Les hommes

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"Souris un peu"

"Sois plus féminine"

"Ne marche pas aussi vite tu vas tomber"

"Viens par là"

"Tu m'offres un sourire ?"

Et si vous la fermiez tant qu'il en est encore temps? Et si vous nous laissiez vivre, vous nous laissiez respirer tant que vous, autant que vous êtes, êtes vivants? Et si et si et si juste vous arrêtiez de vivre un instant ? Oui, c'est ça, c'est ce que je pense, c'est ce pourquoi la nuit je danse.

Danse de terreur. Danse de tristesse. Danse de dégoût. Dégoût envers eux, envers vous.

Envers tous ceux qui les laissent faire, tous ceux à qui cela pourrait plaire de nous suivre, de nous empêcher de vivre, avec toutes leurs questions intrusives.

Féminine féminine, oui alors dès lors que cela vous arrange. Féminine pour quoi. Féminine pour qui? Est-ce pour moi? Je ne crois pas non. Mais pour qui vous prenez-vous? Pourquoi vous permettez-vous d'établir, d'instaurer, d'imposer des critères de féminité hein? Habille-toi comme ci, habille-toi comme ça, fais ci, fais ça... Tais-toi, ne l'ouvre pas. Ou alors ne parle que lorsque c'est utile, que lorsque tu as besoin de vivre.

Comment? Et comment?

Comment pouvons-nous vivre, oppréssées de tous côtés? Oui, ne faites pas les choqués, vos bouches, fermement, peuvent se refermer.

Dictées par des hommes, par nos pères et par des pairs. Comment vivre sans perdre la tête lorsque ces paires d'hommes vous regardent, vous détaillent et vous déshabillent avec des regards appuyés, des yeux aussi grands que des paires de jumelles...

Je marche, oui... C'est pourtant naturel, et pourtant pourtant... Pourtant vous y trouvez quelque chose à redire. Et pourtant, vous trouvez encore un moyen de nous catégoriser, de nous imposer des critères. Et si je tombe? Je tomberai. Peut-être que je m'étalerai dans un fossé, peut-être que l'arrière de mon crâne se trouvera enfoncé, peut-être que enfin, vos yeux malsains, de ma personne vont se détourner. Peut-être qu'enfin, je trouverai la paix.

Je fuis ce monde, je fuis le monde, je fuis ces gens, je les fuis eux, ces fils d'Adam.

Pourquoi faut-il que vous soyez en permanence chouchoutés? Que tout, absolument tout, autour de vos personnes doive tourner? Pourquoi? Peut-on un peu penser à moi? Laissez moi exprimer cette part d'égoïsme.

Qu'une fois je puisse exprimer toutes ces profondes pensées... Qu'une fois, je puisse avoir vraiment l'impression que j'ai le droit de m'exprimer. Que j'ai le droit de parler. Que j'ai un droit...

Droit.

Droit...

Cela sonne faux.

Droit...

Droite...

Droite.

C'est ainsi droite que je me tiens au bord du gouffre. Que je me tiens en face de lui. En face du vide.

Pensées... Pensées sombres, pensées obsessionnelles, existentielles. Grâce à elles. Je me tiens à deux mètres du vide. A deux mètres de la délivrance. A deux mètres du paradis. A deux mètres de la liberté.

Libre. Enfin?

Dès lors que j'ai franchis cette barrière, ce portail; hurlante, rouge, forcée à vivre dans un monde hostile, j'ai su que j'étais destinée à partir, à moi-même me délivrer.

Dès lors que cette inconnue m'a expulsée de ses entrailles, abandonnée, hurlante et toute gonflée, à mon oreille la vie a soufflé :

"Vivre libre est un idéal, une utopie. Mourir est une épreuve. Etre libre est l'objectif."

Un objectif. Une seule épreuve. Ce vide qui m'appelle, ce vent qui souffle à mes oreilles.

Saute.

Vole.

Plonge.

Profite du meilleur moment de ta vie.

Mais il a fallu qu'il y ait un obstacle.

Lui.

Qui est-il?

Haine.

"Pousse-toi"

Argh. Roque. Roque est ma voix. Faible. Inaudible.

"Je t'emmène. Loin d'ici, loin de là."

Chaude. Chaleureuse. Confiante. C'est sa voix.

Je ne veux pas. Mais je le suis. J'abandonne l'espoir d'une nouvelle vie.

Je le hais.

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