J’accepte la main tendue de Liam et me redresse à mon tour. Le jeune homme me conduit vers le foyer et sa chaleur m’enveloppe instantanément, m’offrant ainsi un confort salvateur. Je m’assieds au coin du feu pendant qu’une jeune femme me tend un bol fumant remplit d’une sorte de soupe de légumes agrémentée de quelques rares morceau de viande. Je saisi la petite cuillère en bois dans le récipient et porte un peu de cette nourriture à mes lèvres. La soupe me parait exquise et mon ventre remercie cette offrande.

En face de moi, un vieil homme est assis et me fixe intensément. Ses yeux gris semblent vouloir s’emparer de mon âme, pourtant sa voix ne m’inspire aucune terreur.

- Alors, mademoiselle Sona, reprend-il doucement, que nous vaut l’honneur de votre visite ? Je suppose qu’on ne se ballade pas dans les bois ainsi seule par pur plaisir.

Mon esprit doit inventer rapidement une idée, un mensonge, quelque chose à lui dire. Je décide alors de lui dévoiler une semi-vérité seulement, me permettant ainsi de ne pas me trahir plus tard.

- Je me suis enfuit de chez moi, souffle-je alors, penaude. Ma famille voulait à tout prix me marier à un homme absolument abject et le jour de mes noces, j’ai décidé de tout quitter.

C’est toute l’assemblé qui nous fixe alors dans un silence pesant, à l’affut du moindre échange entre le vieillard et moi.

- Ainsi donc, vous-êtes une fugitive ? Nous devrions peut-être vous ramener à vos parents. Ils doivent s’inquiéter.

- Il ne vaudrait mieux pas, continu-je d’inventer mon histoire. Je suis la petite dernière, je suis une moins que rien à leurs yeux. Je pense qu’ils désiraient seulement se débarrasser de moi.

Devant l’air ému des femmes composant la troupe, je pense que mon mensonge a fonctionné. Je termine mon bol et aussitôt une louche vient me le remplir.

- Excusez-moi, je ne voudrais pas être une gêne pour vous. Vous n’êtes pas obligé de…

- Nous le savons, me coupe le vieil homme, mais nous n’avons pas pour habitude de laisser les gens mourir de froid et de faim sur notre chemin. Toutefois nous allons repartir dès demain, alors plusieurs options s’offrent à vous.

J’écoute le vieillard avec attention, troublée que la compagnie soit aussi prévenante à mn égard. Enfin, sauf le lanceur de couteau.

- Il est absolument hors de question que nous te laissions ici, parce que vous allez très certainement pourrir de froid et de faim. Vous allez donc nous accompagner jusqu’au prochain village ou nous donnerons une de nos premières représentations de la saison estivale.

Il marque une pause, reprenant son souffle et en profite pour allumer une longue pipe en bois.

- Je disais donc, au prochain village, vous pourrez partir comme bon vous semble, faire votre vie comme vous l’entendez. Ou bien vous pouvez rejoindre notre troupe et vous voyagez avec nous.

Je manque de m’étrangler avec le peu de soupe que peut contenir la cuillère. Moi, faire partie d’une troupe d’artiste ? Je ne me connais aucun talent spécial. Je ne me connais pas du tout, pour le coup.

- Je suis vraiment confuse, parviens-je à articuler en reprenant mon souffle. Je ne sais pas ce que je pourrais faire dans votre troupe ! Je n’ai rien de vraiment spécial qui pourrait vous-être utile.

- Nous trouverons bien quelque chose ! s’exclame le vieil homme en riant. Si l’on nettoie un peu votre joli minois et que vous preniez quelques leçons de théâtre avec nous, je suis certain que vous feriez une excellente actrice !

- Je ne sais pas vraiment quoi vous réponde…

- Ne vous en faites pas, je n’attends pas de réponse immédiate. Nous serons arrivés à la prochaine ville dans deux jours. D’ici-là, vous pourrez apprendre à mieux nous connaître, et vous me donnerez votre réponse à ce moment-là. En attendant, bienvenue dans la troupe de la Dernière Magie !