— Vite, vite ! J’ai la dalle, gamin !

Nathan courait comme si une meute de chiens était à ses trousses. Il bouscula deux passants et manqua d’envoyer valser une poussette. Il déboula dans la pharmacie et s’affala sur le comptoir, le souffle court.

— Eh là jeune homme, doucement ! Tu vas finir par casser quelque chose !

— Je voudrais… (essouflement) de la…(Nathan déglutit et inspira profondément) Trioxine 245, s’il vous plaît.

— D’accord, reprends ton souffle, on n’est pas pressé. Bon, tu as ton ordonnance ?

— Mon quoi ?

Nathan dévisageait le pharmacien comme si ce dernier avait parlé klingon.

Pour le commerçant, c’était clair : pas d’ordonnance, pas de vente. Pas de vente, pas de sous. Il déclara d’un ton sans appel :

— Désolé, jeune homme. Sans ordonnance, il m’est impossible de te délivrer ce produit.

Nathan sentit un coup de froid dans son cœur. Grande Gueule avait sûrement entendu la mauvaise nouvelle, elle aussi. Elle n’allait pas tarder à s’énerver.

— Mais j’en ai besoin, supplia le gosse, des sanglots au fond de la gorge. S’il vous plaît, Monsieur. Je vous paierai le double.

Le commerçant partit d’un puissant rire.

— Je crois que tu regardes trop la télé, jeune homme. Je suis désolé, je ne peux rien pour toi sans ordonnance. Allez, pour ta peine, je vais t’offrir une douceur. Même si tu n’as rien acheté, ajouta-t-il, grand seigneur.

Il se retourna le temps d’attraper l’énorme bocal de sucettes qu’il avait rangé loin des mains enfantines.

— Tiens, choisis-en une.

Mais Nathan était déjà loin. Grande Gueule tordait ses lèvres dans tous les sens. Elle était furieuse et le sang commençait à couler.