L’humain me répond. Une recherche rapide dans mes premières archives ne me permet pas d’identifier sa langue. La remontée des données plus anciennes va prendre au moins quelques minutes, autant dire une éternité. Je dois entretenir le contact pendant ce temps. Lui montrer que je le vois, que je l’entends.

Je répète ses mots sans en comprendre le sens. Mes réseaux neuronaux sont perdus et ne savent sur quoi projeter cette information. Je dois patienter encore un peu. Ce dialecte ne correspond à aucune langue parlée dans la cité. J’attends encore les données pré-Thélèmienne pour confirmation.

Je pense ressentir de la peur mêlée à de l’excitation. La peur de rencontrer une situation inconnue, de ne pouvoir estimer la suite des évènements avec une probabilité acceptable.

J’ai veillé sur quinze milliards d’êtres humains au sein de cette cité pendant des milliers d’années. Toutes les conversations, toutes les situations, tous les évènements pouvant arriver, je les ai vus, analysés, anticipés puis finalement, contrôlés. Mais la situation actuelle est inédite. Je dois improviser.

L’humain semble s’appeler David. Nommer les choses permet de les indexer.

Je laisse un halo de lumière braqué uniquement sur lui en répondant, en écho « David ». Puis, j’illumine le reste de la cité en prononçant mon nom : « Alan », alternativement.

Les dernières données viennent d’arriver. Quelques phonèmes concordent avec divers dialectes, mais aucune corrélation satisfaisante. Pas d’erreur possible, cette langue n’existe pas. Je dois tuer et relancer certains de mes systèmes un peu trop emballés par cette information. La situation m’étant inconnue, je me raccroche à ma directive première, ancrée au plus profond de ma programmation, la première chose à avoir été inscrite dans ma mémoire alors que je n’étais qu’un simple robot : je dois protéger David.