Le lendemain, nous avons reconduit le pape au Vatican. Tout le monde le croyant au Ciel, personne ne le cherchait, et son retour passa inaperçu.

Il nous fit visiter son royaume, ce qui prit plusieurs heures.

De retour dans son palais, il s'adressa aux gardes suisses qui nous accompagnaient : Il désigna Dieu de la main. Enfermez celui-ci, et raccompagnez les autres hors des frontières.

Ce qui fut fait, manu militari.

Nous nous retrouvâmes donc, choqués, mais libres, à la porte du Vatican.

Quand Jésus apprit la nouvelle de l'emprisonnement de son père, il vint rejoindre notre petit groupe sur Terre.

Il nous expliqua qu'au ciel, il détenait la même puissance destructrice que lui, et qu'il pouvait détruire le monde s'il le voulait, mais qu'il ne souhaitait pas utiliser tous ses pouvoirs.

Il nous dit que la réunion du Ciel et de la Terre, voulue par Dieu, devait se concrétiser par un accord, non par un diktat.

Il nous fit ensuite, quelques confidences :

- Mon père ne me faisait pas confiance, pour lui, j'étais un mou.

Il voulait toujours avoir raison, alors pour ne pas le contrarier constamment, je me suis occupé d'autres sujets.

Je suis beaucoup plus proche des positions politiques du pape que lui, par contre, bien évidemment, je ne me laisserai pas piéger.

Jésus nous demanda de prendre un rendez-vous avec le pape dans un endroit neutre que nous choisirions.

Ce qui fut fait.

Le lieu de la négociation fut fixé dans la sacristie de l'église de notre curé.

Le pape savait que les curés ne le trahiraient pas.

L'emplacement même, donnait aux deux partis un sentiment de confiance.

Les forces de protection rapprochées des deux négociateurs, en nombre limité, s'installeraient dans l'église. Notre curé, seule personne autorisée à assister aux discussions, serait chargé de tenir un registre des débats et des accords.

La grande question que nous nous posions tous, mais que nous n'osions pas poser à Jésus :

Quelle allait être la réaction de Dieu après sa libération, car nous n'osions pas croire que Jésus ne veuille pas le faire libérer.

La réunion avec le Pape fut brève, très brève.

Jésus fut le seul à prendre la parole : - je vous donne rendez-vous dans une semaine, à la même heure, dans les mêmes conditions. Vous y viendrez accompagné de mon père. Je vous charge de le libérer et de le convaincre de venir.

Un pape retrouvé bourré à mort dans un bordel, c'est efficace, et c'est ce qui vous attend. Les photos sont prêtes. Les vieilles recettes fonctionnent toujours. Nos anges vous surveillent.

Il se tourna vers le curé et lui ordonna : - vous n'inscrivez pas les dernières phrases.

Et il quitta la sacristie.

Dans notre groupe, nous ignorions, bien sûr les résultats de la réunion, mais nous supputions qu'elle avait été bien trop courte pour pouvoir donner lieu à un accord sérieux.

De son côté, le pape se trouvait fort ennuyé d'être l'objet d'un ultimatum. Il n'avait pas pensé que Dieu, c'était deux personnes, voire trois, et que la famille se serrait les coudes.

Il avait même pensé ne faire qu'une bouchée du Jésus, gentil, conciliant, adepte du tendre l'autre joue, tel qu'il avait été caricaturé dans les livres de catéchisme.

Et il était face à un individu qui avait préparé froidement son coup.

Et comment se rabibocher avec un Dieu qui à l'instant présent, devait comme un fou furieux tourner dans sa cage.

Ils étaient capables de lui faire le coup du bordel, et alors, il en serait fini de ses espoirs de canonisation.

Jésus n'avait absolument pas abordé l'objet de la négociation. Il devenait donc impossible de trouver des sujets susceptibles de dresser le père contre le fils. En bref, de créer la zizanie dans l'autre camp.