Chapitre 13 : Un non-dit révélateur

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Misrord me regardait pesant le pour et le contre des dernières révélations qui avaient animé notre relation. Un nuage de bonheur réchauffait mon cœur en m’imaginant revoir mes enfants un jour. Désormais le mariage semblait plus léger à porter, entre mes paupières fermées je voyais le sourire éclatant de ma Aria et les cris joyeux de mes fils. Le silence où flottaient encore les secrets de son peuple, me laissait retrouver mes espoirs, ceux qui me maintenaient en vie quand je sentais la douleur piquer mon corps. Mais Misrord semblait peu désireux de me laisser en paix, il respira un grand coup et me demandai d’une voix entre timidité et profondeur : « N’as-tu rien à demander ? Ou ne t’ai-je pas mieux éclairé ?

— Ni l’un, ni l’autre, je suis encore sous le choque je pense. »

Un sourire béat devait étirer mes lèvres, alors que je me levais pour me réinstaller dans le fauteuil en face de lui. Il arrêta mon mouvement en me prenant le poignet, je sursautais à cause de l’habitude mais ne me retirai pas de son étreinte la sentant douce et chaude.

« Tu t’es montrée si douce pendant mon récit, s’il te plaît ne t’éloigne pas, j’aime te sentir près de moi. »

Je déglutis un peu mais prenant sur moi, je me décidai à faire un pas vers lui. Il m’avait prouver sa valeur et ses intentions, à moi de l’accueillir dignement.

« Avant cela, me montrerez-vous votre forme ? J’ai vu Nina et sa beauté m’a subjuguée. Au fond de moi c’est la chose que je veux le plus découvrir. »

Il prit un moment de réflexion mais secoua la tête. Une pointe de déception parcourut mon corps et je baissai les yeux de peur de sa réaction. Soudain sa main lâcha mon poignet et remonta jusqu’à mon menton et dans un murmure de désapprobation il me dit : « Ne baisse jamais les yeux. Rien n’est contre toi et tu ne m’as pas offusqué. Je ne veux pas parce que l’endroit me met mal à l’aise et tu risques de le ressentir. Je te rassure je discutais avec Phira de comment me présenter à toi, ma noble reine.

— Vous savez ce qui me perturbe le plus c’est vos sautes d’humeurs ? Comment pouvez-vous être si doux et autoritaire en un rien de temps ? » Lui répondis-je directement, retrouvant un brin de confiance en moi comme dans mon jeune temps. Misrord fit la moue et dit d’une voix remplie de réflexion : « C’est bien parce que vous me faite vivre la vie dure. Vos gestes sont aussi imprévisibles que les miens. Je ne cherche qu’à vous révéler, depuis le premier jour, je sens que vous vous cachez. Je sais pourquoi, même si je doute que ce soit suffisant au vu de vos réactions mais j’aimerais briser vos barrières et vous rendre comme vous étiez avant lui.

— Vos paroles sont bien belles mais il y a longtemps que j’ai cessé d’y croire. Il a greffé en moi toutes ses peurs. Je vis avec depuis l’âge adulte et je ne pourrais jamais m’en départir. Que vous soyez bon au mauvais quand je lève les yeux je ne vois que son ombre noire qui fond sur moi. »

Je n’eus le temps de finir ma phrase que Misrord me tira vers lui. Je m’affaissai sur ses genoux, le souffle coupé et le visage à quelques centimètres du sien. Sa respiration chatouillait mes pommettes rougissantes et nos yeux se croisèrent. Il m’est toujours étrange de voir avec quelle facilité je pouvais le comprendre, je retenais ma respiration et tentais de détourner le regard.

« Je veux savoir. » me dit-il en posant un doigt sur mon menton, m’obligeant à le regarder. « La mort de votre mari a-t-elle été un soulagement pour vous ? » Je fus surprise par cette question, je pensais qu’il le savait déjà. Je lui avais fait comprendre que sa perte ne me touchait pas ou presque. Je dus admettre en mon fort intérieure que voir la tête de Bruder ne m’avait pas procuré qu’un sentiment de soulagement.

Je soufflai pour libérer mes tensions. Il me regarda de nouveau intensément quand je prononçai ces mots qui me brulaient la langue: « J’ai surtout eu très peur car je savais qu’il resterait en moi et que j’étais confronté à votre hargne. Et puis il était le seul à pouvoir correctement protéger mes enfants. Je ne pouvais pas m’empêcher de l’aimer, il a été mon premier amour et peut-être le dernier.

— Ce n’est pas ce que m’ont rapporté mes hommes. »

Il y eut un instant de silence où l’incompréhension devait se lire sur mon visage. Mais ce moment d’inconfort où je cherchais la réponse à son énigme fut coupé par l’entrée en scène de Ninah. Elle se tordait les mains la tête basse pour éviter de croiser le regard de Misrord. Alors que ce devait être à lui de la questionner sur sa visite, je me permis de prendre les devants en endossant le rôle de maitresse, comme je le faisais avec mes suivantes. Pour se faire, je quittai les genoux de Misrord, m’enlevant de cette position qui devenait gênante pour moi en présence d’un public.

« Ninah, qu’es-tu venu faire ici ? » La jeune femme murmura pour elle-même deux trois choses inaudibles puis elle releva légèrement la tête en lançant à Misrord un regard d’excuse, tel un enfant qui savait pertinemment qu’il avait fait une bêtise dont il devait payer les conséquences.

« Je suis venue m’excuser pour la panique que j’ai causée. J’ai pris peur en ne voyant plus Ma Dame dans sa chambre et je me suis dite qu’un hurlement irait plus vite pour vous en informer.

— C’est ce que j’avais cru comprendre mais tu ne t’es pas dit que cela effraierait les humains ? » Le ton de Misrord était aucunement sévère et en colère. Au final, je compris que ce qui l’importait était ma réaction qui semblait lui convenir. Il n’avait aucune raison d’en vouloir à Ninah qui avait fait avancer les choses. Cette situation en devenait même comique car Misrord continuait ses remontrances dans le simple but d’ennuyer la jeune guérisseuse encore mal à l’aise. Cette scène me faisait fort penser à la relation qu’entretenaient des frères et soeur.

Après une longue tirade, Ninah put enfin s’exprimer laissant échapper un petit gémissement désolé. Je décidai de stopper son calvaire en la rassurant au nom de Misrord : « Je pense que Misrord ne t’en veut pas autant qu’il le dit. Mes peurs vous concernant se sont vite envolées et je peux maintenant concevoir l’idée que vous ne soyez pas humain. » Cette phrase était plus pour moi un moyen de prendre vraiment conscience de la situation. Mais le regard que me rendit Ninah était rempli de gratitude. En un instant un sourire marqua les facettes de ses joues et dans un mouvement trop rapide pour que je puisse le contrer, elle se jeta dans mes bras. Sa tête s’enfuit dans le creux de mon cou, j’en étais paralysée de surprise et mon regard accrocha celui de Misrord dans lequel se lisait joie, amusement et jalousie. Un mélange étrange qui réveillait quelque chose de chaud en moi.

Je refermais mes bras autour du corps de cette femme mi-humaine, mi-loup et caressais doucement ses cheveux roux. A cet instant Misrord estima que s’en était assez et il sépara mon corps d’une Ninah vexée pour me mettre dans les siens.

« On t’a comprise maintenant part. »

Un dernier regard fut échangé entre eux où ils mesuraient l’audace de l’un et l’autorité de l’autre. Enfin, Ninah rompit le contact et sortit de la pièce me laissant seul avec mon colosse de mari qui me tenait toujours d’un bras ferme contre son coeur. Je sentais chaque mouvement de respiration, la chaleur à travers sa chemise. J’étais incapable de me concentrer et les paroles qu’il dit ensuite me paressèrent lointaines et sans importances face à la puissance douce des bras qui m’emprisonnaient.

« Bon nous devions revoir l’administration du domaine. » Dit-il.

Il s’écarta de moi en me disant ces mots mais il ne me lâcha pas pour autant. Il me conduisit au bureau en me tenant la main. Jamais je n’aurai pensé autant m’amuser dans cette espace rempli de paperasses et de livres de compte.

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