Chapitre 14 : L’arrivé des cauchemars

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Le mois passa ainsi, nous retrouvant tous les matins dans ma chambre d’épouse. Misrord avait décidé de ne jamais me quitter dans le cas où je ferais un cauchemar mais nous gardions encore nos distance. J’avais toujours une sorte de retenue pour lui, héritage de la pression des nombreuses années que j’avais passée dans la crainte des hommes. Pourtant, Misrord faisait de son mieux pour que je me sente bien et je me forçais à faire des pas vers lui.

Je connaissais désormais son histoire mais cela ne m’empêchait pas de continuer à craindre chacun de ses mouvements. Il m’arrivait encore de refuser qu’il vienne me voir en proie à mes doutes, mes tristesses et mes peurs, refusant qu’il les voit vraiment. Je l’entendais alors cogner la porte, grogner contre mes serviteurs qui s’efforçaient de me protéger et cela n’aidait pas mon état.

Quand il me retrouvais après une ou deux journées, tout redevenait froid entre nous. Ainsi dans cette ambiance parfois tendue de frustrations cachées, il avait dû attendre quelques jours avant que je ne l’invite à se coucher sur le lit. Je ne le fis pas de gaité de coeur, je trouvais seulement trop dure de le voir coucher au sol ou dans les fauteuils. Au final, je ne faisait qu’occulter que plus j’étais proche de lui, plus mes nuits étaient clames. Je me réveillais rarement en me souvenant de mes rêves mais je savais que c’était comme pendant la première nuit, habité par des loups et des géants.

Puis au fil du temps, malgré que je ne sois toujours pas habituée à sa présence constante à mes côtés, je comprenais que ses attentions n’étaient pas néfastes et je finissais même par lui donner ma confiance quand il me donnait du réconfort. Je pouvais commencer à ressentir gonfler en mon coeur un sentiment longtemps oublié de mon passé. Je sentais petit à petit mes blessures se refermer, pas seulement les traces physiques, je le ressentais aussi au fond de mon coeur.

Mes plaies physiques étaient encore présentes mais elles ne représentaient plus un danger pour ma santé pourtant Misrord attendait de ne vraiment plus les voir à tel point que l’exécution de Wighlem était devenue obsolète. Il ne causait aucun problème restant calme et se rapprochant timidement et gentiment des Loups présent dans l’entourage proche de Misrord. En soit moi non plus il m’inquiétait de moins en moins, en présence de mon mari, je me sentais plus rassurée. Il était déjà mort aux yeux des loups et cela se ressentaient dans le regard que ceux-ci posaient sur lui.

Passé l’inquiétude des soins, Misrord m’emmenait toujours aux bureaux pour remettre de l’ordre dans l’administration. Je n’avais jamais ressenti autant d’amusement à travailler. D’habitude la solitude était ma seule compagne, de temps en temps coupé par Madaigh qui m’apportait à manger. Maintenant, Misrord m’indiquait ce qui devait être changé, tantôt se rapprochant de moi, tantôt s’éloignant selon mes crises. Et quand nous terminions plutôt, il me demandais comment fonctionnait notre culture. Son interêt pour nos rites me fascinait. Dans ces moments, il m’écoutait attentivement et commentait quand un culte se rapprochait des siens.

Je découvris grâce à cela que nos Guides étaient équivalent à leurs Dars, des sortes de dieux qui représentaient des concepts de leur vie. Il avait les mêmes noms et les mêmes attributs mais dans notre imaginaire leur apparence était très différente. Je me souvenait encore des gravures que l’on retrouve sur les hauts murs qui entouraient la forteresse. Les visages placides de leur représentation étaient destiné à effrayer les invités et à les dissuader de leur mauvaise intention. Mais la description que m’en faisait Misrord étaient encore plus terrifiante et il en avait fait un dessin à la mine sur l’un des carnets de notes.

Puis après nos moments à deux, enfermé entre quatre murs, on passait nos soirées à fêter notre mariage. Mon peuple étaient remplie de joie et s’acclimataient très bien à la présence des Loups. De mon coté je préférais rester sur le coté, m’extirpant rapidement après avoir manger. Je n’aimais pas l’ambiance qui se dégageais de la grande salle et je préférais le calme de ma chambre. Très souvent Misrord me rejoignait rapidement et la journée se répétait, encore et encore.

La fête de notre union avait duré jusqu’au début de la saison des pluies où les délicates fleurs avaient laissé la place aux feuilles vertes et grasses des arbres. Le peuple était satisfait de l’alliance entre le peuple Loups et sa noblesse. Je voyais régulièrement passer ses créatures géantes dans les couloirs ou sur la place. Par instinct, je me tendais toujours à leur passage mais la peur, plus synonyme de surprise, ne durait jamais longtemps et je retournais à mes occupations comme si de rien était, ne changeant rien au rythme calme qui s’était institué.

Ce qui me manquait le plus pendant ce mois qui passa à une vitesse folle, fut le refus toujours plus appuyé de Misrord concernant sa forme animale. Il ne semblait pas désireux de me la montrer car il devait sentir monter en moi le traumatisme d’un jour que j’essayais d’oublier le reste de l’année. Mais il remontait toujours avec l’approche des premiers orages.

Ce jour qui me faisait de nouveau abandonner tout espoir occultait tout le reste dans mes pensées. Pendant cette période, Bruder se rappelait de la haine qu’il devait me porter. Je le craignais d’autant plus que cette fois j’avais une branche faible pour me sortir des torrents du passé. Mais malgré notre rapprochement, Misrord ne saurai pas m’enlever à ce moment dur pour moi, je savais qu’il serai trop fort pour moi. Je m’en souvenais comme à chaque fois, dans une transe horrifique qui me faisait délirer.

Le feu qui brûlait mes chairs, dans un souvenir lointain, je me souvenais encore ce que cela faisait. Pourtant ce n’est pas ce qui me faisait le plus mal, la douleur était intérieure, elle faisait exploser mes cellules et couler du poison dans mes veines. Je me suis toujours souvenue précisément de ce jour. Bruder m’avait trainée dans le long couloir de pierre, m’arrachant les cheveux, râpant ma peau délicate au sol. Il m’avait conduit dans notre chambre où reposait innocemment le fruit de sa colère. Une enfant aux poings fermés qui avait été la source de notre bonheur passé. Ma Nahla.

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