Stephoos et Chiara

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Il fait froid, mes doigts sont complètement engourdis. Seule la zone entaillée de mon bras me brûle. Je n'arrive même plus à ouvrir les yeux. Cependant, j'entends les grognements féroces des loups-garous qui affrontent mon amie. Combien de temps encore tiendra-t-elle ? C'est la seule chose que je me demande. Je commence à me sentir profondément abattue, aussi bien physiquement que moralement. J'attends juste calmement la suite des évènements.

J'entends alors des bruits de sabots. Serait-ce Blanche qui revient ? Elle est pourtant si obéissante envers sa maitresse et je n'ai pas entendu cette dernière la rappeler. Des bruits de chaire tranchée et des hurlements de douleur me parviennent ensuite. Que se passe-t-il ?

J'ouvre tout doucement les yeux. Ma vision est quelque peu brouillée, mais je distingue les corps des loups-garous au sol, baignant dans une mare de sang. Quelque chose se tient debout devant eux. Il a le corps d'un cheval et le buste d'un homme aux cheveux bruns mi-longs et aux yeux noisette. Est-ce que je commence à halluciner à cause de la perte de sang ?

Je vois ensuite Arwen se précipiter vers moi et me demander :

- Emma ? Est-ce que ça va ?

Je ne lui réponds rien, je n'en ai pas la force. Elle poursuit :

- Attends, je vais te soigner.

Elle soulève la manche de ma robe pour découvrir ma blessure et pose ses mains blanches dessus. Puis elle murmure ce qui ressemble à une incantation dans sa langue elfique. Une lumière dorée provient alors de ses mains, enveloppant ma plaie. Cette dernière se referme peu à peu et, bientôt, mon bras redevient aussi intact qu'il l'était avant d'être blessé.

Je suis fascinée par ce dont cette jeune elfe est capable ! Une autre voix s'élève bientôt, celle de l'étrange créature mi-homme, mi-cheval :

- Comment va votre amie ? demande-t-il à Arwen.

- Ça ira, répond-t-elle.

- Tant mieux.

- Merci pour votre aide. Sans vous, nous serions perdues !

- De rien. Je déteste ces loups-garous de toute façon alors je les aurai tués, que vous soyez là ou non.

- Pourquoi une telle haine envers eux ?

- Ils ont tué des membres de mon clan. Je ne le leur pardonnerai jamais.

- Je comprends.

- Vous feriez mieux d'allumer un feu pour réchauffer votre amie, sans quoi elle mourra de froid.

- Oui, vous avez raison.

Je n'entends pas le reste de la conversation car je sombre malgré moi dans le sommeil.

Je suis réveillée par une sensation d'humidité sur mon visage. En ouvrant les yeux, je tombe nez à nez avec Azur. Mon visage s'illumine d'un grand sourire et je sers mon petit compagnon contre moi en m'exclamant :

- Oh, Azur ! Tu es revenu ! Je suis si heureuse de te revoir !

Il m'offre un énième coup de langue affectueux. Je ris :

- Ce n'est pas une raison pour me couvrir de bave !

- Blanche aussi est de retour, déclare Arwen. Ils viennent de revenir avec le lever du soleil. Ils savent que les loups-garous reprennent forme humaine à cet instant.

Le soleil est en effet en train de se lever, teintant le paysage de doré. En regardant autour de moi, je vois le mystérieux homme-cheval de la veille, assis de l'autre côté du feu. Il me demande :

- Vous allez mieux ?

- Oui, merci.

Il m'adresse un simple hochement de tête. Je lui demande :

- Excusez-moi, mais . . . Pouvons-nous savoir qui vous êtes au juste ?

- Je m'appelle Stephoos. Je suis l'un des centaures de cette forêt.

- C'est lui qui nous a sauvées des loups-garous, hier soir en les tranchant un à un avec son épée, m'informe Arwen.

- Et vous ? Qui êtes-vous, mesdemoiselles ?

- Je m'appelle Arwen, je suis la princesse des elfes de la forêt. Et voici mon amie Emma Superbum. Elle est sorcière.

- Enchanté.

- De même, répondons-nous en choeur.

C'est alors que nous entendons un gémissement de douleur. En tournant la tête dans la direction d'où il provient, nous voyons quelque chose bouger, quelques mètres derrière les corps sans vie des créatures nocturnes. Nous allons tous voir et découvrons alors une jeune fille dont la chevelure argentée lui tombe jusqu'à la moitié du dos. Elle est vêtue d'un pantalon noir et d'une tunique en laine grise au col roulé, mais ses vêtements sont déchirés par endroits. L'une des flèches d'Arwen est plantée dans son omoplate. La pauvre se tord et gémit de douleur. Stephoos remarque :

- Ce doit être l'un des loups-garous de tout à l'heure. Elle a survécu, mais ne vous en faites pas, je vais abréger ses souffrances, dit-il en levant son épée.

- Non ! rétorqué-je. Elle est blessée, il faut l'aider avant qu'elle n'en meurt !

- Vous voulez aider une créature qui était prête à vous tuer sans aucune pitié ?

- Les loups-garous ne savent pas ce qu'ils font lorsqu'ils sont transformés, argumente Arwen. Ils perdent toute conscience humaine durant cette période. Je vous en prie, Stephoos, épargnez-la.

Le centaure hésite pendant quelques secondes, puis soupire :

- Bien, mais je le fais uniquement parce que c'est vous qui me le demandez.

- Merci, Stephoos.

Arwen s'agenouille auprès de la jeune fille et enlève la flèche ensanglantée de son omoplate, avant de poser ses mains sur la blessure et de murmurer une nouvelle incantation en language elfique. La plaie commence aussitôt à se refermer, jusqu'à disparaitre complètement quelques secondes plus tard.

Elle la porte ensuite pour la déposer auprès du feu afin de la réchauffer. La jeune fille ne tarde pas à ouvrir ses yeux noirs. Elle regarde partout autour d'elle d'un air quelque peu perdu, puis elle nous dévisage longuement un à un, avant de demander :

- Qui êtes-vous ? Où suis-je ?

Nous nous présentons et lui expliquons la situation, avant que je ne lui demande :

- Et toi ? Qui es-tu ?

- Je m'appelle Chiara. Comme vous le savez déjà, je suis une louve-garou.

- Comment l'es-tu devenue ? lui demandé-je. Tu as été mordue ?

- Oui, j'ai été mordue il y a de cela des années par l'une de ces créatures alors que je m'étais perdue dans la forêt qui borde la maison familiale. J'étais sortie jouer en fin de journée et je me suis enfoncée dans la forêt. J'ai fini par me perdre et, avec la tombée de la nuit, les loups-garous sont arrivés. L'un d'eux m'a mordue. Je n'ai été retrouvée que le lendemain matin par mes parents. Le mois suivant, je me suis transformée avec la pleine lune. En voyant cela, mes parents ont été absolument choqués et effrayés. Ils m'ont fait comprendre que pour leur sécurité et celle de mes frères et soeurs, je ne pouvais pas rester dans la maison avec un pouvoir aussi dangereux. Alors je suis partie et, depuis, j'erre dans la forêt. Je suis désolée pour l'attaque de la veille. Je n'ai pas conscience de ce que je fais lorsque je suis transformée.

- Oui, nous savons, la rassure Arwen. Ce n'est rien, tout le monde va bien et c'est l'essentiel.

Stephoos, de son côté, ne dit rien. Il se contente de dévisager cette jeune fille avec méfiance. Il finit par lâcher :

- Bien, puisque tout le monde va bien, comme l'affirme la princesse des elfes, je vous laisse. J'ai fait ce que j'avais à faire. Adieu.

Il commence à s'éloigner. Je lui dis :

- Attendez, Stephoos ! Vous êtes sûr que vous ne voulez pas rester avec nous ?

- Oui, je dois rejoindre les membres de mon clan. Cependant, je peux vous laisser un dernier conseil : ne trainez surtout pas trop longtemps avec cette louve-garou.

Puis il tourne les talons et disparait entre les arbres.

Je regarde Arwen et lui demande :

- Qu'est-ce que tu en penses ?

- Cette pauvre fille a été rejetée par sa famille, nous ne pouvons l'abondonner à notre tour, ce serait beaucoup trop cruel. Cependant, il est vrai que les nuits de pleine lune, elle pourrait être une menace pour nous.

- Ne vous en faites pas, dit Chiara. Je vais m'en aller, vous n'avez pas à vous soucier de moi.

- Non, attends ! Tu ne mérites pas de vivre seule. C'est trop injuste !

- Oui, mais je n'ai pas d'autre choix. Je suis un danger pour les autres, je ne peux donc pas vivre en société.

- Ne t'en fais pas, je suis sûre que nous pourrons trouver une solution . . .

- Non, il n'y en a pas. Il n'y a jamais eu d'autre solution pour les loups-garous que de s'isoler ou d'être tué. Je vous remercie pour votre gentillesse, mais je dois vraiment y aller maintenant. Je ne veux pas mettre en danger celles qui m'ont sauvée. Adieu et bonne chance.

Je tente de la rattraper, mais elle s'éloigne au pas de course et disparait très vite de notre champ de vision.

Arwen et moi échangeons un regard triste. Pauvre Chiara !

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