Chapitre 16 : Un acte de trahison

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J’étais assise sur un fauteuil dans ma chambre, infestée par Misrord. Je sentait continuellement son odeur animale bien qu’à mon réveille, il avait reprit forme humaine et m’avait déplacée sur le matelas chaud du lit. Je me réveillais avec la désagréable impression d’être seule.

Toute cette matinée il avait été au petit soin avec moi, m’apportant à manger me couvrant et m’aidant à me déplacer dans la pièce. On ne parlait pas beaucoup mais toutes ses paroles étaient rassurantes et douces. Je comprenait que mon état de la veille et de ces derniers jours l’avait profondément inquiété. Pourtant cette nuit de sommeil avait chassé mes maux comme si sa présence était un baume réparateur.

« Je tenais à te demander si tes serviteurs étaient toujours protecteurs avec toi lors tes crises ? » La question ne me surprit pas, il avait du longuement y réfléchir râlant sur cette dite protection. Je savais qu’un petit nombre de mes serviteurs préféraient m’éloigner de toute chose désobligeante pour moi, sauf de Bruder qui était une force impossible à contenir. Ils contribuaient peut-être à mon mal de cette façon empêchant à qui conque d’intervenir mais il le faisait selon mes ordres.

Je ne lui répondis simplement par un signe de tête estimant qu’une réponse construite ne servirait à rien. Il savait ce qu’il devait savoir car Misrord était beaucoup plus perspicace qu’il ne le laissait croire.

« Je dois donc comprendre que cette fois là aussi, leur comportement avait un rapport avec tes crises ? » Je mis du temps à comprendre à quel moment il faisait allusion puis un vague souvenir me revient.

Douze jour après notre mariage, j’avais ressentis un vide plus intense en moi qui m’avait fait garder ma chambre pendant plusieurs jours. Ce n’était pas l’une de ces fois où il partait à la chasse et où donc mon état passait inaperçu. Je me souvient de la contrariété de son regard quand je l’ai autorisé à me voir. Les non-dits causé par cet événement nous avaient de nouveau éloigné. Cependant j’étais restée consciente par rapport à hier.

« Non en effet, à voir ta tête et à sentir ce qui se dégage de toi j’en suis sûr. » Misrord s’était rapproché un peu plus de moi. L’une de ses grandes mains prit la miennes. Je ne pu m’empêcher de lever mes yeux vers lui. Ses prunelles exprimaient une grande tristesse et une honte que j’avais rarement vu chez les hommes qui m’entouraient.

« Sache qu’en tant que mari, je serai là pour toi. Ne me cache plus cet état. Surtout depuis ce que l’on a découvert cette nuit. Tout deviens plus réel. » Je n’eu pas le temps de lui demander pourquoi, n’y de m’appesantir sur son contacte qui était pourtant si doux. Misrord se leva avant que la porte ne s’ouvre, lâchant un juron de mécontentement. En entendant la voix de l’arrivant, je compris pourquoi et mon corps se tendit : « Maitre vous m’avez fait appeler ?

— N’as-tu toujours pas compris que je voulais que tu te taise ? »

Wighlem ne répondit rien à cet ordre dissimulé ce qui était surement mieux pour lui. J’essayais de ne pas bouger pour donner l’impressions que sa présence ne m’affectait pas. Pourtant un mélange de sentiment faisait rage en moi. J’avais conscience de chaque mouvement que le jeune homme faisait dans la pièce. Wighlem vient s’assoir sur un tabouret en face de moi, alors que Misrord se plaçait derrière lui afin de voir chaque soin que le serviteur me faisait. Celui-ci comme d’habitude sortit ses crèmes et ses bandages alors que Misrord reprit la parole : «  J’aurai pensé en finir après ce mois de soin, et je n’avais pas tord ta peau ne présentait plus les blessures et coupures qu’il te faisait. » La haine et le dégout me fit trembler, bien que je sache qu’elles ne me soient pas destinées.

Soufflant un bon coup pour extérioriser, il continua : « Mais en voyant les mutilations que tu t’ai faites en t’arrachant la peau, je me dit que ce ne serai pas pour tout de suite. » Une sorte d’inquiétude transparut dans sa voix mais mon esprit me poussa vers une autre réflection. Pouvait-il être contrarier de ne pas éliminer au plus vite Wighlem ? Celui dont tous les loups avec qui j’avais pu parler traitaient de traitre, d’homme mort avant l’heure. Un frisson traversa mon corps, je ne ressentais pas de pitié pour ce renard, il avait autant été mon bourreau que son maître décédé mais revoir le côté presque barbare de ceux qui avait prouvé leurs bonnes valeurs, me rappelait des raisons de les craindre. Ils n’avaient sûrement pas la même justice que nous, dans ce genre de situations qu’elle tradition ressortait sur l’autre ? Avais-je le droit de demander un jugement en bonne et due forme ?

Mon corps eu un sursaut quand Wighlem posa sur mon bras la crème froide. Il étala le produit sans réel délicatesse. Il semblait prendre son temps sans vraiment être concentré comme si il se préparait à quelque chose.

Une fois mes bras bandés, il rangea lentement ses pots et onguents dans son sac. Ne m’intéressant plus à lui, je plongeais mon regard dans celui de Misrord. Il était satisfait de mes soins. Il me souriait et attendait que Wighlem se décale pour m’aider à me lever. Je voyais bien qu’il attendait de me montrer quelque chose. Je souriait béatement au regard qu’il me rendait. Cette nuit, nous avions partager quelque chose ensemble, je ne saurai dire quoi mais c’était profond et mystique. Une sensation douce et particulière. Une joie qui naissait de la malice, de l’espièglerie et d’un souvenir enfuit provenant d’un rêve, elle réchauffa ma poitrine et me chatouillait le visage. Si bien que je ne me concentrai à peine sur ce qui se passait autour de moi et de ce que faisait celui que je craignais depuis trop longtemps.

Peut-être que j’aurai dû être plus concentrée, j’aurai pu le voir arriver. Wighlem avait la tête baisser, le regard plongé dans son sac et faisait semblant de bouger ses affaires. C’est au bout de plusieurs seconde, impatient de ne pas le voir se relever que Misrord se pencha en brisant notre contact. Tout se passa rapidement, Wighlem sortit de sa sacoche une lame faite d’un rose pâle et au manche incurvé. Il se retourna et avec un geste précis toucha mon mari.

Wighlem connaissait le corps humain, il s’avait où frapper pour agir vite et bien. Misrord ne fut pas assez rapide pour l’esquiver, du sang apparut sur son ventre. Il reprit rapidement ses esprits pour agir vite, ses gestes étaient précis pour empêcher Wighlem de poursuivre son action. Sa grande main se referma sur le poignet du roux et elle le compressa. Il eu la force de le faire reculer et lâcher son poignard. Tous se passa en une fraction de seconde mais ce temps fut suffisant à Misrord pour assommer Wighlem en le fracassant sur le sol.

Je poussais un cris de surprise ce qui permit à Wighlem de trouver une porte de sortie. Qu’importe qu’il tombe, il voulait m’emporter dans sa chute. « Voilà, maitresse, la comédie à marché… j’ai essayé… » Sa voix était essoufflée, la chute violante avait du lui casser des cotes. Je me tournais vers lui surprise avant de détourner le regard vers Misrord. Je voulais déchiffrer son regard et ce que j’y lu me fit peur. Ses yeux bleues claires étaient noircis par la haine. Il regardait Wighlem avec mépris. Un grognement sortit de sa bouche quand il dit : « Je sens dans ces lieux le mensonge et la peur. Ton odeur pestilentielle pu des mensonges qui sortent de ta bouche. Maintenant reste à confirmer qui ment vraiment. As-tu peur pour lui ou pour moi ? »

Misrord se tourna vers moi, il n’avait rien à craindre ses sens étaient en alerte, il saurais réagir à temps. Soudain en glissant mes yeux sur son corps, j’eu un doute et si sa blessure le contraignait dans ses mouvement. La tâche s’étendait sur le lin crème, devenant de plus en plus terne. Bien que je ne cessais de vouloir l’oublier, je dû admettre que je m’inquiétait pour lui et sur les conséquence de sa perte sur moi. La peur qu’il sentait émaner de moi était bel et bien dirigé vers lui, sa blessure.

La justice que j’avais ressentis pour Wighlem avait disparut au moment où il avait dépassé le point de non-retour. Alors relèvant les yeux vers ceux de Misrord, je lui répondis : « Je n’ai pas à vous répondre, vous saviez très bien ce que j’en pense. Cependant, je vous demanderai néanmoins de ne pas le tuer sans que son sort soit décidé par le conseil. Je vous rappel des termes de notre accord vous devez respecter nos traditions. Il a attenté à la couronne, il doit être jugé par la couronne.

— Je retrouve cette froideur diplomatique.

— Seulement quand la situation m’y oblige. »

Wighlem toussa de nouveau en essayant de se relever mais Misrord fut plus rapide, il prit le col de l’homme et le traina jusqu’à la porte de la chambre qu’il ouvrit. A l’extérieur, il appela Lillemord et laissa l’assassin dehors. Je le regardais étonné mais il répondit vite à mes interrogations : « Je ne crois pas qu’il s’enfuit avec des côtes et un poignet cassés et tant bien même, Lillemord est rapide et un très bon chasseur. » Un frisson me parcourut à ces paroles. « Mais il respectera votre décision. Je ne comptait de toute façon pas le tuer devant vous.

— Pourquoi ? » Ne puis-je m’empêcher de demander. Il se tourna vers moi avec un sourire compatissant. « Je ne comptais pas t’effrayer et encore moins te prouver que nous n’étions que des vulgaires barbares. De plus, j’ai pu étudier vos traditions et je ne brise pas un serment sans raison. Je ne sais pas quand aura lieu le conseil puisqu’il manque des membres mais je vous le donnerez. » Je hochais de la tête mais à mesure qu’il parlait mon regard me rappela notre situation.

« Ta blessure ! » Ses yeux descendirent sur son ventre et un sourcil se releva comme si il la découvrait. « En effet mais ce n’est qu’une égratignure et dans l’immédiat, je comptait sur toi pour m’aider avec les moissons de fin de saison. » Je fronçais les sourcils face à se revirement de sujet pour autant je ne me laissa pas désorientée. Me levant, je me dirigeais avec la sacoche de Wighlem vers Misrord. Au moins il me servira encore.

« Une simple égratignure avec tout ce sang impossible.

— Pourtant je vous l’assure, je ne saigne déjà plus. »

Il ne bougea pas et me laissa soulever sa chemise blanche. Son ventre était ferme par ses muscles et je fus surprise de voir les nombreuses cicatrices zébrer sa peau matte par le soleil. Il détourna le regard comme gêné pendant que je regardais sa blessure qui en effet n’étaient qu’une simple éraflure. Cela me sembla néanmoins étrange en vu de l’état de sa chemise.

« Pourquoi me soignes-tu ? On n’est même pas sûr que le produit fasse effet sur moi ? » Je ne pris pas le temps de lui répondre tout de suite. Je n’avais pas pris conscience de mon geste, j’avais agis par instinct. Pendant les nombreux conflit qui ont formé les frontières d’Heartmord, j’étais celle qui soignais les soldat blessés avec l’aide de Madaigh et de Wighlem. Depuis toute petite je ne supportait pas de voir quelqu’un blessé, avec le temps c’était devenu viscérale. Je voulais être la seule à souffrir car c’était pour ça que je survivais.

Un raclement de gorge s’entendit, je compris soudain que cela faisait un temps que je regardais dans le vide le torse de l’homme en face de moi. Je rougis légèrement et leva timidement les yeux vers lui. J’avais peur que ce soit trop simple de lui expliquer pourquoi, de lui dévoilée un peu plus de moi et de briser les barrières que je me suis mise, nous étions deux monarques tenus par un serment rien d’autre. J’avais besoin de cette distance pour repousser le sentiment qui gonflait en moi. « Est-ce que cela à vraiment de l’importance ? » Finis-je par réussir à dire.

« S’il cela m’empoisonne sûrement. » Je retiens un hoquet de surprise, je n’avais pas prévue à cette éventualité. Alors Misrord me prit la sacoche des mains et la laissa tomber fermée sur le lit avant de me prendre les mains. « Qu’importe, je m’en occuperai en allant voir Ninah après en avoir fini avec toi. » Je retiens mon souffle ne sachant quoi faire et regardant intensément nos mains jointes. Les siennes étaient chaudes et douces pourtant je sentais la rugosité caractéristique du maniement des armes. La sensation qu’elles dégageaient se répandait en moi et calma mon moment de doute. Wighlem allait disparaître comme mon défunt mari et d’une certaine façon cela m’enlevait d’un poids.

« Vous vouliez discuter de la distribution de la récolte des moissons d’août ? » Dis-je pour enlever dans cette atmosphère, la gêne qui naissait en moi. Je détestais ressentir un soulagement au jugement de quelqu’un. »

Misrord s’éloigna de moi un instant pour changer de chemise puis il revins.

« Je t’ai demander de me tutoyer. » Son ton n’était pas froid, mais au contraire, il dégageait une certaine tristesse et frustration. Je ne m’en étais même pas rendue compte et j’espérais que lui aussi pour réformer cette barrière que j’avais abaissée cette nuit.

« Je ne sais pas…

— Tu as eu si facile cette nuit pourtant. » L’une de ses mains avait lâché la mienne pour remettre une mèche de mes cheveux. Ce geste me figea instantanément, je ne l’avais plus sentis depuis trop longtemps et il me rappelait trop de sentiments contradictoires. Je me reculais en murmurant froidement : « Nous devions voir avec les champs. » Je ne lui laissai pas le temps de me répondre et sorti en ouvrant la lourde porte.

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