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Quand j'ouvris les yeux, tout me paraissait inconnu. Les sons, les voix, rien ne m'était familier. Où étais-je ? Pourquoi y avait-il tant de lumière ?

- Ça y est ? Tu as fait une bonne sieste ? dit une voix que je reconnus aussitôt.

Ma petite sœur me souriait dans son petit bikini rouge.

- Vue ma désorientation, je crois que oui.

Elle s'allongea sur le transat à côté de moi.

- Aaaah ces vacances sont top ! Je ne pensais pas que j’allais me mettre en bikini en Irlande. Je suis agréablement surprise.

Je me redressai péniblement sur mes coudes. Autour de moi, le paysage sauvage de l’Irlande. La petite location que ma sœur avait choisie pour me faire oublier mon divorce était parfaitement située entre les landes verdoyantes et la côte atlantique sauvage.

Je contemplai ma sœur, couchée à côté de moi. Ma jeune sœur était merveilleuse, fine et éclatante. Fanny était une brillante jeune avocate de 29 ans, mariée au plus beau parti de la ville, Andreas, architecte suédois de 31 ans, déjà associé, ressemblant au prince charmant autant par son physique que par son caractère. Il était au petit soin avec elle ; elle était comblée. Ils étaient fous amoureux l’un de l'autre.

Je ne ressemblais absolument pas à ma petite sœur : 35 ans, fraîchement divorcée, secrétaire médicale sans diplôme prestigieux, petite brunette un peu perdue dans mon corps, pas ronde du tout, plutôt mince, mais molle comme disait notre mère.

Ma très chère mère qui m’en voulait d'avoir divorcé du « parfait gendre » comme elle aimait l’appeler, me rendant responsable des infidélités de mon ex-mari.

« Si tu avais fait attention à toi et perdu quelques kilos, il ne serait pas allé chercher mieux ailleurs » disait-elle.

Oui, merci mère.

Oui, c'était évidemment de ma faute, si ma meilleure amie m'avait trahi en ayant eu une liaison avec mon mari pendant 2 ans, sous mes yeux. Oui, j'étais responsable de ma naïveté. Je n'avais rien vu, rien compris. C'est quand elle tomba enceinte que, devant le fait accompli, ils furent obligés de tout me révéler. Si « l'accident » n'avait pas eu lieu, ils auraient continué leurs méfaits sans regret, en se moquant de moi et de mon insouciance.

La nouvelle avait été comme une exécution sommaire, une épée tranchant la gorge d'un prisonnier. Rapide, violente et définitive, sans marche arrière possible. Ils ont laissé rouler ma tête au sol sans même un regard de compassion tandis qu’ils tournaient les talons pour aller choisir la poussette dernier cri.

Ce bébé, je le désirais énormément. Mais il n’en voulait pas, me faisant même avorter une fois, disant que ce n’était pas le moment, qu'il n'était pas prêt … Il n'était pas prêt à avoir des enfants avec moi visiblement.

Ce voyage dans le pays de mes rêves devait me consoler, me calmer du tumulte de la ville de Paris. Mais, je ne pensais pas visiter ce pays magique en tenant la chandelle à ma sœur et à son mari. Ils étaient tellement amoureux, tellement complices que les voir se bécoter en premier plan sur toutes les photos de nos visites me rendait maladivement jalouse, les détestant presque. Et il me venait l’envie de les voir, eux aussi, se séparer et arrêter d’être heureux pendant que j’étais malheureuse. Comment osaient-ils s’aimer quand moi je ne le pouvais plus…

Néanmoins, l’Irlande avait essayé de bien jouer son rôle. Perdue dans ce paysage, j'avais l'impression d'être hors du temps, dans une autre dimension. L’envie de rester ici pour l’éternité et de ne pas à avoir à affronter le regard de mon ex-mari sur le ventre rebondi de mon ex-meilleure amie était forte…

Andreas m’extirpa de mes pensées en me tendant un cocktail qu'il réussissait à merveille.

- Allez c’est l’heure de l'apéro !

- Merci, noyons mon chagrin dans la beuverie.

Il rit.

- Ne t’inquiète pas. Tu es dans une mauvaise phase en ce moment. Tout va s’arranger, je le sens, dit-il en s’installant sur le transat de Fanny en poussant légèrement ses jambes. Je te présenterai aux copains en Suède. Les brunes ont la cote là-bas ! enchaina-t-il en me faisant un clin d’œil.

Il était vraiment charmant mon beau-frère. Mais là, en ce moment, j’avais plutôt envie de me pendre au premier arbre sur mon chemin.

- Profitez les filles. Demain le temps va se gâter, lança-t-il en relevant les yeux au ciel. L’épicier du village me l’a confirmé ce matin.

- Ah non, sursauta ma sœur, et notre excursion à la mer ?

- Bah, ce n’est pas une petite bruine qui va faire peur aux irlandais, dis-je tout en pensant que si le bateau coulait pendant la tempête, m’emportant avec lui, ce serait une bonne chose de faite…

- Je crois que ça va être juste du vent, pas de pluie, ajouta Andreas. En tout cas, beau temps ou pas, je reste ici.

- Pfff. Il est beau le suédois qui a le mal de mer ! Où est mon fier guerrier nordique sur son knarr ? râla Fanny en riant.

- Et bien le guerrier n’a pas honte de dire qu’il a le mal de mer, déclara-t-il en martelant son torse du poing.

- Ne t’inquiète pas, rigolais-je, personne n’a envie de te voir vomir toutes tes tripes sur le pont.

Le soir venu, je laissais les amoureux seuls et décidai de marcher un peu autour de la maison. « Je vivrais bien ici pour toujours » pensais-je en prenant une grande respiration.

La maison était située un peu en hauteur, juste assez éloignée du village pour donner le sentiment d’être isolée et perdue dans le temps et l’espace. Mais, si on avait un peu envie de compagnie, il y avait ce charmant petit village très chaleureux et accueillant à quelques minutes en voiture.

Le paysage était spectaculaire. Depuis le jardin parfaitement aménagé, on pouvait admirer les falaises et l’océan qui offraient chaque jour un spectacle différent. Et tout autour, de la verdure, à perte de vue. Ces vastes étendues verdoyantes donnaient envie de courir et d'imiter Heidi en rigolant et tournoyant dans l’herbe. Et la nuit, loin des grandes villes, le ciel était époustouflant. Des milliers d’étoiles scintillaient dans le ciel à en avoir le vertige.


De retour à la maison, en montant les escaliers, j'entendis les tourtereaux en plein ébats dans leur chambre parentale. Je refermai rapidement la porte de ma chambre derrière moi, y posai mon front laissant les larmes remplir mes yeux. Je me retournai et j'éclatai en sanglot quand je vis ma petite chambre où deux lits simples me renvoyaient au visage que j'étais célibataire et seule ...

Après ma douche, je m'écroulai dans mon lit et m'endormis avant même que les larmes sur mes joues ne sèchent.

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