46/ Après-guerre

3 minutes de lecture

 Karathris observa le champ de bataille. Ce douloureux spectacle lui donna le tournis. Près de cinquante corps. Cinquante corps. Cinquante corps. Cinquante. Elle s'effondra.

 — Réceptrice ! Réceptrice !

 Les derniers survivants accoururent vers elle. L'un d'eux prit son pouls, l'ausculta.

 — Elle est inconsciente, révéla-t-il.

 Des sanglots incontrôlables se déversèrent autour de la déesse. Un fleuve de larmes se traça. Un torrent qui engloutirait l'univers.

 Il fut brusquement interrompu par un événement rebutant qui annonçait pourtant la meilleure des nouvelles. Karathris vomissait. Une flaque noire défigura le lac de pleurs.

 — Réceptrice ?

 On l'aida à s'asseoir. Elle cracha encore un liquide compact et obscur. Quand elle eut fini de rendre, sa peau bleu persan devenue d'un pâle parme, presque gris, on lui demanda :

 — Réceptrice, vous allez bien ?

 Elle essuya sa bouche de son avant-bras, et déclara simplement, d'une voix faiblarde.

 — Repérez-moi les blessés.

 — Réceptrice, vous êtes sû...

 — Faites-le ! Je dois... Je dois les soigner.

 La foule s'exécuta. Ils parlaient aux morts, sans distinguer allié d'ennemi d'hier, espérant une réponse de leur part. Aucun ne leur en donna. En revanche, quelques miraculés respiraient – plus ou moins – encore.

 — Ici ! criait-on.

 Deux serviteurs aidèrent la déesse à se relever et à se déplacer. Elle s'arrêta près de Mastiff, s'agenouilla péniblement à ses côtés, posa ses mains sur son corps brisé.

 — Il est mal en point, souffla-t-elle.

 — Vous êtes sûre de pouvoir les sauver sans que vous ne...

 — Oui ! Ne me pose plus cette question. Je dois faire mon possible.

 Le serviteur n'osa plus s'interposer, même lorsqu'il vit que la guérison était beaucoup plus longue que d'habitude.

 Après plus d'une minute, Mastiff se releva. Il semblait désorienté.

 — Qu'est-ce qui se passe ? Je suis où ? Il m'arrive quoi ?

 — Tu es en vie. Conduisez-moi jusqu'au prochain, ordonna Karathris.

 Karathris soigna cinq personnes, et toutes furent aussi perdues que la montagne de muscles dès les soins achevés.

 — Je... Je fais quoi ? On est où ? s'affola Unio.

 — Tu es en vie, répéta Karathris comme aux cinq précédents, ses yeux plissés, les traits fatigués.

 — Ils sont morts ! Tous ! Tous morts !

 — Beaucoup sont morts. Pas tous.

 — Il a parlé ! cria quelqu'un un peu plus loin.

 — Comment ça ? demanda un des serviteurs qui accompagnaient la déesse.

 — Il est pas mort, il a parlé !

 Karathris et ses deux supports s'approchèrent.

 — Qu'a-t-il dit ?

 — "Putain, ça fait mal !"

 La guérisseuse s'assit près de l'armure de fer.

 — Tu es vraiment immortel, n'est-ce pas ?

 — Bien sûr ! affirma Malgati.

 — Et pourtant, je dois toujours te soigner. Fais plus attention, la prochaine fois je ne le pourrais peut-être plus.

 — Je le promets.

 Son dos réparé, Malgati se leva avec énergie.

 — C'est le seul qui n'est pas confus après les soins, nota le serviteur accompagnateur. Comment c'est possible ?

 — Je n'ai pas réponse à tous les mystères. Il en reste ?

 Karathris ne reçut qu'un mouvement de tête négatif.

 Malgati revint à côté de Yora. Elle était déjà morte, elle ne pouvait plus être sauvée. Il le savait, et lui parla quand même.

 — Merci de me rendre mon espadon, mais tu n'étais pas obligée de mourir pour ça. Tu aurais juste pu dire "tiens, j'ai changé d'avis, tu peux le garder". Tu vois, c'est triste que tu l'aies pas fait, parce que je commençais à m'attacher à toi, un peu.

 Après s'être recueilli, il récupéra l'arme volée chez Miasma, puis se dirigea vers le corps du général. L'épée dorée avait attiré son attention.

 ***

 La sphère Blitz s'était sentie glisser, se vaporiser. Disparue d'un monde d'accueil, elle regagna son sanctuaire.

 — Bande d'incapables mortels ! râla-t-elle. J'y étais presque ! Son essence était mienne !

 Les habitants du sanctuaire sursautèrent.

 — Oh, ahah, je ne parlais pas à vous ! Trouvez-moi d'autres catalyseurs plus performants dans le monde de ces imbéciles. J'y ai goûté, je suis obligé de finir le plat. Oui, je m'adressais à vous là ! Allez, allez, on s'active !

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Yanyan ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0