XVIII

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Mars : J – 1 mois

  • J’avais de l’importance pour elle, se lamente Sarah. Je ne suis plus rien, comme à mon arrivée ici ! Elle me manque…

  Le nez dans son maudit téléphone, Sarah est clouée sur le canapé depuis l’enterrement de Viviane. Ses lamentations m’insupportent.

  • Prends tes affaires de sport, tu viens avec moi !

  Elle n’a pas protesté longtemps, mon autorité naturelle a fait le reste. Jeff non plus n’a pas protesté. Il n’a pas le choix, je lui impose Sarah.

  Néanmoins, ma défiance a des conséquences dramatiques. L’ex-militaire redouble de persécutions : trois tours de stade pour s’échauffer, enchainement de mouvements, monter l’escalier des gradins en sprint. Sarah m’épate, elle est énergique et Jeff la complimente à la fin de chaque exercice. Le cours terminé, je m’effondre sur la pelouse fraiche.

  Dans un mois, je serais partie. Les séances de sport ne seront jamais pareilles sans le coaching du sadique militaire.

  En attendant c’est décidé, je m’impose deux heures d’activité physique minimum par semaine dès mon retour à Bordeaux.

  Après la douche, Sarah est détendue. Elle n’a pas versé une larme depuis au moins une heure, ni consulté son smartphone. C’est le moment idéal. J’ai une idée qui me trotte dans la tête depuis plusieurs semaines.

  Je change d’itinéraire.

  • On va où ? s’étonne-t-elle.

  Sur la façade du petit bâtiment blanc et jaune, où je l’ai conduit, est inscrit : ITS, Institut du Travail Social. Sarah est suspicieuse.

  • Qu’est-ce qu’on fait là ?
  • On est là pour se renseigner !
  • Pourquoi faire ?

  L’établissement est au top. Nous nous présentons à l’improviste mais une responsable de formation accepte de nous recevoir. Sarah est au bout de sa vie. Sa carapace s’est brisée, elle est totalement effrayée. La responsable en a pris conscience et dissipe rapidement le malaise. L’entretien prend une toute autre tournure, je n’ouvre plus la bouche et Sarah est captivée. A sa grande joie, elle apprend que certaines formations proposées par l’ITS lui sont ouvertes, malgré son parcours scolaire chaotique. Sa réserve disparait et elle enchaine les questions.

  Sur le chemin du retour, elle est aux anges. Elle lit et relit la plaquette d’information concernant le métier d’accompagnant éducatif et social, le diplôme qui remplace celui d’auxiliaire de vie sociale (si j’ai bien tout compris…).

  • Il y a un concours d’entrée en formation. Pfff. C’est mort ! J’y arriverai jamais et j’ai même pas l’argent pour l’inscription.

Rooh, elle me fatigue !

  • Ne t’inquiète pas pour l’argent. Et arrête de te dévaloriser, tu es pénible à la fin ! m’emporté-je. Tu te souviens, quel est mon boulot ?
  • T’en as pas !

  La spontanéité de Sarah me fait sourire, mais elle sait où je veux en venir. S’il y a bien une personne compétente pour l’aider à préparer son concours, c’est moi !

***

  Le contrecoup des événements récents a eu raison d’Hélène. Elle est installée sur le sofa du salon, lisant un livre dont elle n’a pas tourné la page depuis au moins une heure. D’habitude pleine de vigueur, la fatigue tire les traits de son doux visage. S’ajoute la tristesse, même les préparatifs du colloque prévu dans six jours, ne l’anime pas.

  C’est inquiétant !

  • Tu n’as pas une séance de yoga du rire ? me demande-t-elle.
  • Pas aujourd’hui, désolée !
  • C’est dommage, je t’aurais accompagné.

  Son téléphone vibre. Mon regard dérape involontairement sur l’écran : « PIERRE : Cc BB… ». Ma bouche s’ouvre en grand.

  • BB ?
  • Fouineuse. De quel droit tu regardes…
  • BB, répété-je. Lui et toi c’est sérieux ?
  • Ben quoi ?

  Ses pommettes rosies lui vont à merveille !

  • Notre militante pour la PMA aurait-elle sélectionné les petites graines de ses futurs enfants ?
  • Arrête de me taquiner ! Il est pro-féministe.
  • Mon Dieu ! écrié-je exagérèment, c’est l’Homme Idéal ! Bravo, Hélène, tu l’as trouvé la première.
  • Moque-toi ! En attendant, le fils d’Anne-So passe plus de temps avec toi sur la terrasse que dans la cuisine avec sa mère !

  Cette fois, ce sont mes pommettes qui rosissent !

  Je n’en saurais pas plus sur elle et Pierre. Dans la pièce d’à côté, on entend Sarah raconter avec excitation son entretien à l’ITS. Manie et Martine l’écoutent attentivement et partagent son enthousiasme.

  • C’est super ce que tu as fait pour Sarah, me dit Hélène. Il est temps qu’elle vive pour elle.

  Je suis d’accord avec elle. Et il est temps que je vive pour moi !

  • Hélène, tu es toujours à la recherche d’un témoignage pour le colloque ?
  • Oui, il me manque une intervention. Avec le décès de Viviane, je ne m’en suis pas préoccupée. Il faut absolument que je m’y remette.
  • Si tu es intéressée par mon histoire, je peux témoigner ?

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