Chapitre 47 - Ohtar, Chef des Sauvages

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Cette inquiétude resta avec lui jusqu’au petit matin, lorsqu’il avança sur son cheval, vêtu de son armure. Les troupes se formèrent, comme Vorondil et Isil l’avaient indiqué, les soldats en première ligne, suivis des cavaliers et des archers. Le prince Vorondil se trouvait tout devant, à sa droite son frère Anario, et à gauche son fidèle ami Narmacil. Enfin, la sorcière, Cirth et Rana se tenaient derrière eux, sur leurs montures. Le ciel n’était pas encore tout à fait dégagé et le soleil venait à peine de pointer le bout de son nez à l’horizon. La fraîcheur matinale se faisait encore sentir et la rosée de l’herbe mouillait les pieds des soldats et les sabots des chevaux. Il n’y avait aucun bruit. Ils attendirent quelque temps sans rien dire à regarder la plaine vide devant eux et la lisière de la forêt de l’autre côté.

Soudain, ils entendirent des cris venir au loin, devenant de plus en plus forts, jusqu’à ce que des sauvages apparaissent à la lisière de la forêt, criant et brandissant leurs armes dans les airs. C’étaient les hommes dont parlait Isil, ceux réunis par les sorciers, des sans-patrie d’au-delà des frontières. Barbus, cheveux mi-longs et négligés décorés de petites nattes, sans armure à l’exception de casques grossiers pour certains, des boucliers de bois ou de fer rouillé et accompagnés de chiens costauds qui ne cessaient d’aboyer. Un groupe chevaucha devant eux. Ils s’arrêtèrent et rirent au loin.

— Ce soir, ce seront vos dépouilles que mes hommes violeront, cria leur chef.

Ainsi, les troupes ennemies coururent sans formation, hurlant à la mort, vers celles du roi Calion. Ils étaient bien plus nombreux qu’eux, mais Anario savait que d’autres arriveraient. Il leva son épée dans les airs.

— Archers ! Prêts à tirer !

Derrière les hommes, les archers sortirent leurs flèches, bandèrent leurs arcs et les pointèrent vers le ciel en attendant le signal. Anario regarda les hommes avancer. Il attendit, attendit et attendit encore avant de baisser son bras brusquement.

— Lâchez !

Une pluie de flèches noircit le ciel gris avant de tomber sur le champ de bataille avec force, s’enfonçant dans les jambes, les torses, les têtes et les bêtes des ennemis. Des cris et des couinements retentirent. L’un d’eux, touché à la jambe, devint furieux. Il prit la flèche dans sa main et la cassa en deux avant de charger vers Anario. Narmacil descendit de sa monture et claqua le derrière de son cheval pour le faire fuir. Il s’avança vers l’homme qui courait vers eux en brandissant sa hache, le regarda droit dans les yeux tandis qu’il mettait ses mains sur les manches de ses sabres se trouvant sur son dos. Lorsqu’il fut à sa portée, avant même qu’il n’ait le temps de planter son arme, il sortit brusquement ses sabres et lui trancha la tête. Le coup fut si rapide qu’elle se détacha du torse et tomba plusieurs mètres derrière lui, laissant le sang gicler de son cou et son corps tomber à terre.

Anario remit son épée dans les airs, faisant signe aux archers de se remettre en place. Les flèches retombèrent à nouveau sur le champ de bataille. Lorsque la cavalerie ennemie s’avança, le prince ordonna aux soldats de faire de même. Narmacil les suivit, armé de ses lames tranchantes. Les hommes dégainèrent leurs épées. Ils coururent à la rencontre des sauvages, les embrochant et leur coupant la tête. Le jeune épéiste ne manquait aucune de ses cibles mais tout le monde n’était pas aussi doué que lui. Même ses alliés tombaient sur la plaine, se faisant couper une main à la hache, mutilés par leurs lames avant de se faire dévorer par les chiens. Où sont les wendigos ? se demanda Anario.

— Anario, ne devrions-nous pas y aller nous aussi ? remarqua son frère. Nous aurons trop de pertes sinon.

— Je sais mais ils ne sont pas encore tous là.

Ce fut sur ces mots que des rugissements envahirent les lieux, glaçant le sang de tous les hommes se tenant encore debout et réveillant ceux qui avaient déjà rendu leur dernier souffle. Quelques wendigos couraient à travers les arbres de la forêt à une vitesse remarquable. L’un d’entre eux bondit au milieu des soldats et, d’un coup tranchant, en tua une poignée. Il dévora leurs visages, tapissant ses dents et ses poils de sang chaud. Cirth sortit une flèche de son étui, banda son arc et la lâcha. Elle traversa la plaine. Les plumes bleutées au bout du tube brillèrent à la lumière avant de venir s’enfoncer dans le cœur de glace de la bête, le brisant en morceaux. Les hommes étaient tétanisés et apeurés. Anario chevaucha devant ses troupes en les regardant tandis que Vorondil galopait vers les hommes de la Guilde.

— Aujourd’hui sera peut-être notre dernier jour mais le leur également ! Si nous partons maintenant, ils tueront nos femmes et nos enfants, nos pères et nos frères plus tard. Ils égorgeront nos mères dans nos foyers. Protégeons nos terres, renvoyons ces bêtes immondes dans les ténèbres ! déclara Anario.

— Le roi Calion nous a toujours ignorés. Aujourd’hui est le jour où vous prouverez votre valeur en tant que Guilde des Corbeaux. Vous êtes capables d’en venir à bout. Ces créatures alimentent votre vie chaque jour, et c’est notre rôle de leur offrir leur dernier souffle, ajouta Vorondil à ses hommes.

— En formation ! Sortez vos épées ! cria Anario.

— Prêts ? Chargez ! poursuivit son frère.

La terre tremblait sous les bottes des soldats et les sabots qui s’enfonçaient dans la boue. Près de vingt mille hommes s’avancèrent sur le champ de bataille à toute vitesse. Lorsque la cavalerie arriva, le bruit de l’impact retentit, cognant brusquement les monstres et les quelques hommes debout. Les soldats ordinaires tuaient les sauvages et coupaient les membres des créatures. Ceux armés d’acier de Hel brisaient les cœurs de glaces. Beaucoup tombèrent avant même de pouvoir s’en approcher. Ils n’avaient pas l’entraînement de la Guilde et se laissaient facilement impressionner par les bêtes. Ces dernières répandaient le sang dans les environs. Elles jouaient avec les humains comme des enfants jouant avec leurs poupées.

Cirth et Rana restèrent ensemble. Ils lançaient leurs flèches et leurs couteaux dans chacun des wendigos. Ils marchaient au-dessus des cadavres pour bondir sur leurs ennemis, protégeant les arrières de l’autre, à l’affût du moindre geste, délogeant leurs armes au passage pour les récupérer. Les sauvages qui avaient le malheur de croiser leur route finissaient avec une flèche dans les yeux ou dans le cœur, une lame dans la gorge ou dans la poitrine. Certains criaient même à la vue de leurs doigts coupés par le lanceur de couteaux.

Non loin d’eux, Narmacil tranchait les hommes un par un à l’aide de ses lames aiguisées. L’art du sabre lui allait si bien. Il sautait, se tournait, se baissait, tendait son bras puis le ramenait. À l’observer, on jurerait voir un danseur sanglant qui retirait la vie de ceux qui s’en prenait à lui. Lorsqu’il rencontrait les bêtes ténébreuses, il embrochait leur cœur. Par moments, il enfonçait ses deux lames simultanément dans leur torse et les levait avec sa force au-dessus du sol pour ne pas qu’elles l’atteignent avant de les couper en deux en emportant leur trésor glacé. Du coin de l’œil, il surveillait les alentours de Vorondil qui se battait au loin, au cas où il aurait besoin d’un coup de pouce.

Le prince Vorondil tuait chacun de ceux qu’il rencontrait. Il ne pouvait se permettre de tomber. Il était le fils du roi Calion et devait guider et protéger ses hommes. Cela ne plut guère au chef des sauvages qui l’observait du haut de son cheval noir. Il descendit alors de sa monture et s’avança doucement vers lui en tuant les soldats sur son passage, les découpant en deux, venant à bout de leur armure de fer comme d’un vulgaire tissu. Son arme avait été forgée exprès pour lutter contre les cavaleries. Développée vers l’est, là où vivait Narmacil, elle servait à tuer les chevaux. Elle était composée d’un manche en cuir tressé d’une quarantaine de centimètres et d’une longue lame épaisse et tranchante courbée à l’extrémité de plus d’un mètre. Lorsqu’il arriva devant le prince, il l’enfonça dans la terre et le regarda dans les yeux, affichant un grand sourire. Vorondil le regarda également. Il examina son épée et lui présenta la sienne.

— Ton épée est plus grande que la mienne, remarqua le chef. Mais elle est beaucoup moins maniable et tranchante. Néanmoins, je me ferai une joie de l’arracher à ton cadavre.

— J’espère que tu ne vas pas me décevoir, répondit Vorondil.

Le chef ennemi positionna la lame de son épée vers le bas et sa main sur le dessus du manche tandis que le prince dégainait son épée vers l’avant en courant. Arrivé devant lui, il était prêt à donner le premier coup mais son adversaire tourna son épée très rapidement et releva sa lame au niveau de son visage. Vorondil fut surpris. Il recula brusquement en évitant l’épée puis revint à la charge. Il donna plusieurs coups au niveau de son flanc et de sa figure mais il les évita de justesse. Il sait bien utiliser son sabre. Je ne peux pas lui retirer cela, remarqua le prince. Il continua à l’attaquer mais aucun de ses coups ne l’atteignirent. Il porta sa lame au-dessus de sa tête et en profita pour lui infliger un lourd coup dans l’abdomen. L’homme recula avant de faire descendre sa lame vers le sol. Vorondil l’esquiva d’un saut sur le côté et elle s’enfonça dans la terre.

Ils se regardèrent dans les yeux et foncèrent l’un sur l’autre au même moment. Leurs épées s’entrecroisèrent plusieurs fois. Les lames ricochaient sans atteindre la chair, créant de grandes étincelles. Il n’était presque pas possible de suivre leurs mouvements qui se faisaient très rapidement. Le chef positionna ses deux mains sur son manche et mit de plus en plus de force dans ses coups. Vorondil fut alors obligé de faire de même pour lui tenir face. Ses bras devenaient de plus en plus lourds. Vite, il fut rattrapé par la différence d’expérience. Il était fatigué de porter sa lourde épée. Il recula et reprit son souffle.

Il inspira et expira profondément avant de reprendre le combat. L’ennemi mit sa lame sur le sol. Il attendit que le prince s’approche avant de la traîner autour de lui et de la remonter vers son adversaire, envoyant ainsi de la terre dans sa direction. Vorondil fut momentanément aveuglé et sentit la lame ennemie lui trancher les côtes. Il changea son arme de main pour contrer l’attaque et ne pas subir plus de dégâts. Lorsque sa vue revint, il aperçut l’homme costaud s’approcher de lui à toute vitesse. Il planta alors son épée dans la terre et esquiva l’attaque en sautant au-dessus de lui, prenant appui sur son manche. Il mit les pieds à terre, délogea sa lame et lui infligea un puissant coup dans le dos. Le chef tomba. Il avait une large entaille entre les omoplates. Il se releva pour lui faire face et commença à rire. Brusquement, il enfonça son immense sabre dans le sol et enleva le haut de ses vêtements, puis il saisit son manche et courut vers lui.

— Mon nom est Ohtar et je vais te retirer la vie, gronda-t-il.

Il porta de lourds coups poignants. Vorondil avait de plus en plus de mal à le repousser. Il était alimenté par la haine et une force incroyable. Leurs épées ne cessèrent de s’entrecroiser. Le prince baissait progressivement sa garde, ce qui lui coûta quelques égratignures. Il avait l’impression que les muscles d’Ohtar se gonflaient et qu’il se transformait. Narmacil l’observait au loin. Il s’empressa de tuer les bêtes qui l’encerclaient pour aller à son secours.

— Vorondil, tiens bon ! cria-t-il.

Mais il n’arrivait jamais à bout de ses adversaires. Les créatures devenaient bien plus nombreuses. Soudain, Ohtar donna un violent coup contre le prince. Ce dernier glissa dans la boue et tomba brusquement en se cognant la tête. Il rampa sur quelques mètres tandis que son adversaire approchait à grands pas, saisit rapidement le manche de son épée qui était tombée à ses côtés et se retourna pour bloquer l’assaut. Il n’avait plus de force. Il positionna son autre main sur sa lame, à l’autre extrémité, pour le repousser du mieux qu’il le pouvait. Ohtar le regardait avec de grands yeux. Il souriait comme un fou, observant avec joie la main de Vorondil qui saignait au contact de sa propre lame. Le prince poussait autant que possible avec ses deux mains mais celle de gauche glissait le long de sa lame recouverte de son sang. Elle s’enfonçait de plus en plus dans sa chair. Le regard de l’homme changea. Le blanc de ses yeux devint noir et son iris blanche. Il était possédé par une force supérieure à l’origine de son extraordinaire puissance.

Anario, qui avait entendu le cri de Narmacil, regarda dans sa direction. Il vit son frère en mauvaise posture mais lui non plus ne pouvait s’en approcher. Les wendigos ne cessaient d’apparaître, arrivant de la forêt. Il regarda autour de lui et remarqua le carnage qui s’y trouvait. La plupart de leurs hommes étaient morts et se faisaient dévorer par les chiens et les créatures démoniaques. Quelques sorcières apparurent également à la lisière de la forêt, formulant de sombres incantations qui semblaient contrôler le corps d’Ohtar. À l’arrière, les archers mourraient peu à peu, et seules quelques flèches atteignaient encore les bois. Anario tourna sur lui-même tout en tuant ceux qui l’entouraient. Nous avons besoin d’Isil. Elle doit sauver mon frère,s’écria-t-il. Mais lorsqu’il la chercha du regard, il ne la vit pas.

— ISIL ! OÙ ES-TU ?! hurla-t-il.

Personne ne répondit. Narmacil, Rana et Cirth restèrent côte à côte pour se soutenir, essayant de créer un chemin jusqu’à leur ami. Les cadavres ralentissaient leurs pas. Quelques fois, leurs pieds se coincèrent même, créant de la panique. Vorondil continua de lutter. Soudain, un craquement se fit entendre. Une brèche se créa sur sa lame, elle allait se briser sous la force d’Ohtar. Vite, il comprit que c’étaient sans aucun doute ses derniers instants. Même s’il trouvait la force de lutter, sa lame finirait par se briser et lui trancherait la gorge. Tous se regardèrent. Ils étaient épuisés par la quantité de wendigos qui ne cessait de croître et les paroles des sorcières qui amplifiaient leur force. Impuissant, Anario lança son épée sur Ohtar. Elle s’enfonça brutalement dans son dos mais la force qui le contrôlait était invincible. Il tourna sa tête vers lui et le regarda en souriant.

— Quel idiot, comment vas-tu te défendre maintenant ? Je vais tuer ton frère devant tes yeux, puis tu mourras.

Il continua de mettre tout son poids sur son arme. Le cou de Vorondil s’ouvrit, laissant couler de larges gouttes de sang. Soudain, un fort rugissement vint du ciel. Cirth regarda au-dessus de lui et, bien qu’il fût ébloui par le soleil, vit une large ombre sortir des nuages. Sauron était sur le dos de Sila qui survolait le champ de bataille. Le dragon vola au-dessus des troupes ennemies. Une lumière éclaira sa gorge et plusieurs flammes sortirent de sa gueule pour venir brûler les sorcières et les wendigos se trouvant à la lisière du bois. Puis il prit la direction de Vorondil. À plusieurs mètres au-dessus du sol, Sauron se redressa et sortit sa claymore. Il sauta de l’aile de son compagnon et tomba brusquement sur le dos d’Ohtar. Sa lame lui transperça la gorge et s’enfonça dans la terre à seulement quelques centimètres de celle de Vorondil qui était écrasé sous son poids. Sauron se releva et tira son épée en poussant le corps d’Ohtar sur le côté et la délogea.

— Désolé pour le retard.

Histoire écrite par A.L MATHERS ♥ IG @a.l_mathers

Illustrée par Noémie DUMONT ♥ IG @la_noun

Corrigée par Mélany BIGOT


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