Les triplées du brouillard

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Je cours aussi vite que je peux, essayant de rattraper les trois silhouettes, mais plus je m'en approche, plus elles s'éloignent. C'est exactement comme si je cherchais à atteindre l'autre bout d'un arc-en-ciel. Je leur crie :

- Attendez, s'il vous plait ! N'allez pas si vite !

Elles ne répondent rien, continuant de chanter leur douce mélodie. Elles s'éloignent de plus en plus, j'ai l'impression que je ne les rattraperai jamais alors que je veux tant les rejoindre ! Je leur crie, pendant que des larmes commencent à perler aux coins de mes yeux :

- Je vous en supplie, attendez-moi ! Ne me laissez pas toute seule !

C'est peine perdue. Elles ne semblent pas m'entendre. Cela fait pourtant plusieurs minutes que je leur cours après et je commence déjà à m'essouffler. Je sens un puissant désespoir m'envahir à l'idée que je ne les rattraperai sûrement jamais. C'est comme si j'avais un besoin vital d'être à leurs côtés.

Soudain, je sens une main m'attraper par le col et me tirer en arrière. En me retournant, je constate qu'il s'agit de mon tuteur. Il plonge ses yeux noirs dans les miens pour me dire d'un ton ferme :

- Qu'est-ce que vous faites ? Décidément, vous n'êtes qu'une petite inconsciente !

- Lâchez-moi ! lui répondé-je avec colère en repoussant sa main.

Hélas, il a une emprise ferme sur moi et ne lâche donc pas mon col. Il poursuit d'un ton calme :

- C'est devenu trop dangereux de rester ici. Rentrons.

Il tourne les talons et avance dans la direction opposée, sans me lâcher, m'entrainant donc avec lui et m'éloignant des trois filles que je veux absolument rejoindre. Je commence donc à me débattre violemment en rouant sa main de coups pour qu'il lâche enfin prise :

- Lâchez-moi ! Je ne veux pas vous suivre !

- Je me fiche de ce que vous voulez ! Je suis votre tuteur, vous me devez obéissance !

- Non ! Je ne vous dois rien du tout ! Vous n'êtes rien pour moi ! Je ne vous aime pas et je ne veux pas rester avec vous !

Malgré les nombreux coups que j'inflige à sa main, il ne lâche pas mon col. Folle de rage, je lui lance aussi des coups de pieds en hurlant :

- Lâchez-moi ! Je ne veux pas rester avec vous ! Je dois les rejoindre avant qu'il ne soit trop tard !

- Rejoindre qui ?

- Cela ne vous regarde pas ! Je vous demande juste de me laisser tranquille !

- Non !

Poussée à bout, je mords sa main de toutes mes forces. Cela a pour effet de lui faire lâcher un juron, mais aussi et surtout de relâcher son emprise sur moi. J'en profite pour courir à nouveau vers les trois silhouettes au chant mélodieux, en leur adressant avec un grand sourire au lèvres :

- J'arrive !

C'est alors que je sens deux bras m'entourer et me serrer très fort, m'empêchant ainsi de poursuivre ma progression. La voix de James Corvus me parvient :

- Non, ne les suivez pas ! Ce sont des créatures maléfiques ! Si vous partez avec elles, vous ne reviendrez plus jamais !

- Mais je ne veux pas revenir ! Je veux les suivre ! Je veux être avec elles ! hurlé-je en me débattant de toutes mes forces.

Seulement, le sorcier à la chevelure de jais est bien plus fort que moi physiquement et mes efforts pour me libérer de son emprise sont donc vains. Un puissant sentiment de désespoir m'envahit et des larmes coulent sur mes joues.

En regardant devant moi, je constate que les silhouettes des trois jeunes filles ne sont plus que des points à l'horizon. Elles s'éloignent pour de bon et le doux chant qui envahit la forêt faiblit petit à petit.

Je murmure, d'une voix étranglée par les sanglots :

- Non, ne m'abandonnez pas . . .

*

J'ouvre les yeux et regarde autour de moi. Je suis dans ma chambre, allongée dans mon lit. En regardant à ma gauche, je constate que mon tuteur est là, assis sur une chaise, en train de lire un livre. Surprise par sa présence, je me redresse précipitamment. Il lève alors les yeux vers moi et dit :

- Ah, vous voilà enfin réveillée.

- Que faisons-nous là ? Je croyais que nous étions dans la forêt . . .

- Ah, vous ne vous souvenez pas de ce qui s'est passé. Ce n'est pas étonnant, vous étiez dans un état second.

- De quoi est-ce que vous parlez ?

- Vous avez été envoûtée par les triplées du brouillard.

- Les triplées du brouillard ?

- Oui, c'est le nom qu'on donne à trois créatures qui vivent dans la forêt, mais qui n'apparaissent qu'avec l'arrivée du brouillard. Elle se présentent sous l'apparence de trois charmantes jeunes filles et envoûtent les humains qui sont perdus dans cette forêt pour les attirer à elles et les emmener.

- Où les emmènent-elle ?

- Personne ne le sait, tout simplement car tous ceux qu'elles ont réussi à emmener ne sont jamais revenus pour en parler.

Un frisson désagréable me parcourt la colonne vértébrale. Son histoire me fait froid dans le dos ! Je lui demande :

- Comment y ai-je échappé, moi ?

- Je vous ai empeché de les suivre, tout simplement. Cependant, vous devriez aussi remercier ce dragon, dit-il en me désignant Azur d'un geste de la tête. C'est lui qui est venu me chercher pour me guider jusqu'à vous.

Aussitôt, mon petit compagnon se jette sur moi pour se frotter affectueusement contre moi en ronronnant, visiblement ravi de me revoir saine et sauve. Je lui caresse les écailles du dos en riant :

- Ha ha ha ! Oui, moi aussi je suis heureuse de te revoir. Et merci beaucoup, Azur !

- Vous semblez bien le connaitre.

- Oui.

- Depuis quand ce dragon est-il à vos côtés ?

- Nous nous sommes rencontrés à l'orphelinat, peu de temps avant que vous ne veniez m'adopter. Depuis, nous ne nous quittons plus jamais.

- Pourquoi ne pas m'en avoir parlé ?

- J'avais peur que vous me le confisquez.

- C'est vraiment ridicule ! Pourquoi vous confisquerai-je un ami aussi fidèle que lui ?

- Alors je peux le garder ?

- Évidemment. Les dragons sont des créatures libres. Personne ne peut leur imposer sa volonté. Alors si ce dragon souhaite rester auprès de vous, il le peut.

Je suis si ravie par cette nouvelle qu'un grand sourire se dessine sur mon visage et je m'exclame :

- Oh, merci, maitre ! Merci !

Ce dernier plonge son regard noir dans le mien pendant plusieurs secondes, toujours avec son air calme et impassible, puis il se lève et déclare :

- Dépêchez-vous de me rejoindre en-bas. Je dois encore vous montrer comment préparer cette potion de guérison.

Je le regarde s'éloigner et quitter la pièce, en refermant la porte derrière lui. Cet homme m'intrigue vraiment et m'agace parfois, mais il a eu la bonté de ne pas me séparer de mon seul ami, alors je lui en suis reconnaissante.

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