23

4 minutes de lecture

— Bonsoir Monsieur Yann. Tim est là ? J’ai oublié de noter un devoir.

— Salut Nathan ! Mais pourquoi tu n’as pas appelé ? Viens, entre, mon garçon, il commence à faire froid dehors.

— Euh, non merci, M’sieur. Vous pouvez l’appeler ?

— Attends, je vais voir s’il a fini ses devoirs.

Monsieur Yann referma la porte d’entrée.

Deux minutes plus tard, Tim était dehors. À cause du crépuscule naissant, Nathan n’arrivait pas à déchiffrer le regard de son ami. Persuadé que Tim savait déjà pour l’épisode des toilettes, il cherchait à prendre la température.

— Tu veux pas sortir un peu ?

— Nan, j’ai pas envie. Je suis posé devant Call of. Pour aller où d’abord ?

— Pas loin. S’te plaît. Faut que je te montre un truc très grave.

Tim poussa un soupir d’ennui mais consentit à suivre son camarade.

Ils s’arrêtèrent dans une rue déserte, derrière l’épicerie du vieux Schaub, définitivement fermée depuis son décès.

Nathan cherchait ses mots. Par où commencer ?

Tim lâcha la pierre dans la mare :

— Tu connais cette petite pétasse de Valérie Simplon ? Tu sais, la coincée de quatrième qui ferme tous ses boutons de chemises. Genre ! comme si elle avait quelque chose à cacher. Figure-toi que cette connasse a raconté à tout le collège que t’étais en train de te branler sur une couche pour meufs ! Ha ha ! C’est une tarée qui sait plus quoi faire pour attirer l’attention, si tu veux mon avis. Viens, ce week-end on va jeter des œufs sur sa baraque. Seb et Olivier sont chauds aussi.

Soudain, Tim se rendit compte que Nathan ne réagissait pas. Il lui dit en s’esclaffant :

— Ben quoi ? Pourquoi tu dis rien ? Tu te rends compte de ce que cette salope a dit ?

L’ado stoppa net de rire quand Nathan lui répondit à mi-voix :

— Je me branlais pas. Il fallait juste que je le fasse. J’avais pas le choix sinon…

Le mouvement de recul de Tim mit prématurément fin à sa phrase. Nathan se sentait scruté avec autant de répulsion que s’il s’était changé en cafard.

— Qu’est-ce que tu racontes ? cracha Tim.

— C’est pas moi le problème. Faut vraiment que tu me croies. C’est ma crevasse la responsable de tout ce merdier. Regarde !

Il souleva sa main droite de manière à ce qu’elle fût éclairée par le réverbère le plus proche.

— Oh putain ! mais qu’est-ce que t’as foutu ?

Tim voulait absolument connaître le fin mot de l’affaire de la serviette. Toutefois, il l’oublia temporairement à la vue du triste état de la main de Nathan. L’index de son camarade était recouvert d’une plaie anormalement grosse d’où s’écoulait du pus et du sang. Tim crut distinguer de petites particules, sans comprendre ce qu’elles étaient vraiment.

— Beurk ! Dégage ça de devant mon visage. T’attends quoi pour te faire soigner ?

— C’est ce que j’arrête pas d’essayer de faire mais elle veut pas partir.

— Comment ça elle veut pas ? T’as qu’à demander à tes parents de t’emmener à l’hosto.

— Tu comprends pas. C’est vivant. C’est pas une crevasse normale. C’est…euh…

— Euh quoi ? Accouche !

— C’est un parasite quoi ! explosa Nathan. Elle me rend dingue. Elle me laisse rien faire. Faut tout le temps que je la nourrisse et…

— T’as pété les plombs, mec, décida Tim.

— Tu me crois pas ?

En guise de réponse, Tim s’empara du bras droit de Nathan et la secoua dans tous les sens. Aucun signe de vie de Grande Gueule.

— C’est bien ce que je disais. Une blessure, rien de plus.

— Quand on est seuls, c’est pas pareil.

— Ouais, c’est ça.

Le ton glacial et la manière de le reluquer informèrent Nathan sur leur nouveau statut amical. Mais Tim n’en avait pas fini.

— Et c’est quoi le rapport avec ce que Valérie t’a vu faire dans les chiottes des filles ?

— Justement. C’était pour la nourrir.

— Avec du sang de règles ? Putain, j’y crois pas !

Une nouvelle crise d’hilarité s’empara de Tim.

— T’es un crado-dingo, mon pote. D’ailleurs, je suis plus si sûr de vouloir le rester…ton pote.

Nathan sentit naître en lui une rage inédite. Pour la première fois depuis qu’ils se connaissaient, l’enfant osa lever la voix sur celui qu’il considérait comme le chef de la bande, l’exemple à suivre.

— Enfoiré ! On est copains depuis toujours et tu me lâches au moment où j’ai le plus besoin de toi ?

Tim ne l’écoutait déjà plus. Il se marrait tout en gueulant « Crado-dingo ! » à qui mieux-mieux.

— Ah bordel ! Et dire que l’autre conne avait raison ! Je vais exploser, c’est trop drôle !

Ce fut la phrase de trop. Nathan poussa violemment son désormais ex-ami et profita de son déséquilibre pour lui casser le nez d’un crochet du droit. Tim se retrouva le cul par terre, l’air d’être tombé de deux étages.

— T’es taré, nasilla-t-il entre deux filets de sang. Je rigolais.

— Eh ben, c’est pas du tout amusant, connard.

Nathan ne voyait plus que du noir. La mandale l’avait quelque peu soulagé de toute son impuissance des jours passés dans l’angoisse. Il lui en fallait encore. Il se jeta sur son camarade pour le contraindre à rester au sol et lui ferma cette fois l’œil gauche, toujours avec son poing droit. Les larmes de Tim redoublèrent.

— Putain Nathan, je vais te…

Une autre beigne bloqua la sortie de son dernier mot, lui cassant une dent au passage.

— Pourquoi tu veux pas me croire ? Je te faisais confiance !

Nathan lui martela le visage. Il ignora la fatigue qui s’emparait de son bras. Il ne cessait de demander à un Tim évanoui depuis le quatrième coup, porté à la tempe :

— Pourquoi tu veux pas m’aider ? Qu’est-ce que je vais faire ?

Le gosse ne sourcilla pas d’un poil à la vue de ce qu’il avait fait subir au visage de Tim. Son courroux ne se calmait pas. Plus rien ne comptait pour Nathan. Sauf se débarrasser définitivement de cette chose.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Kyta Mantir ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0