45/ Blitz

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 L'Esprit au fouet époussetait les rangs adverses quand Karathris le détruisit. Il s'effondra sur les troupes de Kros. Grimpant sur ce qu'il en restait, Quatre se propulsa trois mètres plus haut. Pollah passa sa gueule dans l'écorce de l'Esprit marteleur. La forme indescriptible n'était pas là. Quatre se disloqua. La panthère planta ses griffes dans l'arbre pour ne pas tomber, et grimpa, cherchant le cœur. Karathris descendait, gratifiant le tronc de coup de poings. Laos creusa dans le bois à la recherche de son objectif.

 L'orbe de ténèbres repéra des mets plus savoureux. Elle délaissa les insignifiants soldats et se jeta sur Pollah. Elle se débattit, tentant d'expulser la substance pétrolifère qui s'emparait d'elle. Karathris sentit la détresse de son amie. Elle se jeta sur la viscosité noirâtre, mais l'orbe se mit à la consumer elle aussi.

 En bas, les prisonniers libérés par Unio s'exclamaient :

 — Hey, regardez ! C'est Karathris là-bas !

 — On est sauvés !

 — On a des archers en renforts, la victoire est à nous !

 — Éloignez-vous de l'arbre ! ordonna Unio. Ne vous faites pas écraser !

 — Merde, dit un autre, trop préoccupé pour entendre l'ordre. C'est pas possible... Elle se fait engloutir par la boule !

 — Elle va s'en sortir !

 — Elle a pas l'air.

 La vision d'aigle du révolutionnaire au visage rond et lisse lui dévoila un détail qui pourrait s'avérer important.

 — Vous voyez les types en toges là-bas ?

 — Oui, et ?

 Unio remarqua qu'ils expiraient un gaz ressemblant fortement à l'aspect de l'orbe.

 — Ils contrôlent la boule !

 — T'en es sûr ?

 — Certain ! mentit Unio, pour qui il ne s'agissait que d'une intuition, mais qui demeurait à ses yeux la seule solution. Allons les tuer ! Sauvons la déesse !

 Cinq des sept qui restaient, libérés du fouetteur et de plusieurs des fantassins, coururent vers les conseillers.

 Peu importe que Laos ne trouvât pas le cœur, les tranchées qu'il traçait et les dommages infligés par la déesse et sa panthère suffirent à désagréger l'arbre, bien que l'Esprit fût toujours en vie. Il s'affaissa, s'écroulant sur les fous qui avaient osés poursuivre le détachement d'Unio.

 Kros jubila de sa réussite face à l'homme de fer. Cependant, il s'avéra qu'il n'était pas le commandant de cette attaque ; la traîtresse Karathris l'était. De plus, les prisonniers qui lui avait été confiés s'étaient échappés, s'en prenant à ses hommes, et un Esprit avait succombé. La situation était catastrophique, mais pas perdue pour autant. Le général s'enorgueillit de sa commande auprès de ses conseillers ; Blitz, l'orbe interdite, enveloppait la déesse, qui ne serait bientôt plus qu'un lointain mythe. Toutefois, il regretta sa stratégie vaseuse visant à concevoir un régiment ne contenant que des épéistes, car des archers abattaient ses derniers guerriers impuissants.

 Soudain, il repéra un groupe d'hommes se déplaçant vers le conseil. Avaient-ils compris ? Si c'était le cas, il ne pouvait les laisser agir ! La Réceptrice devait être dévorée avant que les invocateurs ne soient abattus, rien d'autre ne pourrait la battre.

 Le général s'interposa entre Unio et les invocateurs.

 — Vous trois, désigna Unio, contournez-le, on s'occupe de lui.

 — Pourquoi moi ? se révolta celui qui devrait combattre le général.

 — Discute pas !

 Londock atteignit un soldat ennemi avant qu'il n'abatte un de leurs.

 — Je t'avais dit que la prochaine toucherait !

 — C'est pas trop tôt, répondit Pikila.

 — Hey, c'est bon ? On les a tous eu là ?

 — Non, il reste les trois là-bas et celui en armure.

 — Bien vu ! Je me demande comment j'ai pu les rater.

 — On est trop loin pour les atteindre efficacement, rapprochons-nous.

 Unio attendit que le général engage le combat, et les trois nommés effectuèrent un large contournement. Mais Kros n'accepta jamais le duel et jaillit sur les désignés. Il tailla les deux premiers en pièces sans qu'ils ne résistent, focalisés sur leur objectif, et le troisième lui échappa... pour quelques secondes seulement.

 "Il les protège" pensa Unio. "Mon hypothèse se confirme."

 Profitant de la diversion accidentelle, lui et son dernier coéquipier se déplacèrent vers les invocateurs. Croyant y parvenir à temps, ils déchantèrent lorsque Kros leur barra de nouveau la route.

 — On se sépare ! dit le rebelle sans cheveux. Je pars à gauche !

 Les conseillers ne bougeaient plus, ne battaient plus des paupières. Seul le souffle noir qui s'échappait d'entre leurs lèvres révélait, d'une certaine manière, qu'ils étaient toujours en vie.

 — Ils ont l'air de vouloir tuer ces gars en robes plus que tout, souligna Londock. C'est bizarre, ils ne font pourtant preuve d'aucune hostilité...

 — On va leur prêter main-forte quand même, établit Pikila.

 Le général décapita celui sur sa gauche, puis se jeta sur le second. Trop tard, car il venait de tuer l'un des invocateurs. La sphère clignota, lâchant sa proie un instant, puis reprit consistance. Baignant dans cette semi-victoire, Unio fut traversé de part et d'autre par la lame d'or.

 — T'as vu ce qui est arrivé à la boule ? s'étonna Londock.

 — Oui. Je crois comprendre pourquoi ils tenaient à tuer ces types. On peut encore sauver Karathris.

 Kros, aux anges, fut pris de désarroi lorsque les deux conseillers qu'il avait défendus s'écroulèrent sans qu'il n'y puisse rien. Maudits archers !

 Blitz, la sphère ténébreuse, s'évapora en quelques secondes dans un hurlement de frustration distordu, laissant apparaître derrière un brouillard obscur le corps de la déesse. Maudits invocateurs !

 — Hey, je l'ai eu du premier coup !

 — C'est bien Londock, dit Pikila, pleine de sarcasme. À croire que tu deviens bon.

 — Aïe, il a pas l'air content lui !

 — Il se dirige vers nous ! Feu à volonté !

 — Non ! Conservons nos dernières flèches, ce serait du gâchis ! J'ai déjà vécu ça.

 — Tu proposes quoi alors ? Qu'on se laisse tuer ?

 — Cherchons un point faible dans sa cuirasse.

 L'armure du général ne comportait aucune faille. De manière encore plus efficace que pour Malgati, des plaques mobiles protégeaient chaque partie de son corps en tenant compte de tous les mouvements possibles.

 — Il n'en a aucun, désespéra l'archère. C'est un travail de qualité, tout est compensé.

 — De l'autre côté de ses genoux ! Il ne peut pas être protégé à cet endroit !

 — C'est bien, mais il est face à nous, on ne peut pas atteindre cet endroit d'ici.

 — Reste ici et recule, je vais le prendre par derrière.

 — Non, on fait le contraire, j'ai pas confiance en toi.

 — Super.

 Kros vit Pikila partir par le côté. Qu'elle fuie ! Il la tuerait plus tard.

 Londock se mit à fuir aussi lorsque le général fut trop proche de lui, attendant que sa coéquipière l'abatte. Seulement, directement collé au pantalon de Kros, une lamelle métallique empêchait l'archère de lui infliger la moindre blessure. Impossible de le toucher sans détruire un morceau de son armure avant.

 Malgré le poids de son armure, Kros rattrapait Londock, impuissant et désespéré.

 Puis, la délivrance divine. Karathris tomba sur le général et lui creva le ventre d'un seul poing.

 "C'est pas du jeu !" pensa Kros avant de s'éteindre.

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