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C’est au moment de se coucher que la peau craqua pour de bon, au niveau de l’articulation de son index droit. Un peu de sang coulait de la crevasse.

Surtout tu la fermes ! s’ordonna Nathan. Les vacances étaient peut-être finies, le week-end suivant demeurait d’actualité. Il n’était pas question de se faire punir.

Pour calmer le mal grandissant, l’enfant porta la main à sa bouche et mit un peu de salive sur sa plaie. Le soulagement fut moindre mais suffit à l’aider à s’endormir.

Peu après minuit, Nathan fut réveillé par des élancements au doigt. Il alluma sa lampe pour constater la conséquence de sa bravade de la veille. La crevasse était bien ouverte et les bords de la plaie avaient gonflé. Cela ressemblait à une minuscule bouche à l’envers. Elle évoqua à Nathan le résultat salopé de quelque chirurgien esthétique douteux, comme il avait pu en voir dans les magazines à scandale que prisait sa mère. Ces lèvres grotesques pulsaient furieusement, envoyant des vibrations de douleur dans l’intégralité de la main de l’enfant.

Nathan réessaya le coup de la bave mais autant donner de l’aspirine à un pestiféré. Il lui fallait les bons soins de sa mère. Il entrouvrit la porte de sa chambre et tendit l’oreille afin de savoir si Madame Bannon était encore debout. Quelqu’un était dans la salle de bains. Il alla voir si elle était ouverte, signe qu’il pourrait y entrer.

Stella Bannon se rinçait les dents quand elle vit le reflet de son fils dans le miroir. Il se tenait dans l’encadrement de la porte. L'expression de souffrance qui déformait ses traits inquiéta la mère.

— Tu ne dors pas encore ? Qu’est-ce qui se passe ?

Nathan redoutait une réprimande pour avoir désobéi. Il serait inutile de mentir à Madame Bannon, forte de près de douze ans de prévention et traitement de crevasses. Le gamin adopta donc la stratégie la plus efficace qu’il connaissait pour détourner la colère de Madame Bannon : redevenir le bébé qu’elle adorait materner. Il lui tendit sa main droite tel un chiot à la patte blessée.

— M’man, regarde, j’ai maaaaal !

Stella s’approcha pour prendre délicatement la main crevassée de son fils.

— Oh mon poussin, qu’est-ce qui t’es arrivé ?

L’enfant ne dit mot et se précipita dans les bras de sa mère, écrasant une larme providentielle au creux de la poitrine maternelle.

— Ça fait mal, M’man !

Il geignait et se blottissait au creux de sa poitrine, évitant ainsi de croiser le regard de sa mère.

— D’accord, attends mon poussin, je vais te chercher ce qu’il faut.

Elle se dégagea à contrecœur de l’étreinte de son fils.

Il a encore besoin de moi, mais pour combien de temps ? se demanda-t-elle avec un pincement de cœur.

De son côté, Nathan savait que si sa mère l’appelait mon poussin, il avait gagné la partie. Elle s’inquiétait trop de soigner son bébé pour penser à le réprimander.

— Retourne dans ton lit, poussin. Maman arrive avec ce qu’il faut.

Elle rejoignit Nathan dans sa chambre équipée de bandages, de compresses, de désinfectant et de crème cicatrisante.

— Montre-moi cette méchante crevasse. Le saignement s’est vite arrêté, tant mieux. On va commencer par nettoyer tout ça.

Stella Bannon mit un peu de désinfectant sur une compresse. Nathan se raidit au contact du liquide froid.

— Allons ne fais pas ton bébé ! dit-elle avec un sourire plein de tendresse.

Ensuite, elle appliqua le baume cicatrisant avec une extrême douceur. Nathan se détendit et ferma les yeux. Les pulsations de douleur ralentirent et le mal s’atténua.

— Je vais te mettre un bandage, comme ça je serai sûre que tu n’y toucheras pas. On l’enlèvera demain soir. Ça devrait être guéri d’ici là. À condition de ne pas y toucher, d’accord poussin ?

Nathan l’écoutait à peine. Son après-midi de jeux et ce réveil douloureux l’avaient épuisé. Les paupières closes et un sourire reconnaissant aux lèvres, le gamin murmura un « Merci Maman » ensommeillé. Madame Bannon aurait juré qu’à ce moment-là, son fils avait à nouveau quatre ans.

— Bonne nuit, petit garnement.

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