Valérie était une élève de la classe au-dessus de celle de Nathan. Depuis le début de sa puberté, elle avait été maintes fois prévenue que maintenant qu’elle était « en fleur », comme aimait le dire sa religieuse de mère avec crainte et emphase, les garçons seraient susceptibles d’adopter des comportements bizarres à son égard. Elle avait refusé d’en révéler plus. « Toutes tes questions trouveront leurs réponses le jour de ton mariage. En attendant, éloigne-toi d’eux. C’est la seule manière de te préserver du péché. »

Les amies de Valérie s’étaient chargées du reste de son éducation en matière de garçons pubères. Certaines racontaient avoir surpris leur grande sœur faire entrer leur copain par la fenêtre ; d’autres avaient entendu dire que la copine d’une copine etc.

Oui, on avait rapporté à Valérie bien des comportements étranges et des histoires si improbables qu’elles révélaient du fantasme, selon la jeune fille.

Par contre, elle n’avait jamais entendu parler de garçons qui prenaient du plaisir à récupérer de vieilles serviettes souillées et à se frotter les mains avec.

Elle en perdit la voix. Elle aurait voulu au moins pouvoir détourner le regard. Mais ses yeux restaient scotchés sur les mains du garçon qu’elle connaissait de nom.

Grande Gueule terminait son repas comme si de rien n’était. Nathan et Valérie jouait les statues de bronze. Au bout d’une éternité pour les deux adolescents, Nathan ouvrit la bouche. Mais pour dire quoi ? Au moins fallait-il briser ce silence qui laissait tout le loisir à Valérie de développer maintes théories à raconter à tout le collège.

Et à Tim.

Le premier mot qu’il prononça fit l’effet d’un électrochoc sur la jeune fille. Elle hurla comme si Nathan allait lui sauter dessus pour la violer et détala plus vite que le Lapin blanc.

Nathan quitta lui aussi les toilettes et se rua sur la sortie du collège. Grande Gueule protesta que son déjeuner n’était pas fini. Le gamin la laissa parler toute seule.

Les ennuis s’accumulaient et il ne savait ni où aller ni vers qui se tourner.