Chapitre 14 bis

6 minutes de lecture

Le prochain Chapitre contient des scènes pouvant choquer par leur propos et leur violence. Si vous êtes sensible à ce genre de contenu vous pouvez passer au chapitre suivant sans que cela n’impacts la compréhension de l’histoire. Je ne suis pas responsable de ce que vous lisez.

« Tu la vois ? » Dit-il d’un ton froid et terrifiant. « Comment ai-je fait pour ne pas voir qu’elle n’était pas de moi ? »

Il me prit la nuque pour me soulever et approcher ma tête du berceau en bois de chêne qu’il avait lui-même construit. Il serrait tellement que les articulations de mon cou me faisaient mal. Je regardais les larmes aux yeux le bébé dont les yeux qui s’étaient ouverts par le bruit, me regardait d’une lueur interrogative. Leur couleur vert marine était celle d’un homme venant d’un autre monde. Il s’était présenté au château il y a moins d’un an et je ne me doutais pas que nos rencontres auraient fait naitre un fruit pur et délicat qui désormais me tendait ses bras réclamant un câlin.

« Dis-moi sale pute, quel est l’homme qui a pris ma possession ? » Sa voix était redoutablement grave, assombrie par la colère comme le vacarme du tonnerre qui survenait après l’éclair. Il avait raffermi sa prise et rapproché mon visage du sien. La terreur qui grandissait dans ma poitrine faisait monter en moi les larmes et trembler mon corps de manière incontrôlable. Mais cette peur m’empêchait de parler, je ne pouvais prononcer le nom de cet homme sans le condamner à mon tour. Bruder le comprit, un sourire sadique étira ses lèvres fines.

« Très bien » Dit-il en me lançant à l’autre bout de la pièce, me cognant contre la table. Je sentis un liquide chaud coulé de mon front mais en un instant mon attention fut portée sur autre chose. Bruder avait délicatement pris Nahla dans ses bras qui gigotait en rigolant. Dans ce même ton profondément terrifiant, mon mari continua sa tirade : « Je comprend que tu ne veuilles pas dire son nom, tu lui sauves la vie sans doute. Mais cela ne fait qu’une vie de sauvée. Te sentiras-tu vraiment héroïne ? » Et les secondes qui suivirent cette phrase passèrent au ralenti. Bruder souleva le petit corps fragile de mon enfant dont la tête ne pouvait encore se soutenir seule. Dans un mouvement puissant, résultat d’une vie guerrière acharnée, il lança son fardeau au sol qui s’écrasa dans une marre de sang. Le liquide sombre qui sortait de sa tête s’écoula vers moi, teintant peu à peu ma robe blanche de la même couleur. Je ne sus décrire à cet instant la peur et l’effroi qui me submergèrent. Le monstre face à moi regardait son oeuvre avec la même impassibilité qu’il avait face à sa meute de chiens envoyés aux trousses d’un homme innocent. Il s’avança vers moi ne prêtant pas attention à Nahla comme si elle était devenue pour lui qu’un vulgaire déchet. Son pied vient s’écraser sur son corps et l’autre frappa dans ce qui restait de ma fille, la déplaçant dans un angle irréel.

« Il est temps que je récupère mon dû. » Les images qui se succédèrent dans ma tête n’avaient plus rien de réel dans mon esprit. Je ne pensais jamais vivre ce genre de violence dans ma vie. Je me bâtis, me débâtis, hurlant et pleurant mais comment faire quand face à l’illusion de son amour, la mort, la violence et la haine se présentaient à moi comme un choc ? J’ai donc vainement résisté m’abandonnant vite à l’horreur.

Mon dernier espoir avait été de me réfugier près du feu pour y prendre de quoi me défendre mais ma faiblesse d’esprit ou la force de sa vengeance m’en empêcha. Bruder me poussa et fit rouler mon corps qui s’arrêta à la limite de l’âtre. Je sentis seulement ma jambe bruler par la caresse des flammes et le baiser des braises. Je retins un cri, déjà mon mari m’empoigna la nuque pour me hurler des insultes au visage. La douleur était brute et tiraillait tout mon corps mais elle ne fut rien par rapport à ce qui suivit. Bruder ne ménagea aucun de ses gestes, il déchira mes habits avec rage et me rapprocha de lui avec violence. Il me prit sans une once de pitié, mes chairs se déchirèrent mais déjà je n’étais plus consciente dans mon corps. La crainte m’avait paralysée, la peur avait cessé de me tourmenter, la terreur m’avait fait fuir ce cauchemar. Je ne finis par voir qu’un corps inerte dans les bras d’un monstre en frénésie. Les contours étaient flous dans toute la pièce comme si des larmes me brouillaient la vue, ce qui était surement le cas. Je voyais le corps de ma Nahla laissé totalement de côté par Bruder, changé en prédateur enragé qui mordait et violentait ce corps que je ne reconnaissait pas.

Dans un instant d’absence pour calmer la de douleur que je ressentais à l’image de mes tourments, je fermais les yeux pour ne les rouvrir que le lendemain. La fenêtre avait été ouverte mais tout le reste semblait resté dans la même place qu’hier. J’étais au sol, dans un corps qui me faisait souffrir, recouverte des lambeaux de ma robe de nuit ternie. Ma peau criblée de bleus, de coupures et d’une brulure qui s’étendait tout le long de ma jambe. En relevant ma tête lourde, je vis à mes pieds le corps inerte et méconnaissable de ma fille. Je m’empressai dans un mouvement de pure folie de le prendre dans mes bras. Je pleurais contre son petit corps, tout froid et sec, raidit par la mort qui l’avait prise trop tôt.

On vient me chercher au bout de plusieurs jours, quand Bruder autorisa enfin le personnel à rentrer dans la pièce. Personne ne fut autorisé à poser des questions, on me prit juste le corps décharné de ma fille des bras. Je hurlai et me débattis pour la garder, ce fut Madaigh qui me ramena à une semi raison en me réconfortant. J’étais grandement affaiblie, n’ayant pas mangé et bu pendant longtemps. On me déplaça dans un lit, j’y passai de nombreuses semaines entre cauchemars, délires et sommeil. Ma nourriture n’était constituée que de bouillon, étant trop fragile pour mâcher quoi que ce soit.

Mon état était tellement critique que peut de gens pensait que je survivrai. On appela mes parents, mon frère me prit à sa charge et je repris enfin des forces grâce aux drogues qui anesthésiaient mes pensées.

Quand Bruder revient après une campagne de pillage au sud, j’arrivais à me relever seule et à me déplacer avec de l’aide dans ma chambre. Il ne fit rien jusqu’au départ de mon frère. Il eu une longue discussion avec mon père qui cherchait à savoir ce qui était arrivée à sa fille remplie de fougue. Bruder ne lui fit savoir que la surface de l’histoire. Je fus à moitié reconnaissante de mes parents qui me convainquirent de rester en vie. Pour mon peuple, pour les encourager quand le monstre partait, pour prévenir des révoltes que pourraient soulever la politique de terreur que Bruder avait instaurée après l’incident sous prétexte d’un meurtre occasionné sur sa fille et sa femme. Un innocent en prit les conséquences, je ne le connaissais pas c’était un de ses soldats.

Je pris sur moi du moment où il ne se passait rien. Puis le cauchemar reprit, à chaque contradiction de ses hommes, il venait se défouler sur moi, s’assurant néanmoins que je reste en vie et que personne ne le sache. Sa rage vengeresse s’était transformée en la volonté de me faire vivre le plus longtemps dans l’enfer, me détruisant peu à peu en menaçant mes domestiques. En l’espace d’un an, il avait instauré un régime de manipulation qui nous empêchait de bouger sans briser l’honneur qui nous maintenait en vie.

Mon sauvetage, ce qui me sortit vraiment de cette boucle infernal qui pesait sur moi fut la naissance de ma deuxième fille que j’avais commencée par haïr car je ne pouvais concevoir qu’elle puisse remplacer ma douce Nahla. Puis après avoir essayé de la faire partir je compris que je ne devais pas en faire une seconde victime et je me mis à me battre. Elle était d’un homme que je détestais et craignais mais elle était aussi le souvenir et l’espoir de mon futur. Aria était une enfant qui ressemblait à mon caractère d’entant. Elle adoucit quelque peu la rage de mon mari qui comprit qu’elle était de lui et s’assura que personne n’y touche ou ne la blesse comme au début de la vie de ma défunte Nalha. Je voyais enfin l’espoir et la joie d’enfant ressurgir derrière l’ombre de sa mort. Mais pour autant, à chaque saison des pluies, quand l’herbe devenait grasse sous les torrents de pluies, je revivais ce moment d’intense souffrance, accompagnée à chaque instant de ce même bourreau. Il prenait plaisir à me rappeler ma trahison qui perdait de son sens tellement elle me semblait lointaine, devant ma fille en terre ou celle souriante dans son lit. Puis vint mon premier fils et cela se répéta encore et encore et encore sans s’arrêter jusqu’à aujourd’hui où j’espérais en être sauvée.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Falabella ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0