et tout le monde gagna sa douche. DR-34 observa que toutes les douches se déclenchaient en même temps, libérant un flot continu d'eau tiède, ni trop chaude, ni trop froide. C'était un vrai délice et DR-32 n'avait pas menti ! L'eau coulait sur son coprs, et le libérait un peu de la tension éprouvée au travail. Certes, il n'avait pas travaillé la période complète, comme ses collègues, mais cela était quand même des plus agréables. Il fit toutefois une grimace, quand l'eau atteignit sa blessure au dos. Il tâcherait d'éviter au maximum les coups de fouets à l'avenir. Il travaillerait vite, et bien, serait efficace et docile, comme DR-35, qui semblait montrer cet exemple. Il ne répondrait pas aux gardes, courberait l'échine. Cela lui éviterait des souffrances inutiles, et lui permettrait d'avoir ce repas plutôt bienvenu et cette douche si apaisante, si apaisante...

Avant qu'il n'ait eut le temps d'en profiter tout son saoul, l'eau s'arrêta d'un coup, et DR-34 put voir que ses voisins se saisissaient du savon, et se frottaient vigoureusement le corps, notamment les blessures. Il fit de même et constata avec délice que la blessure diminua un peu. Ce moment était incroyable ! L'eau réapparu assez vite, l'inonda, rinça sa crasse, délassa ses muscles, et se jeta dans le siphon à ses pieds. Il aurait voulu que cela dure plus longtemps, mais la douche s'arrêta à nouveau quelques instants plus tard, et une serviette accrochée à une barre recourbée descendit du plafond. Elle était propre et rèche. C'était un plaisir ineffable pour DR-34. Il s'essuya le corps tandis que les gardes passaient dans les rangs pour invectiver tout le monde de se "magner le train". Peu après on retourna aux chambres, après avoir remis les uniformes, détail qui interrogea DR-34. Une fois libre de parler, il interrogea DR-35 qui s'était affalé dans son lit.

- Pourquoi on remet nos uniformes sales ? Pourquoi se laver du coup ?

- Comme je l'ai évoqué tout à l'heure, répondit DR-35, on ne se lave pas pour être propre. L'idée est juste d'avoir un minimum d'hygiène. Eviter les problèmes, rester en bonne santé.

DR-34 fit une grimace de dégoût. Son uniforme le collait, il sentait mauvais, il y avait un peu de sang dessus, et il n'avait qu'une envie : le retirer tout de suite. Mais il ne savait pas s'il pouvait. Et si on venait les chercher et qu'il était nu ? Comme s'il avait lu dans ses pensées, DR-35 lui dit :

- Après, tu peux enlever ton uniforme tout de suite, et te reposer. Ça ne te fera pas de mal. Regarde 38, il ne se gêne pas lui. En effet DR-38 avait retiré ses frusques. Nu comme un ver, il marchait en rond dans la pièce, et s'étirait les muscles.

- Tu seras sans doute plus à l'aise comme ça, ajouta ce dernier. Au moins, on ne remet pas cet uniforme crasseux.

Ce faisant, il balança le sien dans la corbeille, près de la penderie avec les uniformes propres, que les travailleurs venaient peu à peu enfiler à la place du sale. Nul ne semblait dérangé par ces questions de propreté, certains n'avaient pas encore été cherché le propre, et s'étaient juste affalés dans leur lit, usés jusqu'à l'os. DR-34 décida qu'il resterait nu comme DR-38. C'était assez agréable. Il se regarda, et put voir son corps et celui de son collègue.

Ce corps de bipède tout blanc aux proportions parfaites. Assez grand, plutôt musculeux, totalement glabre à tout endroit, couvert de marques et de blessures, et ce tatouage au fer rouge sur le dos de la main. Malgré la force qui se dégageait de ce corps, tous les travailleurs étaient généralement courbés, le dos voûté, la mine basse, sans volonté de faire éclater leur puissance. DR-34 remarqua aussi qu'entre leurs jambes, ils n'avaient rien. Et il lui sembla que ce n'était pas normal, sans pour autant savoir dire pourquoi il avait cette pensée.

Songeur, il alla se coucher nu, se mit sous la mince couette blanche, et se cala dans la meilleure position qu'il put trouver. Il ne se sentit pas s'endormir.

Un appendice, des sensations, des impressions. Des pensées agréables ; pas toujours. Quelque chose entre ces piliers de la mouvance. Chaud, jaune. Inexistant. Il voyait des choses en dormant, mais on ne voit rien en dormant. Il n'avait fait que dormir avant. Et il n'y avait pas d'images. En était-il sûr ? Indescriptible. Flou. Etrange. Il ressentait. Sensation, émotion. Bien-être chaleur. Vert, bleu. Un grand bleu, en levant la tête, parsemé de choses blanches et légères. Il faisait chaud. Bon.

Il entendit un craquement, un bruit sourd, aigu. Comme les pièces qu'ils avait montées. L'acier hurlant sur le sol sale le réveilla. Il ne faisait plus chaud, et les yeux vers le haut, il n'y avait que les lattes du lit de DR-35. Il tourna la tête en direction du bruit. Un garde referma la porte. Il avait ramené DR-30, qui gisait, misérable, au sol. Il était trempé de sueur et de sang, recroquevillé dans une position familière à DR-34, et tremblait de tout son corps. Ses camarades déjà, l'aidaient à se relever, mais il ne tenait pas sur ses jambes. Son visage était rougi et boursoufflé, ses yeux presques invisibles sous les hématomes. Le silence était pesant.

Tout le monde observait, pour la première fois ou non, ce qui se passait quand on élevait la voix, ou qu'on se dressait contre l'autorité. Les larmes montèrent aux yeux de DR-34, qui n'arriva pas à se contrôler. DR-30 lui ne pleurait pas. Il respirait bruyamment. On l'installa dans son lit, il se tourna, s'enfouit sous la couverture. DR-34 expérimenta un sentiment nouveau. DR-30 qui n'avait cherché qu'à lui épargner à lui des souffrances qu'il avait reçu au décuple. Il avait été privé de douche, et rossé. Il fallait qu'il lui parle, qu'il montre son affliction, et un peu sa reconnaissance. Mais il ne savait pas quoi dire.

- DR-30, pardonne moi.

Le silence et la respiration saccadée et sifflotante de DR-30 lui répondirent.

- Je me lèverai à temps la prochaine fois ! Je te jure !

Toujours rien.

Puis DR-30 se retourna, et DR-34 vit de très près les dégats. Il se sentit misérable.

- Il n'y a rien à pardonner, répondit DR-30 avec difficulté.

Tentait-il de sourir derrière ses boursouflures ?

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