La négociation

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Il décida de rendre visite à son prisonnier, puisque, tôt ou tard, il faudrait en passer par là.

Il pénétra dans la cellule qui comportait une table, une chaise et un lit. Dieu était assis sur le lit. Il s'étira, comme on le fait le matin, quand on a bien dormi.

Il ne semblait pas énervé du tout, et le Pape ne savait pas s'il devait s'en inquiéter ou s'en réjouir.

De plus, le prisonnier restait silencieux, et ne semblait pas désireux d'engager la conversation.

Le Pape se lança :

- Je suis en pleines négociations avec votre fils au sujet des relations futures entre le Vatican et le Ciel.

Dieu le regardait, il attendait la suite.

Le Pape savait qu'il avait de moins en moins d'atouts dans son jeu. Il ne souhaitait pas finir son pontificat, bourré dans un bordel.

Quelle horreur.

Il souhaiterait que vous participiez aux négociations.

Nouveau silence.

- Nous avons pris rendez-vous pour la semaine prochaine, avec vous, si vous le souhaitez.

Le prisonnier, toujours coi, semblait songeur.

En fait, il était fier de son fils, et il se reprochait de l'avoir sous-estimé pendant si longtemps.

- Quelle est votre décision ?

Dieu le laissait mariner. Il semblait presque qu'il n'écoutait pas.

Le Pape commençait à paniquer. Il ne pouvait pas conserver un Dieu à perpétuité dans une prison du Vatican, sans motif, et il ne pouvait pas se rendre à la prochaine réunion sans amener le papa.



Jésus logeait dans un petit hôtel peu luxueux, avec ses parents. Des anges de grandes tailles assuraient sa sécurité.

Il ne restait pas inactif, il questionnait les gens pour prendre la température.

Que pensaient les religieux de base de l'organisation de l'église ?

Il avait assisté à une réunion avec les participants du Bêtisier du Confessionnal.

Réunion très animée. Chacun semblait avoir son mot à dire sur le fonctionnement de l'église.



Les parents de Jésus demandaient que l'on n'embête pas les gens sur terre avec des problèmes venus du Ciel, car il restait encore beaucoup de choses qui n'allaient pas au Paradis.

Ils faisaient allusion à la parabole de la paille et de la poutre.

Jésus voulait marquer son passage sur terre, comme il l'avait fait une première fois, et créer une équipe d’apôtres, et j'ai même failli être pressenti pour en faire partie.

Il a finalement abandonné ce projet, ce qui a fait pousser un ouf de soulagement dans notre communauté.

Je lui ai demandé s'il ne pouvait pas mettre un peu d'eau dans son vin, avec le Pape, mais comme il ne connaissait pas l'expression, il s'est vexé, et il m'a répondu d'une voix irritée qu'il pouvait faire du vin avec de l'eau, mais qu'il ne faisait pas de mélange.

J'ai dû préciser ma pensée.



Par contre, il ne pouvait décemment pas se présenter devant son père, et devant le Pape, sans exiger des modifications significatives.

Il ne pouvait pas dire : bon, finalement, on ne change rien.

D'un autre côté, il ne pouvait pas, non plus, imposer des changements trop visibles, incompréhensibles pour la majorité des catholiques et des dignitaires de l'église.

Déjà, il pouvait exiger que les diocèses des Bouches du Rhône soient considérés comme une zone neutre, sous influence directe du Paradis.

Dieu pourrait alors en nommer la hiérarchie religieuse, et y passer ses vacances librement avec ses amis.

Sans contrôles supplémentaires sur le Vatican, Dieu aura néanmoins un droit de veto sur la nomination des papes, avec ou sans processus démocratique.

Enfin, le Vatican devra financer plus largement les projets humanitaires de l'église, afin de lutter contre la concurrence mondiale des autres religions.

La mondialisation n'est pas un phénomène uniquement économique, mais culturel et religieux.



Le jour dit, et à l'heure dite, le Pape se présenta, comme convenu, dans la sacristie de l'église, accompagné de Dieu.

Tout s'était déroulé sans encombre. Dieu avait parcouru le protocole d'accord que Jésus avait imposé au Pape. Il avait hoché la tête, signifiant son acquiescement. Il n'avait pas obtenu tout ce qu'il avait souhaité, et il demeurait toujours aussi anonyme aux yeux du monde.

Il se sentait vieux et fatigué. Il venait d’apprendre des mots qu'il ne connaissait pas « négociation », « protocole d'accord ».

Il prit une grande respiration, et il signa le document qu'on lui présentait.

Mais son esprit était déjà ailleurs. Ce soir, on allait faire la fête avec le curé et ses amis. On invitera aussi Jésus.

Tiens, je me demande comment il tient à la bière ?  

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