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Repue comme un pape, Grande Gueule dormait et Nathan se sentait beaucoup mieux. Il se mit en ligne avec ses trois copains pour faire une partie de Call of Duty.

— Mais t’étais où après les cours ? l’interrogea Tim.

— Désolé les mecs, fallait que je rentre direct. Ma mère avait besoin de moi pour un truc. Bon ! On se la fait cette partie où on est là pour prendre le thé, les gonzesses ?

Ce fut au tour de Grande Gueule d’être réveillée par les vociférations du gosse qui s’énervait contre son jeu. Elle sembla ne pas s’en formaliser car elle s’adressa à Nathan d’un ton joyeux :

— Quelle sieste ! Je m’en suis tellement mis plein la panse que je suis tombée sans même t’avoir remercié pour ce bon repas. Merci gamin.

— Quelle panse ? répliqua Nathan sans détourner le regard de l’écran.

Son personnage attendait de tomber sur l’ennemi, une grenade à la main. La campagne pouvait se remporter sur ce coup.

Grande Gueule adopta un ton mondain :

— Le baume avait un goût spécial cette fois-ci. Particulièrement goûteux, je dois dire. Y aurais-tu ajouté quelque ingrédient secret, gamin ?

Si je lui dis, je suis foutu, s’alarma Nathan. Qui sait ce qu’elle pourrait exiger de lui par la suite ?

— J’en sais rien. Laisse-moi jouer. T’as eu ce que tu voulais. Fous-moi la paix, merde.

— Tu parles à qui ? s’enquit Sébastien.

— Rien, s’empressa de répondre Nathan.

Puis, il éteint son micro.

Grande Gueule fit comme si l’interruption n’avait jamais existé.

— Quelle exquise texture cela avait ! Le baume n’en a été que plus digeste, moins épais que les autres fois.

Nathan persistait à l’ignorer. Dans le casque, il entendit Olivier le prévenir de se tenir prêt pour l’embuscade. Nathan vérifia ses munitions pour la énième fois afin de tromper l’attente, le bavardage incessant de la bouche-crevasse en fond sonore.

— Je crois que je ferais n’importe quoi pour savoir ce que t’as fichu dans ma nourriture, chantonna-t-elle.

Les mains moites, l’enfant feignait toujours la surdité. Il lui ordonna de la fermer sans même y penser.

— Allez, dis-moi, je t’en prie, susurra la bouche-plaie.

Une vague de chaleur partit de la crevasse et se diffusa très vite dans tous ses doigts. Des fourmis lui picotèrent la paume et gagnèrent elles aussi les extrémités de sa main.

— Dis-moi, gamin, dis-moi, scandait en rythme le parasite, prenant bien soin d’articuler toutes les syllabes.

Le tiraillement familier de sa peau augurait le retour du sang. De grosses larmes menaçaient de couler. La vue de l’enfant se brouilla. Il ne voyait plus rien sur l’écran.

À quoi bon lutter ? Manière douce ou forte, Grande Gueule finirait par obtenir ce qu’elle voulait. Comme d’habitude.

Nathan en ressentit une tristesse si forte doublée d’un sentiment de révolte, qu’il se leva brusquement de son siège et balança sa manette à travers la pièce. Au beau milieu de l’instant où il devait entrer en action dans le jeu. Ses propres cris l’empêchèrent d’entendre ses amis l’insulter dans le casque.

— C’est bon, c’est bon, arrête ! C’était du sang. T’es content ?

— Eh ben voilà, c’était pas si difficile que ça. Bonne nuit, gamin !

Sur ce, Grande Gueule se rendormit et ficha une paix royale à son hôte durant le reste de la journée. Elle lui offrit même la faveur de paraître pratiquement guérie lorsqu’au moment du dîner, sa mère voulut l'examiner.

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