Chapitre 3

23 minutes de lecture

Je suis dans une bulle de bonheur… Je suis amoureux et le sentiment est réciproque. Je n’ai jamais été aussi heureux. Cette nuit-là, nous nous sommes endormis l’un contre l’autre, tantôt sa tête sur mon torse, tantôt l’inverse. Après le cauchemar de ces derniers jours, cette tranquillité semble bénie. Je me réveille sous le regard attendri de Victor.

« Tu ronfles ! »

Je le frappe avec mon oreiller ce qui le fait rire aux éclats. Il se met à me chatouiller et nous partons dans un fou rire monumental, jusqu’à en pleurer. Nous finissons par nous écrouler sur le lit, complètement essoufflés. Après avoir repris une respiration normale, il se met sur son coude et dépose un léger baiser sur mes lèvres.

« Salut toi... »

Je lui souris, l’attrape et l’embrasse plus profondément. Je ne me lasserai jamais de ses lèvres, de ses baisers et de la chaleur qu’ils dégagent.

Je prépare le petit déjeuner, lorsque ce qui ressemble à un souvenir me revient en mémoire. Je l’apporte dans la pièce principale et pose la question qui me taraude.

« - Dis-moi Victor, il y a quelque chose qui m’est revenu… comme un souvenir ou un rêve… Quand j’étais dans le coma, je te sentais près de moi, je savais que tu étais là. (Il sourit.) Mais tu as dit un truc du genre ’’ ne me laisse pas toi aussi’’… et je viens de réaliser que je n’ai eu aucune nouvelle de Minami…

- Oui…, me répond-il tristement. J’ai moi-même essayé de la joindre… en vain… Messagerie… mais le soir où… où… nous nous sommes disputés… elle m’a appelé… Complètement paniquée... Papa l’a envoyé chez sa sœur dans le but de l’intégrer à une pension juste à côté de chez elle… Minami doit y entrer dans une semaine. Et ce… pour au minimum cinq ans...»

J’en reste sans voix. Sous le choc, je m’assois près de Victor et lui prends la main : je sais qu’il adore sa sœur. Ne pas la voir ces deux dernières années a été un calvaire pour lui, il me l’avait avoué, alors pendant cinq années supplémentaires… Je le prends dans mes bras et il se laisse aller sur mon épaule, pleurant une fois de plus la perte de sa moitié. J’essaie de le réconforter au mieux : bientôt ils seront majeurs et plus rien ne pourra les empêcher de se voir. Encore deux ans me dit-il…

Quoi ? Deux ans ?

Il me regarde et fronce les sourcils devant mon air effaré. Comme Minami était en terminale comme moi, j’étais persuadé qu’elle avait au moins dix-sept ans ! Victor ne peut s’empêcher de rire malgré son chagrin. Eh bien non. Minami est une surdouée : de ce fait elle a sauté deux classes. J’ai du mal à y croire : Victor est plus jeune que moi de presque deux ans… Je prend le temps de digérer l’information : ainsi, son père l’aurait mis dehors… à quatorze ans ? Il a du réaliser très tôt son homosexualité ! Je n’en reviens pas… Dire que moi je ne le sais que depuis peu !

Il me raconte : au collège, il protégeait sa sœur devant les regards lubriques des garçons, jusqu’à se battre avec certains, tout en s’étonnant de ne pas ressentir la même attirance pour les filles. Il se confessa à sa mère, de qui il était très proche : elle lui disait que son temps à lui n’était pas encore venu, de ne pas s’inquiéter. Arrivé en dernière année de collège, Minami était entrée directement en première au lycée, le délaissant un peu : il n’avait pas les mêmes capacités intellectuelles ni les mêmes occupations. De plus, son emploi du temps était très chargé. Il se plongea alors dans le dessin, sa prof d’art plastique ayant remarqué son talent inné pour les croquis. Il se perfectionnait de jour en jour tellement qu’elle lui a demandé s'il voulait partager ses œuvres lors d’un concours de jeunes dessinateurs amateurs. Il accepta avec joie : il lui suffisait d’obtenir l’autorisation parentale, la présentation ayant lieu en soirée.

Il la demandait dès qu’il fut rentré chez lui : sa mère était vraiment heureuse ! Depuis le départ de Minami au lycée, Victor ne m’intéressait plus à grand-chose.

« - En revanche, papa n’était pas trop emballé par l’idée… Mais il me donna quand même son accord du moment que çà ne me prenait pas trop de temps sur mon travail scolaire, déjà que j’étais très limité... Je lui promis de faire plus d’efforts à l’école. Durant une semaine, j’ai dessiné comme un fou : je croquais tout ce qui me plaisait. Je présentais mes dessins à la prof qui en choisit une dizaine pour la présentation. Le fameux soir est arrivé : je tremblais d’excitation. L’artiste peintre organisateur du concours y avait inscrit son propre fils. Je l’ai connu ce soir-là. Dès que je l’ai vu, mon corps a réagi tout seul, si tu vois ce que je veux dire…

- Oui, oui je vois…

Aïe, je crois que je suis jaloux…

- Il est venu voir mes dessins et m’a complimenté. Il s’appelait Stephan et avait quinze ans. Nous avons discuté toute la soirée puis échangé nos numéros. On s’est revu plusieurs fois et j’ai fini par réaliser que je ressentais plus que de l’amitié pour lui. C’était comme une évidence.

Aïe ça fait mal…

Mais je n’osais pas le lui dire. Et un jour, de but en blanc, il me demande si je suis gay. Comme ça. Gros choc. Je n’avais jamais mis le mot dessus mais j’ai quand même répondu oui. Sans crier gare, il m’a embrassé. Ce fut mon premier baiser. On a commencé à sortir ensemble. Son père était au courant de son orientation sexuelle mais il s’en fichait, du moment que Stephan était heureux, peu lui importait avec qui. J’ai commis la grossière erreur de croire que mes parents le seraient aussi. »

Il se tait. Je ne sais pas si je dois l’encourager à continuer ou pas. Je veux savoir en même temps l’entendre parler de son amour pour un autre me rend… possessif.

Pas jaloux. Possessif. Victor est à moi maintenant.

Je lui prend la main et embrasse le bout de ses doigts. Il me regarde, sourit et poursuit son histoire.

« Un soir, en rentrant du collège, je vois mes parents qui m’attendent au salon. Maman a l’air gênée et papa est beaucoup trop calme. J’entre et il me dit ‘’ Viens voir par là, fiston.’’ Je m’approche, prend place à côté de lui. Là, il me raconte d’un ton anodin qu’un ami à lui m’a vu embrasser un jeune garçon près de la bibliothèque. J’avale péniblement ma salive : je n’étais absolument pas prêt pour lui avouer tout cela. Je n’avais que quatorze ans après tout… Il ajoute un : ‘’c’est vrai ?’’ Je n’arrivais pas à déterminer l’humeur dans laquelle il était. J’optais donc pour la vérité. Et là son visage a changé. Il a congédié ma mère d’un ton sans appel : elle n’avait pas son mot à dire. Et là, il a enlevé sa ceinture… et...et… »

Sa voix se brise… de grosses larmes roulent sur ses joues.

« - Victor arrête si tu ne...

- Non, il faut que ça sorte. Il m’a passé à tabac pour la première fois. Il m’a tellement frappé ce soir-là que je me suis évanoui de douleur. Minami n’était pas à la maison à ce moment-là, elle était en voyage scolaire pendant une semaine. La semaine la plus longue de ma vie… Il m'a enfermé dans ma chambre, me privant de nourriture et d’eau pensant que cela changerait mon orientation sexuelle. Il est même allé jusqu’à me payer des prostituées pour que je change d’avis ! Des prostituées ! A quatorze ans ! Et comme je refusais… il me battait jusqu’à plus soif. La veille du retour de Minami, il m’a mis à la porte disant que je ne dois pas souiller sa famille. Il n’avait plus de fils. Je suis allé chez Stephan. Ils m’ont recueilli quelques temps jusqu’à ce que ma mère se décide enfin à m’aider. Elle m’a trouvé ce petit appartement et c’est elle qui paye le loyer dans le dos de mon père, à condition que je ne porte pas plainte. Je ne suis plus allé au collège et comme excuse mes parents ont dit que j’étais parti à l’étranger. Stephan a déménagé peu de temps après et je n’ai plus eu de ses nouvelles depuis. Voilà, tu sais à peu près tout. »

Après m’avoir déballé tout çà, normal qu’il soit abattu. Connaître cette vérité, ce rejet de la part de son propre père ne fait qu’augmenter ma haine envers cet homme que je ne connais même pas. Et je n’ai absolument pas envie de le connaître. Pour nous changer les idées, je lui demande s'il ne connaît pas un endroit où on pourrait aller se baigner. Après tout, il fait un chaud soleil ! Mr je-sais-tout me rappelle que j’ai une plaie ouverte à la tête et que le sel n’est pas très bon dans ces cas là… Avec tout çà, j’avais complètement oublié mes propres blessures. Il prend note de ma moue dégoûtée et en rit.

Enfin.

« Allez viens champion. Il y a un endroit que je veux te montrer... »

Nous prenons la moto. Il m’emmène un peu plus loin sur les docks, un endroit que je n’avais jamais visité. Après avoir passé le port, il monte un chemin de terre assez abrupt vers un petit bois. Nous arrivons devant une petite cabane perchée dans un arbre d’une hauteur incroyable, surplombant une falaise où en contrebas se fracassent les vagues de l’océan. Il m’apprend que Paul l’a aidé à construire ce petit sanctuaire. Il sort un canif et me prend par la taille. Je rougis instantanément, comme sur commande. Il me chuchote à l’oreille « Accroche-toi fort à moi... ». J’en frissonne et m’exécute. Il passe son pied dans un las et coupe quelque chose avec son canif. Je n’ai même pas eu le temps de comprendre quoi que nos deux corps se sont soulevés dans les airs : je pousse un petit cri d’étonnement et m’agrippe un peu plus fort à Victor qui rit aux éclats. Il pose son pied sur le plancher de la cabane et m’aide à rétablir mon équilibre.

« Jamais je n’aurai cru que ce caillou nous porterait tous les deux ! Mon ascenseur personnel... », me dit-il fièrement en me montrant un petit système ingénieux de poulies, de cordes et un énorme rocher qui maintenant se trouve là où nous nous situions trois secondes plus tôt.

Je n’en reviens pas ! Je regarde autour de moi : la cabane est ronde, construite autour du tronc de l’arbre. Nous sommes passés par une trappe et juste en face de celle-ci il y a ce que Victor appelle son « balcon » qui donne une vue sur la mer tout bonnement incroyable. Je comprends aussi que je suis dans son atelier de peinture. Il y a des tableaux partout ! Des paysages, des surréalistes, quelques portraits… des trucs bizarres aussi.

« Mes débuts... » m’avoue-t-il en tirant la langue.

Je fais le tour… Victor me suit pas à pas. J’effleure du bout des doigts certaines toiles. Effectivement, il a un talent incroyable ! Ces peintures dégagent un tel réalisme et tellement de sentiments ! Il doit y en avoir des centaines ! Les unes collées aux autres, entassées dans un coin…

Soudain, je m’arrête, subjugué. Je tombe en admiration devant une toile représentant le lever du soleil sur une mer noire agrémentée de plusieurs nuances de bleu. Les couleurs sont à couper le souffle : le gris tendre du ciel, la blancheur du soleil et la couleur de cet océan…

« - Océan bleu sur ciel gris…, murmurai-je.

- Quoi ? Répète un peu ce que tu viens de dire ?

- Non… Rien… C’est une phrase qui me vient souvent à l’esprit quand on se regarde dans les yeux…

- Justement… Ce tableau je l’ai peint juste après notre rencontre… Tu sais le jour où tu as réparé mon ordinateur, le soir après t’avoir déposé… Je suis venu directement ici… et j’ai fait ça… Juste en pensant à toi... Redis-moi la phrase s’il te plaît…

- Océan bleu sur ciel gris, lui répétais-je à voix basse.

- Océan bleu sur ciel gris… Oui… c’est exactement ça… Ce sera le nom de notre tableau... »

BABOUM !

Mon cœur manque d’exploser.

Notre tableau.

Il s’approche pour me prendre la main et je l’attire contre moi pour l’embrasser. Notre baiser devient de plus en plus fiévreux, de plus en plus profond. Ses mains trouvent un passage sous mon T-shirt et me caressent la peau. Je gémis dans sa bouche. Une chaleur qui m’était jusqu’alors inconnue remonte le long de mon corps. Une douleur dans mon bas ventre me fait comprendre que je suis en érection. C’est vraiment douloureux. Victor se presse contre moi et je sens à travers son pantalon que lui aussi en a très envie. Nous ouvrons les yeux en même temps.

Océan bleu sur ciel gris.

Nos bouches s’éloignent doucement après une multitude de petits baisers tendres. Nous sommes à bout de souffle. Je pose mon front contre le sien. Il me sourit, un peu gêné. Je crois que nous le sommes tous les deux. C’est la première fois que nos corps expriment aussi clairement notre désir sexuel l’un pour l’autre…

J’aperçois au fond de la cabane une immense toile recouverte d’un drap blanc. Je m’approche et veut l’enlever. Victor m’en empêche : elle n’est pas terminée. Il manque quelques détails de finalisation. Je suis curieux, je le supplie mais en grand artiste il refuse. Je finis par laisser tomber et boude.

Il me regarde, amusé, tape dans ses mains, proclamant qu’il a une idée. Il va me croquer. Prenant conscience du double sens que peuvent avoir ses paroles, il devient rouge pivoine et s’accroupit sur le sol en se cachant le visage des mains. J’éclate de rire. Il lève vers moi des yeux faussement furibonds et se met à me courir après en essayant de m’attraper dans l’espace exigu de la cabane, vu qu’il ne peut rien me lancer ! Je me laisse avoir et le serre dans mes bras. Il pose sa tête sur mon épaule et me murmure un « je t’aime » à peine perceptible. Cela me suffit amplement et je lui dépose un baiser au coin de la tempe.

Je finis quand même par poser pour Môssieur l’artiste. Je ne sais absolument pas comment me mettre : du coup je fais l’imbécile en prenant des poses totalement ridicules, juste pour l’entendre rire. Victor finit par me demander de rester naturel, sans fioritures, ça ira très bien comme ça. Je m’assois donc dans un coin, un manga dans les mains et m’absorbe dans ma lecture. Lorsque je lève les yeux un instant, j’aperçois ses superbes pupilles bleus à travers le rideau de ses cheveux corbeau, imprégnés d’une extrême concentration. J’ai l’impression de vivre la scène du dessin dans le célèbre film du bateau qui coule… A la différence près que je suis habillé, moi. Je me replonge dans l’histoire d’un groupe de musique rock où une idylle est en train de se créer entre le chanteur et le guitariste (1). Complètement dans ma bulle, je ne m’aperçois de rien quand Victor se glisse derrière moi pour intercaler son dessin entre mon livre et mes yeux.

Aucun mot ne me vient à l’esprit devant mon portrait : sous ses traits de crayons je serai presque beau. La finesse des détails et les couleurs sont absolument magnifiques. Il a même réussi à capter la légère nuance de roux que j’ai dans les cheveux. J’ai l’air très absorbé par ma lecture… Au bas de la page, une signature, Vic, et au dos un petit mot : « A toi… pour l’éternité... » agrémenté d’un petit cœur rouge.

« - L’éternité hein ? C’est pas un peu présomptueux ça ?, ironisais-je.

- Bah quoi ? On peut toujours rêver ! »

Nous avons passé la journée à l’atelier. Le soir venu, nous regardons le coucher du soleil perché sur le « balcon », Victor assis entre mes jambes, les siennes à moitié dans le vide, appuyant ses bras contre la barrière. Je me sens bien… Soudain, je réalise à quel point ma vie a changé depuis quelques temps : ma rencontre avec Victor, son accident, la disparition de Minami, la perte de ma mère, mon accident, la découverte de mon homosexualité… J’ai un frisson. Victor le remarque et se tourne vers moi.

« - Qu’est-ce qui il y a ?

- Je… je viens de faire le tour de tout ce que j’ai gagné et perdu ces derniers temps…

- Verdict ?

- Plutôt positif… je suis sorti de l’enfer il y a trois mois maintenant, oui j’ai perdu ma mère il y a quelques jours… mais j’ai découvert quelque chose d’infiniment plus précieux…, lui répondis-je en le regardant tendrement. Il baisse les yeux et sourit timidement.

- Aujourd’hui, me voilà perché à quoi ? Deux cents mètres au-dessus de l’océan avec près de moi la personne la plus importante à mes yeux… Je crois que je ne peux rien demander de plus… »

Victor colle son dos à mon torse, tourne sa tête vers moi et nous nous embrassons devant ce magnifique soleil couchant.

Nous voilà de retour chez nous.

Cette pensée me fait sourire. Depuis quand chez Victor est-il devenu chez moi ?

Je crois que je me sentirai chez moi partout où Victor sera.

Parfois la violence de mes sentiments pour lui m’effraie. Je le regarde et fronce les sourcils : il me semble inquiet. Je lui demande ce qui se passe...

« Je ne sais pas… Quelque chose cloche dans l’appartement... »

Je jette un œil plus attentif et effectivement certaines choses ont été déplacées et notre lit est défait…

Bizarre… quelqu’un serait venu durant notre absence ?

Je demande à Victor qui a les clés de chez lui : en dehors de nous, juste Minami. Mais celle-ci est à au moins cinq cent kilomètres d’ici ! Avant de verser dans la paranoïa, je lui dis que c’est sûrement nous-même qui avons fait cela ce matin sans même nous en rendre compte… Victor n’est pas convaincu mais ne rajoute rien.

Assis sur son lit, lui entre mes jambes, nous regardons un film tout en mangeant des sandwichs. J’ai chaud : je lui demande si je peux enlever mon T-shirt.

« Pas de soucis, ça ne me dérange pas... » me murmure-t-il.

Il pose sa tête sur le haut de mon torse, ses cheveux me chatouillent. Je lui caresse le bras lentement, machinalement. Sans s’en rendre compte, il penche sa tête sur le côté, me libérant un passage dans son cou. Je ne peux y résister et y colle ma bouche. Je parsème de petits baisers de sa clavicule à l’oreille et je prends délicatement le lobe entre mes dents. Il pousse un gémissement : ce petit bruit à des répercussions jusqu’à mon entre-jambe. Il se tourne un peu plus vers moi et m’offre une bouche suppliante. Je l’embrasse fougueusement, sa main vient se caler derrière mon cou pour me rapprocher un peu plus, pendant que l’autre prend la mienne pour la presser sur son érection. A mon tour de gémir. Il se presse contre moi, ses fesses juste à la hauteur de la mienne…

« - Yuri… je… je n’ai… jamais…

- Moi non plus, Victor…

- Pas même avec une fille ?

- Non…, je ris doucement, pas même avec une fille… je suis tout aussi novice que toi…

- Mais j’en ai tellement envie… tellement que ça me fait mal Yuri…

- Tu veux qu’on essaye ?, murmurai-je, plein d’espoir.

- Oui… s’il te plaît… fait moi l’amour Yuri, me répondit-il les yeux débordant de désir.

Je l’embrasse tendrement. Je ne sais pas si je vais bien m’y prendre ou pas et je m’en fiche. Je veux vivre cette première fois à fond. Je l’allonge sur le lit, je suis au-dessus, entre ses jambes. Je lui enlève son T-shirt, tout en parsemant son torse de baisers. J’ose même prendre l’un de ses tétons dans ma bouche, il se cambre, frottant son érection contre la mienne. Cette réaction n’a pour effet que d’augmenter mon envie de lui. Je gémis de plaisir. Il déboutonne mon pantalon… Petit moment d’appréhension… Nous nous regardons dans les yeux…

« Océan bleu sur ciel gris... »

Cette phrase désinhibe toutes mes craintes. Je me déshabille entièrement. Me voilà nu devant lui. Il en fait de même. Je contemple son corps qui est un véritable ravissement pour mes yeux. Allongé près de lui, je ne sais plus quoi faire… mon envie de lui est si forte… Je l’embrasse et il me répond passionnément. Mon corps est fiévreux. Je sens sa main qui descend timidement vers mon érection : il l’empoigne doucement puis se met à me caresser plus frénétiquement. La sensation est indescriptible… Je gémis de plus en plus fort… Je voudrais faire de même pour lui mais impossible je m’abandonne à mon propre plaisir. Je jouis pour la première fois de ma vie… Victor me regarde un sourire victorieux scotché au visage.

Je le regarde, attendri et vexé par ce sourire. Je me penche vers lui et l’embrasse. Il se cambre contre moi et mon envie remonte aussitôt. Je l’entends gémir et quémander mon amour. Il se retourne. Presse ses fesses contre mon érection. J’hésite… Il se frotte un peu plus… je l’empoigne et doucement je le pénètre. Il crie. Je stoppe mon geste. Je n'ose plus bouger, de peur de lui faire mal. Finalement, doucement, lentement c’est lui qui achève de l’enfoncer en lui. Je prends le temps de savourer la sensation de plénitude qui me remplit, je me délecte. Je commence à bouger : des petits va et vient qui deviennent de plus en plus frénétiques. Chaque coup de rein que je lui donne nous rapproche du but ultime. Il finit par hurler son plaisir et je le suis de près.

Je retombe contre lui, épuisé. Je me retire et le prends dans mes bras. Il se pose sur mon torse et reprend peu à peu son souffle. Je suis heureux, si heureux. J’embrasse son front et passe un bras autour de lui.

« - Yuri ?

- Mmmh ?

- Je t’aime mon Yuri…

- Je t’aime aussi… mon Victor », lui répondis-je en souriant.

Nous nous endormons ainsi, complètement nus, nos corps pressés l’un contre l’autre.

Je sens la chaleur de Victor contre moi. La sensation est si agréable. Mais… mais… je sens aussi un danger…

Je resserre d’emblée mon emprise sur Victor qui s'enroule autour de mon corps.

Quelqu’un nous regarde.

J’entrouve les yeux…

Victor ? Non… impossible… Victor se trouve dans mes bras… Mais qui… Qui est-ce ? Mi...Minami ?

Je sursaute et ouvre les yeux complètement. L’appartement est vide. Je soupire. Je regarde Victor endormi contre moi, lui donne un léger baiser et me rendors. Je ne suis plus aussi serein que tout à l’heure.

Le lendemain, je me réveille seul dans le lit. Il fait froid… J’entends la pluie tomber au dehors... Victor, vêtu uniquement de son boxer, cherche quelque chose frénétiquement dans sa malle à vêtements. Il se redresse, son beau visage teinté d’inquiétude. Je fronce les sourcils.

« - Victor ?

- Ah… Bonjour, mon Yuri… Dis moi… Tu aurais vu mon pull AC/DC ?

- Euh… non… Tu ne l’aurais pas oublié à l’atelier ?

- Oui… Peut-être... »

Il s’approche de moi et m’embrasse tendrement. Mon envie de lui remonte aussitôt. Il s’assoit près de moi et grimace.

« - Tu as mal ?, m’inquiétais-je.

- Oui, rougit-il, un peu… Il faut dire que tu n’es pas allé de main morte hier soir… Mais j’ai adoré… On recommence quand tu veux !

- …, je déglutis. Quand je veux hein ?

- Bon… peut-être pas tout de suite alors... »

J’éclate de rire.

Comme il pleut, nous décidons de rester à la maison. L’espace exigu de l’appartement devient très vite chargé d’électricité sexuelle. C’est presque intenable… Je n’ose même plus le toucher de peur de lui sauter dessus.

Quelqu’un frappe à la porte : Rita et Paul ont décidé de venir nous rendre visite, pour voir comment je vais. Je suis touché par leur attention. Ils entrent et je leur sers un café. Le regard perçant de Rita passe de Victor à moi, de moi à Victor. Elle éclate de rire. Je crois que l’on ne peut rien lui cacher. Paul ne comprend absolument rien. Pour le mettre au parfum, j’embrasse Victor avec passion. Il ouvre des yeux grands comme des soucoupes puis nous félicite à coup de grandes bourrasques dans le dos. Pour fêter ça, il nous invite au restaurant. Nous déjeunons dans un petit restaurant chinois, à grand coup de rire.

Le couple nous dépose vers 15h00 cet après-midi là. Rita nous félicite une fois de plus et s’excuse mais ils doivent ouvrir la boutique. Ils repasseront nous voir bientôt. Une femme nous attend, assise sur la dernière marche d’escalier. Victor accourt vers elle et lui saute dans les bras. Lorsque j’aperçois ses yeux, je comprends de suite : la même teinte de bleu, c’est la mère des jumeaux. Je me fige… Elle est petite, fine avec des cheveux fins d’une blondeur très pâle, presque blanc. J’en déduis qu’ils tiennent leurs cheveux corbeau de leur père. Victor se tourne vers moi, radieux.

BABOUM !

Il me fait signe de monter et je m’exécute. Il me prend par la main, entrelace nos doigts. Ce simple geste me rassure et me fait sourire.

« - Maman… Voici Yuri mon… petit ami…

BABOUM !

- Ton… petit ami ?

- Oui, maman, mon petit ami. »

Elle me regarde, me détaille puis me sourit en me tendant la main. Je la prend et elle me surprend à m’attirer contre elle. Elle me remercie : elle n’a jamais vu Victor aussi radieux et pensait sincèrement le trouver dans un autre état… Je ne sais pas quoi penser...

Elle entre dans l’appartement. Je suis tellement gêné… et un peu en colère aussi… Surtout quand je repense à cette nuit où je l'ai trouvé à moitié inconscient... Elle s’assoit et Victor lui propose un café qu’elle accepte. Je me propose de le faire : j’ai besoin de m’occuper les mains. Un silence lourd de sous-entendus plane dans la pièce. Elle le coupe en me demandant d’où je viens. Je lui réponds que je suis de base un ami de Minami et que c’est elle qui nous a présenté, Victor et moi.

Pendant une fraction de seconde, l’inquiétude se peint sur son visage. Elle me sourit puis se lève en disant qu’il faut absolument qu’elle parte… Elle n’a même pas bu son café… Elle se dirige vers la porte, suivie de près par Victor. Elle l’enlace, pose un baiser sur son front et lui dit de bien faire attention à lui et qu'elle est vraiment désolée en touchant l'arcade gauche de son fils. Des larmes amères coulent sur ses joues. Je ne peux vraiment pas lui en vouloir : elle aussi semble souffrir de la situation. Puis elle me regarde et me demande de bien prendre soin de son Victor.

« J’y compte bien. »

Une fois partie, je ne peux m’empêcher de le taquiner.

« - Ton petit ami hein ?

- Quoi ? Ça ne te plaît pas ?, répond-il au tac au tac.

- En fait, je crois que si. Plus. J’adore.

- Je le savais. »

Il éclate de rire.

Mon dieu ! Que j’adore ce son !

La pluie s’est arrêtée : Victor me propose d’aller faire un tour sur la plage. L’odeur des embruns marins mélangés à celle de la pluie fraîchement tombée est un vrai plaisir. Nous nous dirigeons vers la petite plage située juste après les docks. Victor marche à mes côtés et nos mains se frôlent. Je la saisis et entrelace nos doigts. Peu m’importe le regard des autres : j’aime ce garçon et je veux le montrer au monde entier. De toute façon, il n’y a pas grand monde sur la plage : des parents avec des enfants en bas âge, un autre couple et nous.

Nous marchons main dans la main pendant un moment en silence, savourant juste l’instant. Il me propose de s’asseoir sur le sable pour regarder le coucher du soleil. Pour changer, c’est moi qui suis assis entre ses jambes. Il me caresse les bras. J’apprécie chaque moment passé en sa compagnie, je les mémorise. Je suis heureux, c’est tout ce qui compte pour moi. Je me retourne vers lui pour quémander un baiser. Il me sourit et accède à ma demande. Il m’embrasse d’abord tendrement puis de plus en plus fiévreusement. Je sens son érection contre mes fesses et lui mord la lèvre inférieure.

« Pervers, va ! », me dit-il.

Je ris en lui rétorquant que cela ne le dérange pas plus que ça. Il me tire la langue.

Nous rentrons à la maison. En arrivant devant l’appartement, la porte est entrouverte. Inquiet, je met Victor derrière moi instinctivement pour le protéger et entre prudemment. Quelqu’un est venu, il n’y a aucun doute. Pourtant, rien ne manque. Rien n’a été déplacé. Rien n’a changé. Je ne me sens pas plus rassuré pour autant. Je propose à Victor d’ajouter une serrure supplémentaire à la porte. Il me dit que j’exagère, que je m’inquiète pour rien. Vu ma tête, il finit par capituler en souriant.

Victor nous réchauffe les restes du repas du midi. Une fois sur le lit, nous rougissons d’emblée et mangeons en silence. Je débarrasse les bols et reviens m’asseoir près de lui. La tension est palpable. Il finit par se coller à moi et passe une main sous mon T-shirt, je frissonne. Il l’enlève et parsème de baisers mon torse. Je ne veux pas l’arrêter. Il me regarde, semblant demander mon approbation. J’acquiesce : j’ai trop envie de lui. Il déboutonne mon pantalon et prend mon érection en main. Cette fois-ci, je fais de même. Assis face à face, nous nous regardons dans les yeux pendant que nous nous donnons du plaisir. Ce moment est rempli de sensualité et d’érotisme. Nous jouissons en même temps. Je le regarde, essoufflé et ne peut réprimer une vague d’amour pour ce garçon qui est rouge de plaisir juste devant moi et à cause de moi…

Il s’approche lentement et me plaque sur le lit, lui entre mes jambes. Il prend l’initiative et m’embrasse passionnément. Je sens son érection revenir. Encore une fois, il cherche mon approbation des yeux. J’ai trop envie de savoir ce qu’il a ressenti hier soir… Je lui murmure un oui timide. Nos baisers deviennent de plus en plus fiévreux, de plus en plus profonds. Je me retourne comme lui hier, lui présentant mon séant. Je le sens se positionner derrière moi. J’ai tellement envie de lui que je me frotte contre lui. Il commence à me pénétrer, c’est douloureux, je crie. Comme moi la veille, il s’arrête, inquiet. Je m’habitue peu à peu à cette intrusion en moi : c’est si bon et douloureux à la fois. Contrairement à lui, je le laisse faire : il entre en moi tout doucement dans des va et vient lents de plus en plus profond... Une fois qu'il me remplit entièrement, il se met à remuer franchement et fait monter mon plaisir de plus en plus. Je vais bientôt arriver au point culminant : je jouis en hurlant le nom de Victor. Il me rejoint quelques secondes après et s’effondre sur mon dos.

Je me sens vidé, vidé mais tellement bien. Victor allongé sur mon dos m’embrasse la nuque tendrement et me libère. Je me retourne et pose ma main sur son visage. Son sourire à ce moment-là, son regard comblé et ses cheveux en bataille le rendent encore plus séduisant. Mon cœur se gonfle de ce sentiment qui maintenant m’est familier.

« - Ah… Yuri…

- Que se passe-t-il ?

- C’est fou comme je t’aime. Je t’aime tellement…

- Je ne pensais pas ressentir ça un jour… Mes sentiments pour toi sont tellement forts que parfois j’en ai peur…

- Dit le moi s’il te plaît… Je veux l’entendre…

- Je t’aime Victor. Je t’aime de tout mon cœur, de toute mon âme. Je t’aime. »

Dans ses yeux brillent une lueur exceptionnelle. Je l’embrasse et nous nous endormons l’un contre l’autre à nouveau.

(1) Given, de Natsuki Kizu

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