8 juin

 Comme si rien ne s'était passé la semaine passée, Anne reprit ses habitudes dans la maison et Jonathan partit au travail rassuré. Il appréciait la présence de Leah et ne voyait aucun inconvénient à ce qu'elle passe quelques jours supplémentaires chez eux. C'était une femme intelligente, drôle et cultivée. Les conversations qu'ils avaient partagées au cours des derniers repas l'avaient ravi.

 En revenant du hall d'entrée, Anne pencha la tête d'un air réprobateur en regardant son amie, confortablement installée sur le canapé.

 " Évite d'envoûter mon mari, s'il te plait. C'est un homme simple."

 Leah lui offrit un charmant sourire en retour et la rassura en décroisant les jambes avec élégance. Anne la rejoignit et servit le thé.

 " Je n'ai aucune emprise sur lui, ma chère. Il est authentique et t'aime sincèrement. Tu as trouvé une perle rare."

 Anne rosit en la regardant du coin de l'oeil avant de se tourner pour lui tendre une tasse. Leah n'était pas le genre de femme à mentir pour se couvrir. Bien au contraire, l'une des facettes de son don révélait la vérité qui se dissimule, dans l'ombre comme dans la lumière. Et cette particularité concernait aussi bien l'envoûteuse que les envoûtés. 

 Leah accepta la boisson et but quelques gorgées brûlantes avant de confronter son amie.

 " Quand as-tu pratiqué tes exercices pour la dernière fois ? Je t'ai laissée tranquille hier pour que tu puisses reprendre des forces mais si tu tiens vraiment à aider cette enfant, tu dois d'abord te reprendre en main."

 Anne le savait et lui avoua piteusement qu'elle n'avait pas pratiqué la magie depuis son mariage. Le seul art qu'elle utilisait régulièrement était l'herboristerie. La plus insignifiante de toutes les connaissances qu'elle avait développées plus jeune.

 Sans attendre, et s'abstenant de tout commentaire, Leah se leva et rassembla le nécessaire pour purifier leur espace et travailler plus sereinement. Anne déglutit en la voyant faire. Elle ne pouvait plus se défiler maintenant et monta au grenier récupérer son coffret. Il n'avait pas bougé depuis cinq ans et était couvert de poussière. Elle souffla dessus avant de le regretter aussitôt. Anne se mit à tousser puis redescendit au salon. Elle posa son coffret sur la table basse et caressa les gravures.

 Les couleurs du croissant de lune s'étaient ternies. Du moins, ce fut ce qu'elle crut jusqu'à tracer le symbole du Rêve sur le côté. Les gravures se mirent à briller et un loquet sauta, permettant au couvercle de s'ouvrir. À l'intérieur, rien n'avait bougé. Elle sortit sa bougie bleue et sa plume blanche. Anne laissa son livre au fond du coffre et releva la tête vers Leah qui terminait d'encercler le salon avec un écran de fumée.

 " Tu n'as pas perdu la main, toi.

  – Ne t'en fais pas, tu ne feras pas de bêtises. Tu as toujours été la meilleure de nous deux pour ça. Et puis, dis-toi que c'est un retour aux sources, rien de plus. Ce n'est pas cela qui va t'aider à maîtriser tes Rêves."

 La justesse de ses propos toucha Anne qui prit une grande respiration. Leah avait raison. Elle avait déjà fait cela des milliers de fois, il n'y avait rien à craindre. Les heures suivantes lui donnèrent raison. Anne n'avait rien perdu de ses capacités. Les enseignements de leur mentor lui revinrent en mémoire comme si elle n'avait jamais cessé de pratiquer et Leah lui avoua en riant qu'elle était plutôt jalouse de ses résultats.

 Cependant, même si Leah se montrait légère et toujours encourageante, elle n'oubliait pas l'objectif qu'elles s'étaient fixé la veille.

 " Maintenant que tu as repris confiance en toi, il faut que tu te focalises sur ton don. Et là, je ne peux plus rien pour toi. Nos pouvoirs sont trop différents. Tu te sens capable d'y arriver ? Je reste là quoi qu'il arrive. Tu seras en sécurité. Physiquement en tout cas.

  – J'apprécie tes encouragements. "

 Leah lui sourit puis enserra ses mains.

 "Tu vas y arriver. Je crois en toi."

 Anne soupira puis s'allongea sur le canapé sous la surveillance de son amie. Elle ferma les yeux et fit le vide dans son esprit avant de laisser jaillir sa magie des tréfonds de son être. Ses yeux s'ouvrirent, brillant d'un éclat bleuté. Anne avait rejoint le royaume de Morphée en pleine conscience.