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Le môme enfonça la porte d’entrée de chez lui et rugit un « Pipi ! » à une Madame Bannon qui remercia le Seigneur de ne pas être cardiaque. Il monta s’enfermer dans la salle de bains.

Depuis le réveil en fanfare de son hôte, Nathan n’avait pas eu le loisir d’examiner sa plaie. L’intensité de la douleur annonçait la couleur. L’enfant redoutait de découvrir que son doigt ne plus tenait plus que par l’os.

La plaie avait encore grandi, mais à peine cette fois. Par contre, elle avait gagné en laideur. Avec ses lèvres boursouflées, maculées de sang et déformées par ses cris, Grande Gueule rappela à Nathan un Rocky en fin de match. L’image le fit ricaner bêtement.

— Viiiite ! Ça urge ! Viiite ! ululait Grande Gueule.

— J’fais ce que j’peux, putain ! gronda Nathan, soucieux que sa mère ne soit montée à l’étage.

Il saisit le tube de Trioxine 245 qu’il avait laissé sur le lavabo. Il frémissait de douleur et d’effroi au point de ne pas pouvoir le garder en mains plus de trois secondes. Il s’assit par terre, coinça fermement le tube entre ses genoux et arracha le capuchon avec les dents. Il le recracha au loin. Cette petite victoire calma ses tremblements et miracle ! l’odeur du baume avait coupé le son de Grande Gueule. Elle attendait, grande ouverte, la langue pendante.

— À table, déclara-t-il d’une voix plus enjouée qu’il ne l’aurait voulu.

Il déversa le reste du tube dans la bouche parasite. Elle savoura ce gueuleton tant attendu comme l’aurait fait un boulimique en pleine crise.

Dans la précipitation, Nathan avait oublié de nettoyer la crevasse, si bien que le sang se mélangeait à la crème cicatrisante. La mixture rosâtre dégageait une forte odeur de viande avariée.

— Dégueulasse, commenta le gosse. Son estomac fit petit bond.

Cette puanteur n’était pas le pire. Personne n’avait dû informer Grande Gueule qu’il ne fallait pas manger la bouche ouverte. Elle claquait sa langue contre le palais avec délectation. Elle l’agitait dans tous les sens pour ne pas en perdre une miette.

L’obscénité de la scène acheva de rendre Nathan malade. Le peu de son repas de midi partit dans la cuvette des toilettes. Il se rassit sur le sol, la tête en arrière pour ne plus revoir la gloutonne en action. Il respirait à petites bouffées par la bouche pour éviter l’odeur de pourri.

Soudain, il comprit la sinistre évidence. Tout en lui se glaça, sauf son index droit.

Comment je vais pouvoir guérir si elle bouffe toujours toute la crème ?

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