Anario, Vorondil, Rana, Narmacil et Cirth montèrent sur leurs chevaux et partirent vers le nord, en direction de l’étang d’Ool. Au bout d’une vingtaine de minutes à cheval, ils arrivèrent non loin du point d’eau, au milieu de la forêt le bordant. Ils décidèrent d’y laisser les chevaux et de continuer à pied pour être plus prudents. Vorondil prit les devants, lui et ses hommes avaient l’habitude de faire ce genre d’escapade et ils savaient suivre des traces. Ils commencèrent à longer le lac vers l’ouest, à l’affût du moindre indice. Vite, ils tombèrent sur le cadavre du coéquipier du défunt soldat. Rana et Narmacil se penchèrent au-dessus de lui pour l’examiner. Ils le retournèrent, soulevèrent ses vêtements déchirés et remarquèrent plusieurs traces de griffures et de morsures de wendigo. La chair avait été complètement déchirée et arrachée.

— C’est l’œuvre d’un wendigo, il n’y a pas de doutes, remarqua Rana.

— Nous devrions continuer dans cette direction. Il y a des traces de sang et de pattes. Il doit être en vie, en train d’errer quelque part, ajouta Narmacil.

Chacun sortit son arme de prédilection, sur ses gardes. Ils suivirent les traces de pattes et les nombreuses gouttes de sang qui s’étaient sans doute échappées de la gueule du wendigo. Ils marchèrent, les pieds dans l’herbe fraîche et la boue mouillée, faisant craquer des branches sous leurs pas, enjambant des pierres et des racines délogées. Soudain, ils aperçurent une large silhouette. Ils se cachèrent derrière le tronc des arbres pour mieux regarder. Il s’agissait d’un wendigo qui dévorait le cadavre d’une biche. Il tirait et déchirait sa peau et ses entrailles, les mâchait avec ses dents tranchantes. Le sang coulait entre elles et dégoulinait le long de son cou. Ses poils en étaient recouverts. C’était sûrement le même qui avait tué le soldat, quelques mètres plus loin. Cependant, cela n’expliquait pas le poison. Quelqu’un d’autre devait se trouver dans les environs. Par conséquent, ils ne pouvaient se permettre de l’attaquer de face, le faire crier et risquer d’attirer l’attention de tout ce qui se trouvait dans le périmètre.

— Rana, murmura Vorondil.

— Je suis sur le coup, ne bougez pas.

Rana s’écarta du groupe. Il se déplaça tel un oiseau. Ses pas étaient légers et ne faisaient aucun bruit. Arrivé de l’autre côté, en face de la bête qui se nourrissait de sa victime, il attendit. Il baissa le foulard de son visage, saisit un couteau qui était accroché sur sa ceinture avec sa main droite, et un autre avec sa main gauche. Il les aiguisa entre eux. Le bruit des lames attira l’attention de la créature qui se releva immédiatement. En l’espace d’un dixième de seconde, Rana profita de cette ouverture pour lui lancer l’un de ses poignards de Hel dans le cœur, le brisant en mille morceaux sans qu’il n’eût le temps de pousser le moindre cri, ni de faire le moindre geste. Au même moment, il entendit plusieurs rugissements à glacer le sang. C’était comme s’il y en avait des millions d’entre eux prêts à les attaquer. Les hommes étaient paralysés par un tel bruit venu tout droit de l’obscurité.

— Le bruit venait de là-bas, chuchota Anario en avançant.

Il passa devant et s’avança doucement en essayant de faire le moins de bruit possible. Il tomba sur une énorme crevasse. Elle faisait plusieurs kilomètres de long et était très profonde. Le prince était comme suspendu au-dessus, sur une petite falaise. Ses yeux s’écarquillèrent, des gouttes de sueur roulèrent le long de son front et son souffle se coupa. Il recula lentement et se mit à terre.

— Anario, tu as trouvé quelque chose ? demanda Vorondil.

— Chut ! chuchota-t-il, apeuré. Approchez sans faire de bruit.

Les autres étaient perplexes à cause de l’attitude du prince. Ils se baissèrent et s’approchèrent de lui au ras du sol. Lorsqu’ils arrivèrent au bord de la falaise, ils jetèrent eux aussi un œil à la crevasse avant de se figer. Devant eux se trouvait une horde de wendigos, des milliers. Jamais ils n’en avaient vu autant. Si la horde traversait les murs de terre et se retrouvait au pied du campement, leurs hommes n’auraient aucune chance de s’en sortir.

— C’est quoi ce bordel ?! s’exclama Rana.

— Chut, surtout ne faites pas de bruit… ajouta Vorondil.

— Regardez à droite ! remarqua Anario. C’est d’elle dont il devait parler.

Au fond de la crevasse, mêlée aux wendigos, se trouvait Estrid, hache à la main. Elle se faufilait entre eux, les touchait et les regardait sans qu’ils ne s’en prennent à elle. C’était fascinant à observer. Ils ne comprenaient pas comment c’était possible. Elle s’avança et s’arrêta devant une femme qui était aussi à ses côtés, avec une robe noire déchirée, un chignon tiré en arrière et un carnet en cuir sous le bras. C’était une sorcière comme celles qu’on pouvait trouver dans certains petits villages. Estrid prononça quelques mots dans une langue étrangère. Sa coéquipière continua. Des vapeurs noires sortirent du sol, des bras et des mains démoniaques, comme ceux qui suivaient Sauron. Elles semblaient tirer un corps de la terre. Il sortit comme un enfant du ventre de sa mère. Les mains le tirèrent vers le haut et continuèrent de tirer sans cesse. Un corps entier en sortit, un corps de wendigo qui s’ajouta aux autres. C’était comme un portail vers les ténèbres.

— Je n’y crois pas. Je comprends pourquoi il y en a autant ! s’exclama Vorondil. Ces sorcières sont infâmes, se ranger aux côtés de… mais qui est-elle ?

— Peut-être un membre de la Guilde Nocturne, répondit Anario.

— Il faut l’arrêter !

— Qu’est-ce que tu veux faire Vorondil ? Te jeter dans la gueule du loup et nous avec toi ? On ne peut rien faire pour le moment ! murmura Rana.

— Battons en retraite, ajouta Narmacil.

Les hommes rampèrent discrètement au sol. Ils s’aventurèrent dans le bois et rejoignirent leurs chevaux à toute vitesse. Ils galopèrent jusqu’au campement et se réunirent sous la tente du prince Vorondil. Ils s’assirent sur les chaises et le lit, tous plongés dans leurs pensées.

— Qu’est-ce qu’on peut faire alors ? demanda Rana.

— Nous n’aurons sans doute pas d’autre choix que de les affronter pendant la bataille, répondit Anario. Nous devons appeler des renforts au plus vite. Il faut qu’on aille chercher le moindre soldat disponible et en équiper le plus possible avec des lames de Hel. Je vais tout de suite lancer une requête. Garde ! cria-t-il.

— Oui, mon prince ? répondit-il en entrant.

— Envoie nos commandants recruter le plus d’hommes possible, et dis-leur que nous aurons une réunion demain.

— Bien reçu. J’ai également une lettre pour vous.

Le garde s’approcha de lui et lui tendit une lettre de papier avant de repartir. Anario prit la lettre et s’assit à la table, il la retourna et vit le sceau du seigneur Lomion ancré dans une cire bleue. Il le craqua et l’ouvrit. Il la lut sans dire un mot jusqu’au bout puis la posa sur la table en fixant le vide.

— Qu’est-ce que c’est ? demanda Vorondil.

— C’est Sauron. Il est parti.

Histoire écrite par A.L MATHERS ♥ IG @a.l_mathers

Illustrée par Noémie DUMONT ♥ IG @la_noun

Corrigée par Mélany BIGOT

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