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Après une belle grasse matinée, Nathan passa la majorité de l’après-midi à rattraper sa tonne de devoirs. Lorsqu’arriva le soir, il se surprit à ne pas avoir pensé une seule fois à sa crevasse. Sa mère l’attendait dans la salle de bains. Elle entreprit d’enlever le bandage, avec des gestes pleins de précautions, comme s’il s’agissait du visage d’un grand brûlé. Puis elle retira la compresse.

— Voyons si ça s’est refermé. Mais…

La plaie avait doublé de volume depuis la veille. Elle recouvrait la totalité de l’articulation de l’index. Elle était rouge quoi qu’indolore. Nathan crut voir une excroissance de chair à l’intérieur de la crevasse. Cette blessure ressemblait décidément à une bouche béante.

Une bouche avec une langue.

Madame Bannon ne vit pas la même chose que son fils. La seule évidence pour elle, c’était que son garçon lui avait désobéi une seconde fois en deux jours.

— Tu l’as grattée ? Je t’avais dit de ne pas y toucher. Regarde-moi ça, Nathan ! C’est pas possible à la fin !

Elle criait très rarement, si bien qu’alerté par le vacarme, Monsieur Bannon monta voir ce qui se passait. Son épouse souleva brusquement la main de leur fils et lui montra la répugnante crevasse.

— Ce sale gosse ne m’écoute jamais ! Y en a marre ! Tu l’as fait exprès ou quoi ? Tu crois que ça va t’empêcher de retourner en classe demain ?

— Mais M’man, je te jure. Je l’ai pas touchée une seule fois. Je te promets !

— Et tes gants, Nathan. Tu ne vas pas me chanter que tu les as gardés tout le temps que tu étais dehors, si ?

Nathan baissa les yeux, honteux.

Le père de Nathan choisit ce moment de silence gêné pour faire part de sa propre science.

— Ok, Stella, on a compris, Nathan a déconné. Toi dorénavant, dit-il à l’adresse de son fils, quand ta mère te dit de faire quelque chose, tu le fais. Et je veux plus jamais t’entendre discuter. Sinon ça va mal se passer. C’est clair ?

— Oui, Papa, concéda Nathan, les yeux obstinément rivés au sol.

— Par contre, Stella, tu tartines de matière grasse une plaie ouverte et tu l’étouffes avec un pansement. C’est normal que ça ne guérisse pas. Faut laisser ça à l’air libre.

Stella restait sceptique.

— Je t’accorde les bandages mais tu trouves normal que la blessure se soit agrandie ?

Monsieur Bannon haussa les épaules. Sa science n’allait pas si loin.

— Il faudrait peut-être que je l’emmène à l’hôpital, non ?

— On ne va pas dramatiser tout de suite. Ce n’est qu’une crevasse un peu plus grosse que d’habitude, c’est tout. Chaque année, c’est pareil, non ?

Stella et Nathan en doutaient un peu. Cependant, se laisser convaincre par les arguments de Monsieur Bannon les rassurerait.

— Du coup on fait quoi pour ma main ?

— Il n’y a qu’à remettre une bonne couche de crème cicatrisante et cette fois sans bandage, comme le conseille Papa. Hé ! j’ai dit de la crème, pas du désinfectant, gros bébé.

La pâleur subite de Nathan n’avait rien à voir avec ce qu’on allait coller sur cette crevasse monstrueuse. À l’évocation du mot crème, l’enfant avait senti bouger les deux lèvres boursouflées.

— Une bonne nuit de repos là-dessus et je suis sûr que demain il n’y paraitra plus, conclut Monsieur Bannon.

Je l’espère aussi, Papa.

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