Chapitre 3 : Le serment

5 minutes de lecture

Je fus poussée jusqu’à la salle du trône. L’incertitude que me procurait la perte de mes enfants me rattrapait. Il me démangeait de retirer les bandages pour me ronger les bouts de doigts mais en arrivant à la lumière du grand hall, je repris contenance. Comme changeant d’esprit, ma tête se releva, mon regard s’affermit et je regardais droit devant moi. Je représentais mon peuple, il était ma vie et je devais lui donner la mienne. Je ne pouvais me permettre de paraître faible. La présence de mon mari n’était plus un poids, une chaine qui me trainait par terre à ses pieds, je pouvais être libre en faisant preuve d’intelligence. A côté de moi, la femme géante souriait et semblait apprécier mon changement d’attitude. Je ne sus comment réagir et ne me posais pas plus de questions, on se présenta à la rambarde.

Dans la grande salle que je surplombais, je voyais festoyer une vingtaine de géants. Des giclées de bière tombaient sur le sol ou sur les serviteurs qui étaient les miens avant le combat. Dans le fond de la salle à droite, le siège qu’occupait habituellement mon mari était utilisé par le géant qui m’avait menacé. Il riait avec l’ennemi qui lui ressemblait, un verre également dans la main. J’eus l’impression de le voir renifler avant qu’il ne lève les yeux vers moi.

S’ensuivit un long moment où j’essayais de le défier avant qu’il ne pose son verre par terre et dise dans un grondement : « Meute ! En cercle ! » D’un coup comme un seul homme, tous les géants laissèrent leur amusement. Ils s’installèrent sur le sol, un genou relevé, l’autre jambe pliée créant un cercle au centre duquel restaient mes serfs terrorisés. Les géants tournèrent tous la tête vers moi, le regard sombre. Ils semblaient jauger de quoi j’étais capable.

« Phira emmène notre bénisseuse. » Celui que mon accompagnatrice appelait Alpha avait parler assez fort pour que je tremble de tout mon être.

D’une main ferme, la femme dénommée Phira me fit comprendre que je devais le rejoindre. Je ravalai ma salive et descendis marche après marche gardant toute ma dignité. La géante derrière moi me suivait de près jusqu’à arriver devant le trône, elle me dépassa et vint se poser près du futur chef.

« Chef, comment prêtes-tu serment pour ton futur maitre ? » Une part de moi fut reconnaissante qu’il me considère comme chef, l’autre voulait lui faire avaler entièrement sa bière. Je fus étonné par cet élan de révolution que je m’efforçais de réprimer. Je ne fis rien paraître et d’un pas saccadé par mes blessures, je me dirigeai vers l’étendard que je décrochai du mur.

Puis je fis demi-tour et commençai le récital chevaleresque que j’avais retenu pour les grandes cérémonies : « Devant nos assemblées rassemblées, je jure à toi que le clair de lune éclaire de te promettre, par la loi des guides de notre destinée, que nous resterons à tes cotés. Si tu cherches refuge, si tu demandes aide ou si tu installes ta famille, les portes sacrées de cette place te recevront. Par ma main qui représente toutes celles de ceux qui étaient, qui sont et qui seront, je te donne la responsabilité de nous protéger. Loyauté et fidélité te seront données si tu promets de respecter nos lois, nos valeurs et nos cultes. Viens t’agenouiller devant moi, pour réciter ton serment et que je t’appose l’étoffe de notre blason. »

On se toisa tous les deux du regard, je m’attendais à ce qu’il me rit au nez, refoulant d’un geste dédaigneux de la main tout mon discours. Mais à la place, avec une lenteur calculée et solennelle, il se leva et vient me rejoindre. Même agenouillé, il m’arrivait à hauteur des épaules. Puis de sa voix encore plus profonde qu’avant, il prononça ses serments. Les vibrations parcoururent mon corps et m’auraient de nouveau fait trembler si je ne m’en empêchait pas.

« Que ton peuple m’entende, je prête ici à tes pieds le serment de protection. Je n’exige rien que la loyauté et la fidélité. Vous vous êtes montrés vaillants et forts et je vous dois respect ainsi je consens à suivre vos coutumes mais de ce serment que je porte j’espère recevoir reconnaissance. »

Comme l’exigeait la coutume, tous les géants furent surpris et inquiets d’entendre la foule de serviteurs dire un profond « Oui ! » Le peuple acceptait les closes et la soumission comme je l’avais prévu et je me retournai devant leur nouveau chef.

« Je vous remercie de votre acceptation, bien que forcée, je vous en récompenserai mais je dois m’assurer d’une chose. » Il s’était remis à parler surprenant toute l’assemblée, s’il ne respectait pas l’ordre des jurements, les fidèles pourraient s’indigner.

Je le vis, alors que tout au long de la cérémonie, il gardait la tête baissée par respect, relever celle-ci et plonger ses yeux dans les miens. « Mon peuple ne connaît pas votre noblesse, et il est de coutume chez nous que l’homme dominant l’ancien prenne ce qui lui revient. Je jure de respecter vos coutumes si en échange vous respectez les miennes. Chef, représentante de ce lieu sacré, consentez-vous à prêter serment pour leur voix que nos mœurs soient respectées ? »

J’étais coincée dans l’incertitude, je ne pouvais passer ma fierté avant les dangers qu’encouraient mon peuple. Alors plaçant mes mains en coupe au-devant de mon corps, je jurai pour mon peuple que son exigence serait respectée de la même façon que le mien. Il me sourit et baissa de nouveau la tête avant de grogner : « Alors terminez votre serment et scellez par-delà notre union et la victoire de mon peuple. » Les derniers mots prirent tout leur sens en cheminant dans mon esprit. Je ne pouvais revenir en arrière et refoulant toute l’humiliation qui me rongeait le ventre, je soulevai l’étoffe lourde de l’étendard et le plaça sur la tête du géant. « Sous ce tissu sacré, tu es maintenant notre chef, gouverneur de notre terre ancestrale et protecteur de nos biens. Tu as juré et nous avons fait de même, nous sommes désormais liés car ainsi nos guides l’ont décidé. »

Je m’agenouillais alors qu’il se relevait et j’entendis derrière moi l’assemblée faire de même. Le géant se rassit sur son siège et prit sa coupe. « Meute ! A notre nouveau foyer et ses terres florissantes !

— Oï ! » Répondirent nos ennemis. Notre nouveau roi trinqua et son geste me fut destiné, il reprit en me regardant : « Vous avez consenti à notre coutume, les choses de ton mari m’appartiennent, par conséquent ta personne est à moi. » Personne ne sembla entendre ses paroles mais elles me poignardèrent. Mon calvaire continuait, je me doutais que je ne serai pas restée seule et libre après le serment. J’espérais qu’il m’oublie comme il m’avait oublié après sa visite dans la chambre. Mais à la place il se leva et capta l’attention de la foule. « Amis ! Demain, le soleil nous donnera un nouveau jour et une nouvelle période, marquons notre union par un lien fort. Peuple, je vous ai promis récompense, votre chef gardera ce titre à condition qu’elle devienne ma femme. »

Son sourire était carnassier, personne n’allait s’opposer au nouveau chef. Je gémis de douleur et de frustration ma fin était proche, les souvenir de l’homme violent dont la tête devait servir de modèle me ravagèrent l’esprit. Je sentis à peine les mains paillardes me pousser vers le trône et m’agenouiller de force au pied du tyran. Tout le reste de la soirée se passa dans un brouillard.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Falabella ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0