Survivre.

Et un jour, les tambours retentirent…

Nous, notre génération, n’avait encore jamais connu l’exode, mais, elle était omni présente dans les conversations des anciens. Face à l’effroi que ce martèlement lugubre créa en nous, les réactions les plus folles révélèrent nos vraies natures. Certains se jetèrent au sol en invoquant les Dieux pour les protéger. D’autres se figèrent, en larmes, attendant comme hypnotisés la mort qui ne manquerait pas de les frapper. Mais la plupart, tremblants, se réunirent autour de « bras d’acier », notre chef et du Conseil des Anciens. Eux savaient quoi faire et nous leur obéirons…

Je suis Nel, fils de Bronka et j’ai 16 ans. Je vais vivre ma première migration et je sais que nombre d’entre nous n’y survivront pas.

Fuir… Comme ce simple mot était lourd d’appréhension et de souffrance à venir. Nous le savions et le redoutions d’autant plus. Le visage de mon père s’était fermé. Désormais, son regard serait froid et dur. Ma mère, les yeux rougis de larmes, tentaient, bien maladroitement, de garder bonne figure devant nous. Car nous étions trois, apeurés et fébriles.

Ma sœur, Flora, avait quatre ans et mon frère, Bard, en avait six. Tous deux comptaient sur moi pour les rassurer. Mais moi… j’étais terrifié, je tenais à peine debout. Marcher était au-dessus de mes forces. Je restais pétrifié et hagard face à la frénésie de mes parents qui couraient en tous sens afin de préparer notre départ.

Mon père, de sa voix de stentor, me tira de ma terreur.

- Nel ! Remue-toi, mon garçon, le temps presse !

Je perçus ces quelques mots comme un seau d’eau glacée projetée dans mon visage. D’un geste brusque, je saisis la main de ma sœur, puis celle de mon frère et nous partîmes en courant vers notre chambre. D’une voix autoritaire, bien que chevrotante, je donnai les consignes :

- Prenez chacun un sac et placez s’y que ce que vous pourrez porter. En premier, de quoi vous habillez chaudement !

Alors qu’ils regroupaient leurs affaires en pleurant, je saisis mon propre sac à dos et enfouis mes deux couteaux, un change complet et les quelques objets posés sur mon étagère.

Mon père était parti assister au Conseil des Anciens réuni en urgence, il reviendrait avec les consignes à suivre. Tous, nous attendions ses directives. Il avait survécu au dernier exode et avait prouvé sa vaillance autant que son endurance. Et pour moi, il était un modèle de force et de bravoure. Sous sa garde, rien ne pourrait nous arriver…

Ma mère avait elle aussi survécu au dernier exode, mais elle en était revenue brisée et apeurée. Je craignais qu’elle ne survive pas à cette nouvelle épreuve. Elle vérifia nos sacs et y plaça une gourde d’eau dans chaque. La pauvre femme avait chargé sur son dos ses maigres richesses et déjà, elle pliait sous le poids. J’étais désemparé.

Vingt ans s’étaient passés depuis la dernière attaque et ce délai, se raccourcissait de génération en génération. Moi aussi, j’allais devoir survivre à plusieurs exodes…

Mon père finit par revenir, la mine sombre et le regard dur. Il ne dit que quelques mots en saisissant le lourd sac que lui avait préparé ma mère :

- Il est temps, partons !