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Nathan engloutissait son dessert à monstrueuses bouchées tout en jetant des coups d’œil furtifs en direction de l’horloge.

Madame Bannon considérait son fils mi-amusée mi-dégoûtée par tant de goinfrerie. Finalement, les bonnes manières auxquelles elle tenait l’emportèrent.

— Tu es obligé de t’empiffrer comme ça, Nathan ?

— Désolé, M’man. Je suis pressé, Tim va pas tarder.

— Eh bien ? Tu le vois tous les jours, ton Tim. Ce n’est pas une raison pour manger aussi salement, petit cochon.

L’enfant ne ralentit pas la cadence de ses mâchoires.

Stella tenta de trouver du renfort auprès de son mari qui regardait le journal télévisé.

— Tu peux dire quelque chose, Patrick ? On n’est pas dans une porcherie, ici.

Monsieur Bannon se détourna de la télévision à contrecœur. Les résultats sportifs n’allaient pas tarder. Dans sa propre enfance, il s’était souvent empressé de finir ses repas et avait même sauté des goûters pour passer le plus de temps possible avec ses amis.

À l’écran, le reportage touchait à sa fin. Monsieur Bannon n’avait pas le temps d’expliquer à sa femme à quel point les après-midi jeux avec les copains étaient sacrés pour les enfants. Il se contenta donc de lui rappeler la date du jour et d’adresser un « doucement fiston » à l’adresse de Nathan. Puis il se replongea dans son JT.

L’évocation de la date du jour réveilla la partie enfantine de Stella, celle qui survivait difficilement à cette vie de mère, pleine d’inquiétudes et de responsabilités. Elle comprit la gravité de la situation. C’était le dernier samedi de liberté de Nathan avant la rentrée du trimestre de printemps. Le lendemain serait consacré aux devoirs que son fils n’avait probablement pas encore touchés.

Cela mit fin à d’autres remontrances. De toute façon, Nathan venait juste de finir son dessert.

On sonna à la porte. Nathan bondit de sa chaise et fila vers l’entrée tout en saluant ses parents.

— C’est Tim ! J’y vais ! À tout’ P’pa ! À tout’ M’man !

Le gamin se précipita pour ouvrir à son ami. Tim était seul.

— T’es prêt ? Les autres sont déjà au parc.

— Ouais, faut juste que je mette mes pompes et…

— Ouais, ok, dépêche.

Nathan referma la porte d’entrée. Sa mère était dans son dos. Elle s’était levée de table immédiatement après lui pour le suivre.

— Pas si vite, jeune homme !

— Qu’est-ce qu’il y a M’man ? Les copains m’attendent.

— Tu as pris tes gants ? Tu as vu le temps qu’il fait ?

— Mais M’man, il fait bon aujourd’hui, regarde.

Madame Bannon jeta un œil par la fenêtre. En effet, le soleil était au rendez-vous et semblait vouloir rester.

— Hum, la neige n’a pas encore fondu. Tu vas t’abimer les mains si tu ne mets pas tes gants. Tu n’aimes pas avoir des crevasses, si ?

Oh que non ! C’était même ce que Nathan avait connu de pire dans sa courte vie. Ses mains trop délicates ne supportaient pas le temps froid et sec. Lorsqu’elles s’ouvraient et saignaient, ça lui faisait un mal de chien. Bonjour pour copier les leçons !

— Non, M’man. Je vais les chercher.

— Tu as intérêt, petit garnement. Il faut protéger ces minimes.

Stella Bannon déposa un baiser sur chacune des mains de son fils. Nathan eut l’irrationnelle certitude que la porte derrière laquelle son ami attendait allait devenir transparente. L’idée que Tim serait témoin d’une démonstration gênante de tendresse entre sa mère et lui le fit se dégager de l’étreinte de sa mère de manière un peu trop sèche.

— M’man, s’te plaît, les copains m’attendent.

Stella sentit son cœur se fissurer légèrement. Mais elle n’en montra rien.

— Alors va vite t’amuser, garnement. Pas par là, direction l’armoire d’abord.

Oh la barbe !

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