Journal - 22 décembre

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Enfin un homme qui sait ce qu’il veut et qui fait ce qu’on attend de lui ! Mon petit caporal n’est pas très habile et sa machinerie souvent nous encombre, mais au diable la froideur de ses jambes en dessous des genoux ! Peu importe, finalement, cette carapace qui lui grève l’échine et le fait plus bossu qu’une montgolfière. Au contraire, cet appareillage s’est révélé fort commode. Cela assure une préhension tout à fait correcte et après seulement quelques minutes d’indisposition à poser les yeux sur tant de tubes imprégnés dans la chair, j’y décelai hier un logement bien pratique pour y harnacher une paire de confortables étriers au niveau de ses reins.

Ah ! mon caporal n’est pas bien beau et son allure est toujours falote, mais il est dévoué et son application mécanique fait tolérer la rugosité de ses caresses.

Mon revirement peut paraître incongru, ce n’est pourtant qu’un jeu, rien de plus. Un divertissement pour passer les fêtes de fin d’année, pour me faire oublier l’envoûtement provoqué par ce fat de capitaine seulement bon pour la parade. L’autre n’est pas tellement meilleur, mais il occupe. Parfois, je me dis que je devrais éprouver quelques remords d’agir aussi vilement, j’avoue au contraire ressentir un plaisir étrange à l’utiliser de manière si immorale.

Et peu me chaut que ces manœuvres n’aient porté le fruit espéré, que le capitaine Salieri ne semble pas plus enclin à la jalousie qu’aux cajoleries. Il me visite toujours une heure chaque jour, mais il reste impavide et quand j’évoque la cour maladroite du caporal Pommaret, il ne bronche guère. Cela me conforte dans l’idée qu’il n’eut aucune visée galante sur ma personne. Ou s’il en avait, je le ferai souffrir tant que je pourrai. J’irai même jusqu’à exhiber devant lui les démonstrations d’affection de ce pataud Charles, mon petit caporal à manivelle.

Vendredi, la princesse de Metternich-Winneburg délaisse Paris pour enchanter la haute société viennoise avec un bal aérien dont elle a le secret. Cela fait bien longtemps que nous n’avons eu l’honneur d’une réception de la princesse et je me demande quel scandale nous réserve encore Mauline Petternich, la princesse commère.

Je n’irai pas en débutante, mais mon cœur en est bien davantage empoigné à l’idée d’avoir refusé la demande du capitaine Salieri pour lui préférer le caporal comme cavalier. À quoi bon m’inviter au bal, lui répondis-je, puisque vous ne me ferez danser ? Il en resta bouche bée.

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