7.    Libération

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Le moment n’était plus à la réflexion ni au doute, mais à la détermination. Laureley empoigna son arme et fondit sur son adversaire sans se poser la moindre question. Le colosse effectua une simple parade sans contre-attaque. Il la laissa enchaîner les coups sans en rendre aucun. On aurait dit un chat qui jouait avec sa proie. Son regard se portait subrepticement vers Alyth qui profitait silencieusement du spectacle. Il attendait sans doute un geste de sa maîtresse pour déployer toute sa puissance. La déesse resta stoïque un long moment ; observant la technique de la jeune femme puis elle fit un discret mouvement de la tête en direction de son serviteur. C’est alors que le véritable combat commença. Alastor abattit violemment son arme sur son adversaire. Laureley esquiva grâce à une roulade qui l’éloigna de l’affrontement. Elle ne s’attendit pas à ce que son opposant continue sans relâche son attaque. Elle fut rapidement acculée et la lame du colosse lui entailla férocement le bras, l’obligeant à lâcher son épée tout en mettant un genou au sol. Il fallait se rendre à l’évidence, ce rival était bien trop puissant pour elle, jamais elle ne parviendrait à le vaincre. L’arme d’Alastor s’apprêtait à abbattre sur elle un coup qui lui serait probablement fatal, mais la jeune femme y échappa de justesse, évitant le fil à la dernière minute grâce à une manœuvre digne d’une contorsionniste. Son adversaire paraissait tellement certain de porter son ultime attaque qu’il avait sciemment laissé tomber sa garde. Laureley s’engouffra dans cette ouverture et lui décocha un violent coup de pied dans le visage qui fit voler son heaume à travers la pièce.

Alastor fut surpris par ce soubresaut de combattivité et elle profita de ce moment d’inattention pour se ruer sur son épée. Elle la saisit fermement et, d’un geste du poignet, la transforma en chaîne de guerre. L’arme semblait mue par sa propre conscience, elle virevolta dans les airs et mordit subrepticement la joue du colosse, laissant une petite estafilade rosée qui se mit rapidement à saigner. Alastor caressa cette nouvelle cicatrice et son visage exprima une franche haine lorsqu’il constata que son doigt était couvert de sang. Il poussa un hurlement de fureur qui n’avait plus rien d’humain et se rua sur la jeune femme. Laureley eut juste le temps de balayer l’espace qui s’amenuisait entre les deux combattants. La chaîne de guerre vint alors s’enrouler autour de la lame du gardien. La guerrière lutta de toutes ses forces tandis qu’Alastor essayait de dégager son épée. Ses muscles tremblaient sous la pression exercée par le colosse, mais elle tenait bon. Elle tenta une ruade qui fut couronnée de succès, l’arme d’Alastor s’échappa de ses mains et vola dans les airs. Laureley ne réfléchit pas ; forçant la chaîne à recouvrer son état initial, elle se rua sur son adversaire et stoppa le fil de sa lame sous la gorge de son rival alors qu’Alyth se levait de son trône en hurlant :

  • C’est assez !

Le temps s’arrêta, Laureley, le souffle court, n’en croyait pas ses yeux. Elle avait vaincu le sbire d’Alyth. Alastor ne paraissait pas énervé, mais plutôt satisfait de sa défaite. On aurait dit qu’il la remerciait silencieusement pour cet impressionnant combat. La seule personne bouillonnant de rage était la déesse. Elle ordonna qu’il aille chercher Khamsin et ne jugea pas digne de féliciter Laureley pour sa victoire.

***

Lorsque la porte de sa cellule s’ouvrit, Khamsin ne daigna même pas lever les yeux pour savoir qui venait troubler son introspection. Il était assis pathétiquement au sol à ruminer ses idées noires, le regard perdu dans le vide. Après tout, que lui restait-il ? Il était à jamais prisonnier de cet enfer et la seule personne qui aurait pu l’en délivrer avait été exécutée. Il se laissa docilement rudoyer par le garde qui l’extirpa de sa prison et le suivit dans les couloirs du temple. Il aurait pu profiter de sa visite guidée pour s’enfuir, mais il n’en ressentait ni l’envie ni le courage. Il pressentait une fin funeste offerte par celle qu’il avait osé offenser. Il marchait peut-être vers son dernier supplice. Cette pensée aurait dû le terrifier, mais au contraire, il voyait à présent son trépas comme une délivrance et un espoir. S’il y avait bien une vie après la mort, il retrouverait Laureley. Il pourrait être enfin heureux avec elle, sans se soucier du protocole. Il eut donc l’esprit léger quand il entra dans la grande salle du temple. Il eut même le courage de toiser Alyth avec un sourire arrogant, mais ce dernier disparut comme neige au soleil lorsque son regard se posa sur les deux personnes qui se tenaient au centre de la pièce. Il se désintéressa du colosse qui servait la déesse ; celle qui était en face de lui capta la totalité de son attention. Ça ne pouvait être elle. C’était impossible. Laureley était morte, exécutée par son père pour haute trahison. Ses yeux devaient lui jouer des tours, à moins que ça ne soit un odieux piège d’Alyth pour le briser mentalement. Le doute qui rongeait son esprit se métamorphosa en certitude au moment où il souffla le prénom de la jeune femme. Le sourire qui illumina son visage et le regard qu’elle posa sur lui achevèrent de le convaincre qu’il ne rêvait pas. C’était bel et bien elle. Khamsin s’apprêtait à traverser la pièce pour aller l’enlacer lorsqu’il sentit un poignard glisser le long de sa gorge. Tout se passa par la suite au ralenti : la douleur qui irradia tout son être, le sang qui s’échappa de la plaie et inonda la chemise qu’il portait et tout le décor qui peu à peu devenait plus sombre. Il perçut à peine son corps toucher le sol et la dernière image qui s’imprima dans son esprit fut le visage de Laureley, déformé par la détresse.

***

Quel odieux sentiment d’échec, même le cri de malheur qu’elle poussa ne changea pas le cours de l’histoire. Le garde qui avait amené Khamsin dans la pièce où Laureley se trouvait venait de lui trancher la gorge sans aucune autre forme de procès. Le prince gisait à présent au sol dans une mare de sang qui ne cessait de croitre à mesure que la vie s’échappait de son corps. Elle s’avançait vers lui lorsqu’une main colossale lui retint l’épaule. Instinctivement, elle balança son coude dans le visage d’Alastor, la libérant de son emprise. Elle se précipita pour enlacer celui qu’elle était venue sauver. Il ne pouvait pas mourir, pas comme ça, pas aussi bêtement, pas après tant de sacrifies de sa part pour le délivrer. Elle sentit les larmes lui monter aux yeux et pour la première fois de sa vie, elle laissa échapper ce trop-plein d’émotions.

  • Khamsin, murmura-t-elle. Je t’en prie, ne m’abandonne pas.

Mais le corps de prince n’eut aucune réaction quand elle le serra contre elle en pleurant. Lorsqu’elle tourna son regard vers Alyth, une rage indicible la gagna peu à peu : la déesse observait la scène, un sourire de triomphe peint sur son visage.

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