Chapitre 16 - Dorwin, la Capitale Royale

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Bien après la tombée de la nuit, ils arrivèrent à Dorwin, la capitale de Lim, royaume de la lumière. C'était une ville majestueuse dispersée sur plusieurs plateaux formant une sorte d'escalier gigantesque. Une petite rivière circulait entre les différentes marches, reliant la première à la toute dernière, la plus élevée où était regroupé le cœur de l'économie. C'est à cet endroit même que se dressait le château du roi Calion. Le palais royal était fait de larges briques blanches et de vitraux bleu turquoise, de dômes et de toits argentés, et plusieurs cerisiers poussaient à chacun de ses recoins. Dorwin était protégée par une longue muraille de pierre à l'avant et entourée de plusieurs montagnes de l'autre côté.

Les hommes empruntèrent l'allée centrale pour y pénétrer, se dirigeant tout droit vers le château, et les quelques flammes encore allumées des maisons accompagnaient leur chemin. Vorondil était prince, par conséquent, il pouvait héberger ses hommes dans certaines pièces du château tandis qu'il dormirait dans les quartiers de la famille royale. Ils chevauchèrent jusque dans la cour. Tout était parfaitement éclairé, de la musique se faisait entendre, et des serviteurs ainsi que plusieurs nobles se promenaient. Un homme âgé, vêtu d'une robe de coton grise et d'une chaîne de métal autour de ses hanches, s'approcha de la troupe, accompagné d'un jeune valet.

— Bonsoir mon prince, j'espère que vous avez fait bon voyage.

— Ce fut une longue journée, je suis épuisé Maître, répondit Vorondil en descendant de sa monture.

— Le roi Calion organise une fête en l'honneur de votre frère ce soir, il est revenu victorieux d'une bataille. Pourquoi ne pas vous joindre à eux ?

— Je ne dirais pas non à un peu de nourriture chaude et de compagnie ! il se tourna vers ses hommes et ajouta : Messieurs, je vous laisse faire ce que bon vous semble, restez dormir ici, retournez auprès de votre femme et de vos enfants ou venez vous amuser à mes côtés à la fête. Ce soir, vous êtes libres de vos mouvements.

Vorondil partit alors dans ses quartiers. Le maître suivit le prince qui allait se laver et se changer afin de porter une tenue convenable pour participer à la fête organisée par son père. Le valet resta derrière afin de nettoyer son cheval et de rapporter ses affaires dans sa chambre. À peine cinq hommes décidèrent de rebrousser chemin pour aller retrouver leur foyer ; les autres n'avaient personne qui les attendait. Ils marchèrent vers l'aile du château qui leur était réservée afin de se reposer. Rana, Narmacil, Cirth et Sauron descendirent à leur tour de leurs chevaux. Pour Rana et Narmacil, il n'y avait pas à réfléchir, ils n'avaient pas de maison ici et ils ne comptaient pas rejoindre les hommes pour boire et jouer à l'arrière du château. Ils partirent se laver et se changer afin de rejoindre Vorondil, c'était auprès de lui qu'ils se devaient de rester. Cirth les suivit du regard puis s'adressa à Sauron qui caressait son cheval comme s'il le remerciait :

— Tu veux faire quoi Sauron ?

— Je n'y ai pas spécialement pensé, mais en tout cas, je meurs de faim ! lui répondit-il.

— Allons à la fête alors !

— Tu es sûr ?

— Mais oui, ce sera amusant ! s'exclama Cirth en tirant Sauron par le bras.

Les deux jeunes garçons longèrent de nombreux couloirs afin d'arriver à l'aile ouest du château. Il y avait un grand réfectoire, une petite cuisine, des tables de jeux, une longue allée où se trouvaient plusieurs chambres et, tout au fond, une grande salle d'eau avec des bains thermaux.

Les hommes de Vorondil se fondaient dans la masse parmi quelques soldats de son frère. Sauron entra dans les bains, accompagné de Cirth. Ils enlevèrent leurs vêtements chacun de leur côté. Sauron se regarda dans un miroir, il avait encore du sang sur le visage et des traces de son combat du jour avec la bête. Il se fixa longuement, il avait l'impression d'être quelqu'un d'autre, d'avoir abandonné l'enfant qu'il était resté pour enfin embrasser l'homme qu'il était réellement. Est-ce que je deviens enfin moi-même ? se demanda-t-il. Il plongea ses mains dans le bac rempli d'eau en dessous du miroir, courba le dos et s'éclaboussa la face avant de s'avancer vers les bains.

En arrivant au milieu de la pièce, Sauron s'émerveilla de l'architecture, un immense plafond, des peintures ancestrales le recouvrant, des colonnes dorées le reliant au sol ainsi que plusieurs sources thermales, chacune entourée de moulures ou de petits rochers. Si c'est ici qu'on se lave, je n'imagine même pas dans quoi se baignent le roi et sa famille ! se dit-il. Cirth était déjà installé dans l'une d'elles, entouré de Rana et Narmacil en train de finir leur toilette. Le jeune garçon s'approcha doucement d'eux, chaque pas devant l'autre, faisant attention à ne pas glisser sur les dalles de marbres recouvertes d'eau. Il plia alors ses jambes, mit sa main sur le rebord pour se tenir et plongea dans la source.

— C'est agréable, n'est-ce pas ? remarqua Narmacil. Là d'où je viens, on peut trouver ce genre d'endroit dans chaque ville. Parfois même, on y infuse des herbes, comme le thé, à l'intérieur.

— Des infusions dans le bain ? Pour quoi faire ? répondit Sauron, perplexe.

— Apparemment, cela aurait des effets sur le corps, certains disent même que cela peut purifier notre âme ou éloigner les mauvais esprits.

— Rien dans ce monde ne peut purifier une âme souillée par son hôte, et nul dans cet univers n'a réellement une âme saine ! répliqua Rana.

— Vous ne croyez pas à tout cela chez vous ? demanda Sauron, curieux.

— Non, nous ne croyons en rien, tout ce qui nous préoccupe, c'est de survivre. Là d'où je viens, il n'y a pas de sources pour nous soulager de nos péchés, elles sont toutes gelées depuis des siècles, ajouta Rana tout en sortant de l'eau.

Son corps était bien bâti, il avait les bras et les épaules très musclés. Son torse et son dos étaient recouverts de larges cicatrices sur lesquelles glissaient des gouttes d'eau. Narmacil regarda brièvement Sauron en lui souriant, puis se leva lui aussi pour suivre les pas de son compagnon vers la sortie des bains. Rana et lui étaient de très bons amis, ils étaient les premiers compagnons de Vorondil.

Lorsque ce dernier était parti en voyage étant plus jeune, il avait rencontré Narmacil en premier dans un village lointain au sein du royaume de Magor. À cette époque, Narmacil était à la tête d'une petite armée d'épéistes servant l'empereur de son royaume. Ses hommes et lui étaient très appréciés de tous, ils possédaient un honneur incomparable et n'agissaient qu'en son nom. Cependant, la femme de l'empereur n'arrivait pas à donner naissance à un héritier. Pensant que c'était sa seule solution, son époux était parti chercher une sorcière pour lui demander son aide. Cette dernière avait utilisé la magie noire pour faire naître un garçon, mais un garçon maudit. Une aura ténébreuse et pleine de haine avait envahi le palais. L'empereur n'avait plus juré que par les pouvoirs de cette magicienne. Il n'avait plus de principes et avait profité de la loyauté de Narmacil pour mener une attaque contre ses hommes. Alors que celui-ci avait été convié en audience avec l'empereur, il avait ordonné secrètement à sa garde rapprochée de tuer les hommes de Narmacil. Lorsque ce dernier avait compris la situation dans laquelle il se trouvait, il avait couru de toutes ses forces, tel un fugitif, jusqu'à la forêt de Jubi, un lieu apparemment maudit où mourait tout homme qui osait y mettre les pieds. C'est entre ces arbres, coursé par une troupe de soldats menée par la sorcière, qu'il était tombé nez à nez avec Vorondil. Le jeune prince lui avait gracieusement tendu la main, sans chercher à comprendre d'où il venait. Depuis lors, les deux hommes voyageaient côte à côte et étaient devenus très proches.

C'est ensemble qu'ils rencontrèrent Rana par la suite. À Aeglas, au nord du royaume, où se trouvaient les glaciers de Los, là où les fleurs ne pouvaient trouver la force de pousser, où les arbres ne fleurissaient jamais et où les hommes se battaient pour leur survie. Vorondil et Narmacil étaient partis en quête d'informations sur les phénomènes paranormaux. Une piste les avait menés à Rana, aussi surnommé le « Chasseur de Sorcières ». Le jeune homme était, à l'époque, aussi glacial que son environnement, il n'avait que très peu de relations proches et se présentait comme un mercenaire à la chasse des sorcières et des monstres. C'était le premier d'entre eux qui avait rencontré un wendigo. Ils étaient très nombreux dans les alentours. Rana eut maintes occasions de les montrer aux deux compagnons. Vorondil se paya les services du mercenaire afin de l'avoir à ses côtés. Depuis, Rana voyageait en leur compagnie. Aujourd'hui, nul ne savait réellement s'il se considérait encore comme tel ou bien s'il restait aux côtés du prince par pure amitié, mais ce qui était sûr, c'était qu'ils étaient désormais loyaux et soudés.

— Et toi Cirth ? Comment es-tu arrivé à ses côtés :? lui demanda Sauron.

— Dans mon pays, les créatures fantastiques sont communes. Lorsque j'étais enfant, j'en ai croisé différentes sortes. Cependant, depuis quelque temps, les plus merveilleuses ont été remplacées par des créatures haineuses et sombres. Vorondil est arrivé dans mon royaume pour demander des conseils à mon père, le protecteur et gardien de nos terres, mais il n'en savait pas davantage. Avant leur départ, j'ai demandé son accord pour les suivre. Au début, je lui ai dit que c'était pour en apprendre plus afin de mieux nous protéger, mais au fond de moi, je sais que c'était seulement pour nourrir mon esprit aventureux !

Cirth laissa Sauron avec ces brèves explications et lui fit signe de le suivre alors qu'il se dirigeait vers sa chambre afin de se vêtir de sa tenue de soirée. Sauron le regarda s'éloigner, il repensa aux histoires de chacun, comment et pourquoi ils en étaient arrivés là. Il releva la tête et réalisa que tout le monde était parti. Les bains étaient vides. Seule la voix de Cirth résonnait encore, lui disant de se dépêcher. Une autre petite voix, obscure, murmurait également près de lui : « Nous sommes là pour toi... Nous t'avions dit que nous te suiverions. » Sauron se retourna brusquement. Les paroles se dispersèrent en échos dans la pièce avant de disparaître petit à petit. Je dois vraiment être fatigué, je me mets à entendre des voix ! Il marcha alors jusqu'au bord quand tout d'un coup, l'eau se mit à bouger de l'autre côté du bassin.

Une ombre sous l'eau s'approcha, accompagnée d'un bruit désagréable qui semblait hypnotiser le jeune homme, le faisant baisser sa tête vers la source. Avant même qu'elle ne parvienne à lui, Sauron décida de remonter rapidement sur le sol. Les deux pieds désormais sur les dalles, il jeta un regard vers la source. Rien... Il fixa l'eau pendant quelques secondes sans comprendre ce qui lui était arrivé. Il se tourna alors et marcha jusqu'à la sortie.

Histoire écrite par A.L MATHERS ♥ IG @a.l_mathers

Illustrée par Noémie DUMONT ♥ IG @la_noun

Corrigée par Mélany BIGOT


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