Le Pape se retrouva soudain dans la salle d'attente du bureau de Dieu. Il tenta d'en ouvrir la porte qui devait être fermée à clef. La sortie aussi était inutilisable. Il dut s'asseoir sur un banc, et attendre.

Il avait été enlevé.

Il avait toujours su qu'une confrontation avec Dieu devait avoir lieu un jour.

Pas de confrontation aurait signifié que Dieu n'existait pas, et pour un pape, c'était dur à avaler.

Enfin, la porte s'ouvrit et Dieu le pria de s'asseoir dans un fauteuil, face à son trône.

Des anges scribes prenaient des notes.

Dieu lança la conversation.

- Lors de notre dernière rencontre, il m'a semblé que vous ne reteniez de toute mon œuvre que le caractère carcéral du Ciel. Cela m’amène à me poser de nombreuses questions institutionnelles.

Il poursuivit.

Le pape est considéré comme le successeur de l'apôtre Pierre, c'est un fait, mais, par ses propos même, il s'éloigne des fondamentaux, or je suis le détenteur de ces fondamentaux.

L'Ancien Testament a, certes, été mal écrit, compris hors contextes, mais c'est le seul et unique document qui représente ma volonté.

Et, on va le faire revivre.

Le pape a perdu de l'influence dans le monde, il faut qu'il rétablisse, sous mon commandement, la puissance de l'église.

Le pape actuel insinue qu'il ne reconnaît le Ciel qu'en tant que centre de détention.

Serait-ce le culte d'un Dieu, petit dirigeant d'une prison, qu'il promeut dans le monde ?

Si un pape m'avait tenu de tels propos, il y a quelques siècles, il brûlerait aujourd’hui en Enfer.

La constitution va changer. Je préside, vous exécutez.

Vous serez mon Premier ministre. Je vais nommer le pape et les hommes chargés de l'exécution des décisions.

La garde suisse sera remplacée par des personnes sélectionnées par mes services.

Des anges effectueront un audit de la cité, contrôleront les banques et les filiales.

Comme vous ne le savez peut-être pas, nous observons, depuis toujours, tous les faits et gestes des responsables du Vatican.

J'ai étudié votre parcours qui n'est pas inintéressant. En tant qu’archevêque, vous avez réalisé des choses remarquables dans votre diocèse de Milan.

Ouverture de nombreuses églises, création de centres d’animations, insertion des immigrés dans l'église, et j'en passe.

Votre opération coup de poing, réunissant des cardinaux, des dizaines d’évêques et un millier de prêtres à Milan, unis pour prêcher dans les églises, sur les places publiques, ça avait vraiment de la gueule, même si votre résultat n'a pas été à la hauteur des attentes.

Le seul point négatif vous concernant porte sur votre comportement avec un certain acteur italien.

Enfin, nous nous comprenons.

Le pape l’interrompit.

- Mais, Dieu, ne changez pas le processus de nomination du pape, c'est le seul qui soit démocratique dans l'église. Et ça a de la gueule, le monde entier scrute la couleur de la fumée émise lors des élections. C'est un événement mondial. Et puis, on s'arrange toujours entre nous.

- Bon, si c'est mon candidat qui est nommé dans tous les cas, alors gardons la démocratie.

Vous continuez à faire ce que vous avez toujours fait, mais les gens vont savoir que Dieu est derrière vous.

Le pape l'interrompit à nouveau.

- Pourquoi ne faites-vous pas intervenir votre fils Jésus, pour diriger votre projet ?

- Jésus a été très marqué par son intervention sur Terre, et nous ne disposions pas de cellules psychologiques pour le soutenir durant cette période.

Il a beaucoup changé. Il s'occupe maintenant, principalement de composition musicale.

Les anges mélomanes sont ravis. Mais il n'est pas prêt à gérer un tel projet.

- Dieu, pouvez-vous me rendre un service, vous m'avez enlevé, et pour le commun des mortels, je suis monté au Ciel à votre demande.

J'aimerais revenir sur terre, à la vue de tous les fidèles présents. Ce retour miraculeux serait un bon point pour me faire canoniser plus tard.

Dieu semblait dubitatif.

- Votre retour médiatique dit-il, dépendra quand même, de la vitesse à laquelle vous arriverez sur terre. Mais, dans tous les cas, vous ne passerez pas inaperçu.

De toute évidence, Dieu était sur son terrain, et le Pape ne pouvait que subir.

Dieu mit fin à leur entretien :

- Bon, je vous propose de redescendre incognito sur terre ensemble. Si vous n’êtes pas bling-bling, nous allons passer une bonne soirée décontractée chez des amis. Et ensuite, vous retournerez au boulot.

La soirée se passa chez Antoine, et seuls Joséphine, le curé et moi avions été conviés.

Le curé ne pipa mot de toute la soirée qui se révéla chaleureuse et garnie de bons mots.

Antoine avait préparé une gigantesque choucroute, accompagnée de moult bouteilles de bière.