Chapitre 29 - La sagesse de Marie

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Raphaël

En ce vendredi soir, je suis plongé dans mes dossiers. Seul la lampe de bureau et les lampadaires de la rue éclairent la pièce. Il est presque dix-neuf heures quand quelqu'un frappe à la porte. Je lâche un soupir avant d'inviter la personne d'une voix forte à entrer. Emilie, la nouvelle assistante du remplaçant de Mathias fait son entrée.

- Vous êtes encore là ? je demande en fronçant les sourcils. Il est tard, vous devriez être chez vous.

- Je voulais finir les dossiers pour vous les apporter, se justifie-t-elle sans ciller face à mon ton froid. Vous avez beaucoup de travail. Je voulais juste vous aider monsieur le directeur.

Je lui fais un signe et elle dépose tous les dossiers sur la table. Emilie est encore belle pour son âge mais elle n'a pas le sourire d'Alicia. Après toute ses semaines passées sans elle, Alicia est toujours dans ma tête. Depuis qu'elle n'est plus là, ma vie est encore plus terne.

Je ferme les yeux quelques secondes pour la chasser de mon esprit. Je me tourne vers Emilie qui cherche par tous les moyens à me séduire comme à peu près toutes les femmes de mon entreprise.

- Merci beaucoup, je finis par dire avant de me lever. Il est temps pour moi de rentrer car je n'arrive plus à rien.

Je range mes affaires avant de quitter le bureau en compagnie de mon employée. Elle ne cesse de me regarder mais je suis habitué à tous cela maintenant.

- Bonsoir Emilie, je termine poliment avant de monter dans ma voiture.

- À demain monsieur Castillo, réplique-t-elle en me souriant.

Quand j'arrive à la villa, Marie a préparé le repas.

- Bonsoir monsieur, lance-t-elle d'un ton froid.

Depuis qu'Alicia ne fait plus partie de ma vie, Marie est devenu très distante avec moi. Cette femme était mon réconfort de la journée et je suis habitué à sa présence depuis qu'elle travaille pour moi.

Son regard réprobateur est de plus en plus insupportable. Je ne sais pas si c'est à cause de mon égo ou parce que je n'aime pas qu'on me tienne tête.

- Cette situation devient vraiment embarrassante Marie, je soupire sans cacher mon irritation. Allez-vous enfin me dire ce qu'il se passe ?

- Je vous en prie, ne me prenez pas pour une idiote monsieur Castillo ! s'exclame-t-elle d'un ton menaçant. Vous avez tous gâché par peur d'être abandonné.

Je m'arrête de manger pour l'observer de l'autre côté du comptoir. Elle se retourne pour me faire face.

- C'est la première fois que vous vous montrez aussi agressive Marie, je fais remarquer.

- Sauf votre respect, je conteste vos agissements avec mademoiselle Alicia, ose-t-elle avouer.

- Ça ne vous regarde pas Marie ! je gronde en tapant mon poing sur la table.

- Je travaille pour vous depuis dix ans, dit-elle sans être déstabilisée. Je commence à bien vous connaître et le fait que vous ayez volontairement gâché votre histoire avec mademoiselle me met hors de moi.

Je plisse les yeux en défiant mon employée du regard.

- Je me fiche d'être renvoyée après ceci parce que je dois vous dire la vérité, avoue-t-elle.

- Eh bien faite donc ! Dites-moi le fond de votre pensée Marie, je réplique avec ironie.

Ma propre femme de maison s'oppose à moi mais je parviens à cacher la colère qui m'anime.

- Vous n'avez pas supporté le fait d'être tombé amoureux de mademoiselle Alicia et c'est pour ça que vous l'avez jeté en lui servant une excuse complètement absurde. Tout le monde voyait comment vous la regardiez. Elle est la seule personne qui puisse vous rendre heureux monsieur Castillo.

- Alicia me déteste, j'articule d'un ton plus sobre.

- Evidemment ! s'exclame Marie. Mais elle est aussi folle de vous, alors vous devez la récupérer avant qu'il ne soit trop tard.

Marie passe de longues minutes à me convaincre de nos sentiments partagés avec Alicia. Je commence à ouvrir progressivement les yeux sur la situation. Marie a raison, Alicia m'aime depuis le début et elle a essayé de me le faire comprendre.

Quand je suis avec elle, mon cœur bat plus vite et j'ai envie de la prendre dans mes bras sans savoir pourquoi. J'ai toujours voulu la protéger et la garder près de moi. Je suis complètement fou de la voir avec un autre homme. Pourtant, je n'avais pas le droit d'intervenir à la soirée de l'autre jour.

- Qu'est-ce que je dois faire pour la récupérer ? je demande en l'invitant à s'asseoir sur le canapé.

Pour la première fois depuis des semaines, Marie m'offre un sourire. Elle s'installe dans le fauteuil en face de moi après avoir retiré son tablier. À la suite d'un long mois sans un seul sourire, je suis plutôt content qu'elle m'accorde sa gentillesse et sa sagesse.

- Tout d'abord, il faut que vous lui montriez que vous tenez à elle, me conseille-t-elle. Ensuite, vous devez lui dire ce que vous ressentez.

- Ça me paraît trop facile, j'ajoute en plissant les yeux.

Marie rigole légèrement.

- Je suis désolée de vous le dire mais vous n'avez aucunes expériences en matière de femmes, affirme-t-elle. Croyez-moi, c'est plus compliqué qu'il n'y paraît.

- Merci pour vos conseils Marie. Je vais m'occuper des préparatifs de notre rencontre de ce pas, je m'exclame en me précipitant dans mon bureau.

Je passe quelques coups de fils pour organiser un rendez-vous inoubliable.
Le standard de la société qui rend des services au riches est ouvert à toutes les heures.

Je tiens plus que jamais à récupérer Alicia parce que je suis amoureux d'elle. Enfin je crois.

- Bien sûr que je l'aime cette fille ! je crie à voix haute pour me convaincre.

Je n'arrive pas à croire qu'avec cette femme je suis différent. Elle est la seule à avoir réussi à percer ma carapace. Quand elle est là, je suis beaucoup plus doux et j'arrive à oublier les difficultés auxquelles je suis confronté au travail. Peu importe si mes sentiments sont embrumés parce que j'ai besoin d'Alicia.

J'écris un message sur du jolie papier à lettre comme on le faisait autrefois. J'espère réussir à la toucher avec cette coutume d'époque et lui rappeler les films historiques qu'elle aime tant. James ira lui porter dans sa boîte aux lettres demain matin.

Je dis bonsoir à Marie avant d'aller me coucher. J'ai fixé le rendez-vous demain soir, c'est-à-dire samedi dans une pièce privatisée d'un hôtel de luxe.

***

J'attends ce moment depuis longtemps et j'avoue angoisser à l'idée qu'elle ne vienne pas. Une limousine doit l'amener dans quelques minutes à l'hôtel où je l'attends fermement. Je sais très bien qu'elle ne restera pas pour dîner alors j'ai simplement prévu un apéritif.

Je reçois un message de James qui m'indique qu'il aura un peu de retard mais que Alicia est bien dans la limousine. Mon cœur s'allège un peu mais j'appréhende encore beaucoup ce tête à tête.

Dix minutes plus tard, Alicia vient à ma rencontre le visage de marbre. Elle porte une robe noire toute simple et peu de maquillage. Comme d'habitude elle est très jolie mais elle paraît inaccessible. Exactement comme moi.

À bien y penser, elle me ressemble beaucoup. Je me rends compte qu'à cause de moi j'ai perdu la femme que j'aime. J'aimerais qu'elle retrouve son innocence et sa naïveté. Maintenant, les rôles sont inversés. C'est moi qui éprouve des difficultés à me maîtriser.

- Je suis heureux que tu ais accepté mon invitation, j'avoue d'un ton neutre.

- Ne te méprends pas Raphaël, je suis ici pour tourner définitivement la page, réplique-t-elle durement. Tu n'avais pas besoin de préparer autant de choses.

Elle observe la salle couverte de roses et les décorations élaborées avec un œil critique.

- Tu fricotes avec ce Nathaniel, ne pus-je me retenir de dire avec un semblant de colère dans la voix.

- Si tu m'as fait venir pour me dire ça alors je m'en vais, dit-elle en se retournant.

- J'ai besoin de toi Alicia, je lui avoue enfin.

- Et moi j'ai besoin que tu me laisses tranquille, s'énerve-t-elle. C'est trop tard Raphaël. Tu as tout gâché et je ne veux même plus savoir pourquoi.

En quelques secondes, elle claque la porte. Elle est partie tellement vite que je n'ai pas le temps de la rattraper. Elle échappe à mon attention en prenant un taxi et je reste seul sur le trottoir.

La vérité Alicia, c'est que je pensais que tu n'étais là que pour l'argent. En réalité tu restais près de moi parce que tu m'aimais. J'ai eu peur de cet amour et je t'ai rejeté.

Je rentre chez moi complètement dépité par ce cuisant échec. Marie le remarque et me demande ce qu'il s'est passé.

- Vous êtes vraiment un idiot monsieur Castillo, affirme-t-elle mécontente. Mademoiselle Alicia n'est pas la marquise de Bonnefoie !

- Je vous en prie Marie ! Je ne suis pas prêt à me faire insulter sous mon propre toit, je m'exclame en la réprimandant. Je vous signale que j'ai respecté vos conseils.

- Vous avez fait n'importe quoi oui ! continue-t-elle en posant brutalement un gratin devant moi.

- Je n'ai pas eu le temps de lui dire ce que je ressens, je soupire.

- Il va falloir vous forcer à avouer vos sentiments monsieur. Considérez Alicia comme une femme à part entière et pas comme une de vos duchesses écervelées.

Mon employée passe un coup de balai sans cesser de me regarder.

- Cependant, je crois bien que ça ne serve plus à rien, souffle Marie. C'est le premier échec auquel vous devrez faire face.

- Je n'échoue jamais, je gronde d'une voix dure. Je veux Alicia et je ferais tout pour la faire revenir.

Marie lâche un sourire énigmatique avant de s'éclipser en cuisine.

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