Chapitre 55 - Le Monde d'Evralar

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Maedhros chevauchait dans la forêt le plus vite possible, guidé par Cirth. Ils arrivèrent rapidement au gouffre et y rejoignirent les membres de la Guilde. Tous regardaient, impressionnés, ce qu’il se passait. Les monstres qui tombaient de la porte tout droit dans le sang, et Sauron et Aegnor complètement transformés qui se faisaient face au centre.

— Vous arrivez trop tard… murmura Narmacil.

— Non ! Nous devons aider Sauron à retrouver la raison, et nous nous chargerons de cette foutue porte… C’est possible, non ? demanda Cirth en regardant le mage. Maedhros… ?

— J’avais peur qu’une telle chose n’arrive, mais je ne peux rien faire d’aussi loin. Je dois m’approcher de lui…

— Impossible, remarqua Rana. Il y a bien trop de monstres. C’est votre spécialité, non ? Ça ne devrait pas être un problème, répliqua Maedhros.

— À nous quatre ? C’est de la folie ! s’exclama Vorondil.

— Nous ne pouvons les laisser s’échapper du gouffre. Ils erreront dans les plaines, dans nos villes et nos montagnes, tuant tout homme qu’ils verront, ajouta le mage. Et puis, qui a dit que vous étiez seuls ?

Il se retourna vers la forêt et fit signe aux soldats de la Guilde de s’approcher entre les arbres. Une centaine d’hommes arrivèrent alors sur les lieux, leurs armes à la main.

— Il me semble que votre Guilde est équipée pour ça ? N’oubliez pas que je suis un mage. Je n’ai pas besoin de protection, juste d’aide pour me créer un chemin entre ces bêtes.

— Allons-y ! Suivez-moi ! cria Vorondil en menant ses troupes dans le gouffre.

Tous descendirent derrière leur chef, chargeant les démons se trouvant devant eux. Ils savaient que s’en sortir indemnes serait un miracle mais il ne fallait pas les laisser s’échapper. Sauron ne s’en préoccupait pas. Il était encore sous le contrôle de la haine déclenchée par Aegnor lorsqu’il s’en était pris à Anario. Il le méprisait du regard. Le chef de la Guilde Nocturne se jeta sur lui, pointant ses longues cornes en avant pour lui donner des coups. Sauron bondit sur le côté, porté par ses ailes pour saisir sa claymore qui commençait à disparaître sous la couche de sang, et s’en servit pour bloquer ses frappes. Ses jambes d’animal le rendaient très agile. Chacun de ses pas et de ses sauts faisait trembler la terre. Sauron se tourna brusquement vers lui, faisant jaillir plusieurs charges d’aura successives de sa main gauche dans sa direction. Il les évita toutes, bondissant à droite, puis à gauche, s’approchant petit à petit de lui. À quelques pas du jeune homme, il baissa la tête. Ses cornes s’approchèrent de son visage, à seulement une poignée de centimètres. Sauron les vit juste devant ses yeux. Un pas de plus et ils seraient crevés. Il pivota rapidement sur le côté et lui trancha le bras gauche avec sa lame.

— Ne te méprends pas. Ça ne m’empêchera pas de te tuer.

Les démons se trouvant autour d’Aegnor bondirent sur Sauron de tous les côtés. Il y en avait des centaines, tous autant répugnants les uns que les autres. Sauron les trancha en deux avec son épée, plusieurs rangées à la fois, tandis que, sans s’en rendre compte, les mains brumeuses montaient sur ses jambes pour l’immobiliser. Lorsqu’il ne put plus bouger, il concentra alors son aura autour de lui comme un bouclier et la fit jaillir telle une tornade, désintégrant toutes les créatures dans le périmètre, n’en laissant même pas une miette, une dent ou un œil. C’est alors que les mains brumeuses sortirent de partout, créant une sorte de sphère autour de lui, le gardant prisonnier dans l’obscurité.

— C’était beaucoup d’aura. Tu aurais dû la garder pour moi.

Aegnor se redressa sur ses pattes. Le sang ne cessait de couler de son épaule droite. Il tendit l’autre bras en avant. Une boule noire à la fois obscure et lumineuse entourée d’une couche violette grossissait au creux de sa main. Il y avait là toute son aura, ainsi que celles qu’il aspirait aux alentours. Elle se détacha, se jeta violemment sur le jeune démon qui ne pouvait bouger le petit doigt, traversa les mains et vint lui exploser en pleine figure, créant une horrible explosion. Un jet d’aura violet s’en échappa, montant jusqu’aux cieux. Au même moment, une lumière bleue éclatante jaillit de l’intérieur de la sphère, venant de l’épée de Sauron qu’il avait mise devant lui. L’inscription bleue qui se trouvait dessus s’illumina, absorbant toute la magie et les dégâts qui lui avaient été infligés avant de se briser en deux.

Sauron fut tout de même expulsé en arrière, tombant brutalement sur le sol. Sa tête lui faisait mal. Il était totalement secoué. Sa vue se brouillait et une voix retentissait dans sa tête : celle d’Anario. Plusieurs souvenirs flashaient dans son esprit, de leur première bagarre à l’incident à Nevrestir, en passant par la fleur qu’il lui avait offerte au bal du roi. Anario… Il se rappela notamment la confiance qu’il avait envers lui, l’amitié qu’il avait su garder après avoir découvert sa véritable nature. Sauron se redressa doucement sur le sol, regardant Aegnor devant lui.

— Tu as retrouvé tes esprits ?

— J’ai eu tort de me laisser emporter. Je dois encore défendre toutes les personnes innocentes que tu risques de tuer si je te laisse faire.

— Regarde autour de toi, gamin. Même si tu arrives à me tuer, il y aura encore trop de démons qui nuiront à ton monde. Et la porte vers le monde d’Evralar ne se refermera pas pour autant.

— Je ne m’abaisserai pas pour autant. Tu ne me fais pas peur.

— C’est ce que tu crois ? Quand est-ce que tu m’écouteras ? Je suis bien plus préparé que toi.

La puissance qu’Aegnor absorbait des démons autour de lui ne cessait de lui donner davantage de force. Non seulement, son aura s’amplifiait, mais son corps grandissait. Il était bien plus imposant que n’importe qui. On croyait voir un géant. Les créatures disparaissaient peu à peu, avalées par le chef de la Guilde, bien qu’elles ne cessassent également de sortir de la porte. Les membres de la Guilde des Corbeaux, Rana, Cirth, Narmacil, Vorondil et même Maedhros, s’arrêtèrent, effrayés par cette ombre immense qui les recouvrait.

— Alors là, je ne sais pas ce que je peux faire… remarqua Maedhros, inquiet.

— Sauron ! cria Cirth au loin.

— Cirth ?

Sauron tourna sa tête vers le côté. Il vit tous ses compagnons qui combattaient près de lui. Les gars… Vous êtes tous là… Puis il regarda à nouveau Aegnor dans les yeux, Qu’est-ce que je vais faire ? Je dois les protéger, quoi qu’il arrive.

Sauron, appela Sila de l’autre côté.

Sila ?

Je pense que tu n’as pas le choix. Rappelle-toi quand je t’ai amené sur l’île. Quand tu as eu cette vision, je sais que tu as tout de suite compris, n’est-ce pas ?

Ça… Je pensais que je pourrais changer les choses… Mais je suppose que j’étais naïf.

C’est leur dernier espoir.

Malgré tout, il est bien plus fort que moi pour l’instant.

Fais-moi confiance. Fais ce que tu as à faire !

Il regarda le dragon, puis baissa les yeux vers Anario, allongé à ses pieds. Il vit un souffle s’échapper de sa bouche. Il respirait encore. Sila, j’ai peur. La bête libéra toute son aura au profit de Sauron qui l’absorba d’un coup. Il grandit alors lui aussi et devint immense jusqu’à toucher le haut des arbres.

Tu n’auras pas beaucoup de temps, remarqua Sila.

Ne me laisse pas tout seul.

Je serai juste derrière toi.

Sauron avançait pas à pas, déchiquetant tous les monstres qui restaient sur son chemin avec ses griffes tranchantes, les écrasant sous ses pieds et les croquant à pleines dents. Il était recouvert de sang jusqu’aux genoux. Aegnor avançait lui aussi dans sa direction.

— Je t’ai dit que c’était inutile.

Son adversaire bondit brusquement sur lui, les cornes en avant. Il lui transperça alors le torse avec l’une d’elle. Sauron la saisit, se tirant de plus en plus vers lui. Qu’est-ce que… ? se demanda Aegnor.

— Si je ne peux pas te tuer pour le moment, alors je te ramènerai d’où tu viens ! gronda-t-il.

Il donna quelques coups avec ses ailes, de haut en bas, le propulsant dans le ciel, et se dirigea vers la porte menant à l’autre monde. Aegnor essayait de se retirer de son corps pour s’échapper.

— NON ! cria-t-il.

Anario ouvrit les yeux. Il distingua Sauron au loin, prêt à se sacrifier pour libérer le monde des humains d’une telle menace. Sauron, qu’est-ce que tu fais ? Affolé, il se releva tant bien que mal. Le sang coulait de plus en plus de son corps. Dès qu’il bougeait, il en perdait davantage. Il s’avança alors devant Sila, toucha son épaule et regarda ses yeux lumineux.

— Je sais que je ne peux pas t’entendre, mais toi, tu le peux, alors… je t’en prie.

Sila le regarda de haut en bas, se demandant où il trouvait la force de bouger encore. De son côté, Sauron arriva juste devant l’entrée vers Evralar. Il délogea son adversaire de son corps et donna un coup de poing violent enrobé d’aura ténébreuse dans l’abdomen d’Aegnor, le propulsant de l’autre côté. La disparition de ce dernier annulait peu à peu l’ouverture de la porte qui se fermait derrière lui. Au même moment les mains brumeuses sortirent, plus nombreuses que jamais, d’Evralar et saisirent Sauron tout entier, le tirèrent brusquement et le firent à son tour disparaître de l’autre côté.

— NON SAURON ! cria Cirth, des centaines de mètres plus bas.

— Sauron… murmura Anario.

Sila agrippa le jeune prince entre ses griffes. Il fit un bon en avant et vola à toute vitesse vers Vorondil pour le lâcher dans ses bras. Désolé Anario, je ne peux pas t’emmener avec nous. Puis il se dirigea rapidement vers la porte qui se refermait de plus en plus. Il n’y avait alors qu’une petite brèche. Il donna un coup dans ses ailes qui le propulsa vers cette faille et il y entra avant qu’elle ne se referme complètement derrière eux. Elle disparut sous la lumière rouge de la lune, ne laissant aucune trace dans le ciel.

— SAURON ! hurla Cirth.

— Impossible… poursuivit Maedhros.

Tous regardaient le ciel, les yeux écarquillés. Les lieux devinrent tout à coup silencieux et vides. Seuls quelques monstres y demeuraient encore, luttant contre les membres de la Guilde. Ils étaient plantés au milieu du gouffre, les vêtements couverts de sang, le visage égratigné, leurs armes à la main, ne disant pas un mot. Aegnor, Sauron, Sila et les membres restants de la Guilde avaient emprunté le chemin menant au monde des démons. Ils s’étaient éparpillés dans une dimension intermédiaire avant de retomber sur le sol. Aegnor avait totalement disparu. Sila s’était écrasé contre le sol et Sauron était allongé plusieurs mètres plus loin. Son aura disparut, il reprit peu à peu son apparence humaine, épuisé. Sa respiration ralentissait de plus en plus et sa vision était floue.

— Si-Sila… Où... où sommes-nous… ? demanda-t-il.

— Nous sommes à Evralar.

La Guilde des Corbeaux continua de combattre les démons dans le gouffre jusqu’au dernier, le regard vide et soucieux. Vorondil tenait Anario, qui ne respirait quasiment plus, sur son dos. Les soldats se réunirent pour remonter les corps de leurs défunts camarades et les transportèrent sur les chevaux jusqu’au campement. Là, ils les avaient allongés côte à côte, des pièces d’or sur les yeux. Des flammes consumèrent peu à peu leurs dépouilles tandis que le soleil pointait le bout de son nez. C’était l’aurore. Vorondil réunit ses hommes et ceux de son frère, tous formèrent les rangs et chevauchèrent en direction de Dorwin, sans même s’arrêter pour se reposer. Le roi Calion était mort, ainsi que son épouse. Le prince Anario était aux portes de la mort. Il fallait sans plus attendre un nouveau dirigeant pour guider le royaume dans ces heures sombres.

Histoire écrite par A.L MATHERS ♥ IG @a.l_mathers

Illustrée par Noémie DUMONT ♥ IG @la_noun

Corrigée par Mélany BIGOT

Actuellement disponible sur Amazon en version papier !

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