Chapitre 1 - Une orpheline à Paris

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Il est une heure du matin lorsque je termine mon service. Le vent froid de décembre souffle les joues et j'enroule fermement mon écharpe autour de mon cou. Je marche jusqu'à la station de métro Pont Neuf puis m'arrête à l'Opéra afin de rejoindre la ligne trois jusqu'à la Bourse.

Comme tous les soirs depuis près de cinq mois, je travaille au McDonald's près du théâtre du Châtelet à Paris. Je n'ai rien connu d'autre que cette ville, c'est là que j'ai toujours habité. Mon salaire est correct mais la vie est chère à la capitale et je suis souvent très juste au niveau du budget.

Sitôt arrivée dans mon petit studio du deuxième arrondissement, je m'effondre de fatigue sur mon lit. J'enchaîne les cours à l'université en plus de ce job. Avec cela, j'ai à peine le temps d'étudier. D'un côté ça m'arrange, je n'ai plus le temps de penser à la terrible tragédie qui a bousculé ma vie.

En effet, je n'ai jamais connu mes vrais parents et je suis passée de familles d'accueil en familles d'accueil. L'année de mes quinze ans, je rencontre deux jeunes retraités, Evelyne et Jean-Michel. Ensemble nous avons formé la famille Forest et j'ai décidé d'adopter leur nom. Ils m'ont très bien accueillie et se sont occupés de moi comme de leur fille. J'ai été vraiment heureuse avec eux. J'ai fini par oublier le malheur des années passées.

Il y a sept mois, j'ai obtenu mon bac mention très bien puis mon permis le jour de mes dix-huit ans, le 4 juillet. Mes excellents résultats m'ont permis de m'inscrire à la Sorbonne. Grâce à ma nouvelle famille, j'ai échappé à la délinquance ainsi qu'à l'échec scolaire.

Mes parents adoptifs sont tragiquement décédés au mois d'août dernier dans un accident de voiture sur le périphérique. Je renoue avec la tristesse qui m'a tant accompagné au cours de nombreuses années. Leur décès est récent mais j'ai réussi à noyer ma peine en quelques mois. Je suis habituée aux changements brutaux. Pour cause, je me retrouve donc à travailler le soir, cinq jours par semaine pour payer mes études et assurer mes besoins vitaux.

Après de multiples gesticulations afin de trouver la bonne position, je finis par m'endormir accompagné par une éternelle odeur de frites et de burgers.

***

La sonnerie de mon téléphone me réveille en sursaut, me faisant presque tomber du lit. Je décroche en grognant sans regarder l'identité de l'appelant.

- Qu'est-ce que tu fabriques encore Alicia ? s'énerve Sarah, une amie rencontrée en cours de Travaux Dirigés. On va être en retard !

Mon téléphone indique sept heure cinq. Je n'aurais jamais le temps d'arriver à l'heure ! Je déteste manquer des cours.

- Vas-y sans moi je te rejoindrais, je lui réponds en me précipitant dans la minuscule salle de bain.

Je choisie mes vêtements au hasard puis attrape un paquet de gâteaux avant de descendre les escaliers de mon immeuble quatre à quatre.

Les transports en communs sont remplis et je grignote nerveusement mes biscuits. Dès que la voix métallique annonce Censier Daubenton je commence à courir dans les rues puis à travers le campus. J'arrive dans l'amphithéâtre essoufflée, une centaine de paires d'yeux rivés sur moi. Le prof est habitué et continu son cours tranquillement. Je rejoins Sarah qui me fait un signe du bas de l'amphithéâtre.

- Il faut vraiment que tu passes moins de temps à travailler au fast food sinon tu vas faire un burn out, me reproche-t-elle. Tu sais très bien que cette université recherche l'excellence de la part de ses élèves.

- Tu sais très bien que je ne peux pas, je murmure sans écouter le professeur. Je suis déjà très juste au niveau du budget.

- Je ne sais pas combien de temps tu vas pouvoir tenir, souffle-t-elle.

Elle me tend une brosse à cheveux.

- Tes cheveux bruns sont tellement magnifiques, c'est dommage que tu les négliges.

Sarah a toujours aimé la douceur et les boucles de mes longs cheveux ainsi que ma peau bronzée qui fait ressortir mes yeux verts. Elle est ma seule amie ici et je ne vois pas pourquoi elle me jalouse. Mon apparence est si simple à côté d'elle. Son maquillage et ses vêtements sont raffinés et assortis avec ses cheveux noirs. La peau de mon amie est plus bronzée que moi du fait de ses origines libanaises.

- Tu me passeras la partie du cours que j'ai manqué ? je lui demande à la fin avant de sortir pour notre prochain cours.

- Je n'ai pas tout écouté parce que j'ai discuté avec une fille mal peignée qui sent la frite, ricane-t-elle.

- C'est faux je me suis douchée ce matin ! je réplique en la poussant sur le côté.

Elle me donne une tape sur la tête puis nous partons en direction des salles de TD.

Quelques heures plus tard, nous passons en coup de vent à la bibliothèque universitaire puis laisse Sarah à l'entrée du campus. Il me reste trois heures avant que je ne commence mon service alors je profite de ce moment dans mon appartement pour travailler.

A mon grand désespoir, je suis interrompue par la sonnette. Je me lève agacée pour ouvrir la porte.

- Bonjour mademoiselle Forest, soupire la propriétaire.

- Bonjour madame Mégir, je réponds, au même moment que ma colère retombe.

- Je suis ici car j'ai une mauvaise nouvelle, reprend-elle. L'eau, l'électricité et le gaz ont augmenté de quelques centimes comme vous le savez. Je suis venue vous remettre votre nouveau loyer à payer pour la fin du mois.

- Décembre vient juste de commencer madame, sauf votre respect je devrais recevoir la facture à la fin du mois.

- Je le sais bien mais je connais vos problèmes d'argent. J'ai fait le calcul en fonction de vos dépenses des derniers mois.

Je regarde la feuille complètement affolée. Je vais devoir payer 689€ de loyer alors que mon lieu d'habitation est minuscule. Les prix dans les supermarchés du centre ont également augmenté, je ne sais comment faire pour payer.

- J'espère que vous comprenez que tous les studios que je loue ont été refait à neuf et qu'il y a beaucoup de demandes sur le marché.

Je suis littéralement en train de me faire avoir mais je ne peux rien faire car ce studio est situé dans une rue bien fréquentée près du métro. Malheureusement je dois également payer l'université, le forfait téléphonique, ma carte de métro, la nourriture et quelques vêtements quand ils tombent en lambeaux.

La prioritaire me laisse seule dans mon studio avec mon désespoir. Je n'ai plus du tout envie de faire des recherches pour compléter mon cours. J'ai dix-huit ans et je risque de me retrouver à la rue, c'est scandaleux. D'ici la fin de l'hiver, je ne risque pas l'expulsion mais ensuite se sera une autre histoire. Il faut que je trouve un moyen de gagner de plus. Je travaille à mis temps et j'ai un salaire de nuit mais cela ne va pas m'aider. Je serais obligée de travailler le samedi. Quand je consulte ma montre après mes lourdes réflexions, je constate que je n'ai plus le temps de réviser. Je me prépare alors pour le fast food.

En arrivant, je vais à la rencontre du chef d'équipe qui me confirme que je peux travailler le samedi après-midi jusqu'au soir. Je n'ai pas vraiment d'amis ici car les employés changent souvent. Je prends mon poste à la caisse comme à mon habitude.

Lors de ma pause, j'appelle Sarah pour lui faire part de mes problèmes d'argent.

- Il faudrait que tu te trouves un travail où tu peux gagner beaucoup en travaillant moins, me conseille-t-elle.

- Tu me fais rire Sarah ! Beaucoup de personnes sont au chômage alors je peux être contente d'avoir un travail. Puis gagner beaucoup d'argent en peu de temps je ne vois pas où tu as vu ça.

- Oui tu as raison Alicia, soupire-t-elle au bout d'un moment. Je ne sais plus dans quel monde je vis. Tu as les pieds sur terre alors que moi j'ai la tête dans les nuages. Je me repose sur le salaire confortable de mes parents.

- Je pourrais probablement rêvasser si je n'étais pas rattrapée par la réalité.

Mon collègue m'appelle pour reprendre le travail alors je raccroche en constatant que la limite de mon forfait téléphone est bientôt atteint. Je lâche un soupir lourd de sens en repartant à mon poste.

***

Aujourd'hui, nous sommes vendredi et je suis très inquiète malgré les tentatives de Sarah pour me changer les idées. Je ne pense qu'à mon salaire et mon loyer. Je n'ai cours que le matin et je travaille au McDonald's jusqu'à huit heures. Mon amie m'a proposé de sortir faire la fête et j'ai accepté, désespérée par ma propre cause.

J'attends Sara sur un trottoir devant le métro, vêtue d'une jolie robe noire et bien maquillée afin de me sentir différente, juste pour une nuit. Me sentir comme une fille qui n'a pas de problèmes. Je grimace car mes bottes à talons ne sont pas assez hautes pour protéger mes jambes du froid de décembre. Une berline s'arrête devant moi et je regarde le conducteur avec surprise.

- Si je te donne 500 euros, tu acceptes de venir à l'hôtel avec moi ?

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