Retrouvailles

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Joy !

Au volant de mon Duster, impossible d’arrêter mon cerveau de cogiter. Étonnée par la virulence de ma réaction, j’arrive à me choquer moi-même. En temps normal, jamais je ne m’adresse aux autres de cette façon, même avec ce genre d’individu.

Ce mec me rend dingue, tout simplement.

Il fait ressortir les pires choses dont je suis capable, dont je ne soupçonnais pas l’existence.

En moins de deux heures, tous mes principes et ma façon d’agir ont volé en éclat. J’ai toujours étais calme et posé, je hausse le ton que dans de très rares occasions. Je suis tolérante, je cherche en général à comprendre les motifs du comportement de ceux qui se trouvent en face de moi, pas avec lui. À son contact, je bouillonne, mes nerfs se tendent, ma patience s’étiole, pourtant, je ne suis pas quelqu’un comme ça. Les déjantées, celles qui agissent sans réfléchir, ce sont Cléo et Léonie, pas moi. Moi, je suis la voix de la raison, celle qui s’interroge, qui étudie et qui envisage tout avant de parler. Celle qui pense d’abord aux conséquences de ses actes et de ses paroles. Et il a fallu que je croise le regard d’un ours pour tout remettre en question, pour changer et ne plus me contrôler. La fatigue en est sans doute l’élément déclencheur. Je bosse trop et ne dors pas assez. Une bonne nuit de sommeil dans l’air pure des montagnes me fera le plus grand bien, demain, ça ira mieux, j’en suis sûr.

Avec presque une heure de retard, je me gare enfin sur le parking. Les routes et accès principal ont été déneigés, néanmoins, le sol reste glissant à certains endroits. C’est très contradictoire, j’adore la sensation du verglas sous les pieds, mais je ne supporte pas le vide.

Même ici, la magie de Noël est présente. Le hall d’entrée à revêti ses habits de lumière. Une multitude de guirlandes colorées éclaire le va-et-vient des voyageurs. Tout le monde a le sourire, paraît heureux. C’est fou comme une simple célébration peut faire oublier aux personnes leurs problèmes et leurs angoisses. Le temps de quelques heures on se réunis et on partage, ni plus ni moins. On laisse tous nos soucis de côtés et on profite de la présence de ceux dont on ne se préoccupe pas le reste de l’année. C’est un peu hypocrite, dans une certaine mesure. Cependant, j’aime à penser qu’au moins durant une petite période on prend un moment pour les autres et qu’il compte plus que nous même.

Lorsque je franchis les portes automatiques, je repère aussitôt mes deux copines. Cléo est affalée sur la table pendant que Léo paraît la sermonner. La connaissant, elle doit déjà être en train de déprimer, voire de regretter d’avoir accepté cette escapade loin de Morgan et de Laura.

Je croise les yeux acérés de Léonie qui ne présage rien de bon !

— Putain, mais qu’est-ce que tu foutais ! m’agresse cette dernière alors que je ne suis toujours pas arrivé à leur niveau.

Tous les regards convergent vers ma personne. Être le centre d’intérêt, n’a jamais été ma tasse de thé — de café non plus — même si depuis le temps que je traîne avec ces deux-là, j’ai fini par me faire une raison. Difficile de passer inaperçu quand on est, les trois quarts de son temps avec des nanas qui se fiche de la considération des autres — et du quand dira-t-on encore plus —.

— Nous avons un problème !

Autant entrer dans le vif du sujet sans tourner autour du pot. Il est déjà tard et cette journée m’a épuisée au possible.

— Quoi ? questionne Cléo en relevant ses yeux rougis vers moi.

Ne pas lui demander ce qu’il ne va pas, ne pas lui demander ce qu’il ne va pas !

Je me répète sans cesse cette phrase et me mord la lèvre inférieure. Ça peut paraître pas cool, sauf que je la connais, si je commence à la brancher sur ses états d’âme, nous ne partirons jamais d’ici.

Et nous avons un ours mal léché sur le feu !

— Apparemment, il y a eu un souci avec notre réservation, réponds-je concentré sur Léo.

— Comment ça un problème ? s’étonne cette dernière.

— Je crois que nous avons été victimes de surbooking ! lâché-je en me laissant tomber sur la chaise derrière moi.

— Et c’est tout ? s’agace-t-elle en me foudroyant du regard. Tu veux dire que ça fait une heure que je subis les jérémiades de Cléo, juste parce que nous allons devoir partager le chalet ! T’es sérieuse ?

Circonspecte, je la fixe sans répondre. OK, rien ne la perturbe jamais, sauf que là, je ne suis pas sûr qu’elle se rende compte que nous allons manquer de lit. Dormir avec l’une d’entre elles relève déjà de l’exploit, les deux en même temps, c’est mission impossible. Les vacances c’est fait pour se reposer par pour finir écraser sous une Léo bourrée ou une Cléo en pénurie de câlins.

— Très bien, tu es donc volontaire pour pioncer dans la voiture ! supposé-je.

— Pourquoi la voiture ?

— Parce que vois-tu, grosse maligne, nous sommes trois et d’après ce que j’ai compris, eux sont deux. Il n’y a que deux lits deux personnes, fais le calcul.

— Eux ? Des mecs ? Ils sont comment ? S’ils sont canons, je veux bien me sacrifier pour dormir avec eux !

— Non, mais t’es pas bien ! se réveille tout à coup Cléo. Et Thomas dans tout ça ? Je croyais que tu avais enfin accepté d’être en couple !

— Et on se détend la rabajoie ! C’est bon, si on ne peut même plus plaisanter ! Où va le monde ?

Léo se renfrogne devant une Cléo plus ou moins rassurée. Je suis quand même étonnée qu’elle n’ait pas relevé ces mots. Prendrait-elle du plomb dans la tête ?

— Et puis de toute façon, nous ne sommes pas en couple !

J’me disais aussi !

— Ouais, c’est un « plan cul avec désagréments » ! nous exclamons-nous à l’unisson avec Cléo tout en mimant les guillemets avec nos doigts.

Nous éclatons toutes les trois de rire, ça a détendu l’ambiance, ceci dit, ça ne résout pas notre principal problème.

— Bon, racontes, ils sont comment ces types ? questionne Cléo qui semble allait mieux.

— Je n’en ai rencontré qu’un seul, mais si l’autre et sa hauteur, je ne passerais pas la semaine, je vous le garantit.

— Pourquoi ? Explique, au lieu de t’arrêter en plein milieu.

— Laisse-moi le temps d’en placer une au lieu de me couper la parole toutes les trente secondes ! Pourquoi ? Parce que c’est un espèce d’ours mal emboucher, con comme pas deux et qui en plus se croit malin, voilà pourquoi !

Debout, accroché à la table, je suis de nouveau énervé. C’est fou ça, rien que de l’évoquer, je suis déjà en ébullition. Devant leurs yeux stupéfaits, je me rassoie et fais mine de ne pas avoir vu les personnes autour de nous me jeter des regards réprobateurs.

— Qu’est-ce que ce type t’a fait pour que tu sois aussi agacée ? se renseigne Cléo.

— Mise à part qu’il a toujours réponse à tout ? Il m’a surpris à poil dans la salle de bain, murmuré-je.

Autant être honnête, de toute façon, je doute que l’ours ne parle pas de cette malencontreuse expérience.

— Et c’est ça qui te mets dans un état pareil ? me taquine Léo.

— Deux fois, rajouté-je.

— Heu une fois c’est un accident, deux fois, c’est du fait exprès, rétorque Cléo.

Tout compte fait, je crois que je la préfère mode dépressive, elle dit moins de conneries ! Rien ne serre de discuter avec ces deux-là. De toute manière, il est reconnu publiquement que leur passe-temps favori est de tenter de me faire sortir de mes gonds. Sauf que dans cette situation, elles n’ont pas encore conscience que je suis une marmite dont la soupape de sécurité est prête à exploser tant, je suis sous pression.

— Bon et physiquement, il est comment ton gorille ?

— Ours, pas gorille, rectifié-je auprès de la suceuse.

— Ouais, ben c’est pareil ça reste un mal. Et donc ?

— J’sais pas moi, je l’ai pas maté, réponds-je en détournant les yeux mal à l’aise.

Sauf qu’à droite comme à gauche, je suis cernée et je saisis mon erreur au moment où Cléo pose son regard sur moi. En désespoir de cause, je l’implore en faignant mon air de chien battu. Hors de question que Léo flaire quelque chose. Si elle vient à capter que ce mec me plaît — physiquement parlant — s’en est fini de ma tranquillité. Elle va passer les quatre jours à faire en sorte de me pousser vers lui en me mettant mal à l’aise par la même occasion. La subtilité n’a jamais été son truc ! Cléo, je sais que je peux compter sur elle. Du moins, si elle comprend le message subliminal que je tente de lui transmettre, ce qui au vu de ses yeux ronds et de sa bouche en mode poisson rouge me paraît compromis.

— Une question me chagrine, déclare la jeune maman qui me fixe toujours.

Ça y est, j’suis morte !

Silence, suspendue à ses lèvres, j’attends ma sentence, qui ne vient pas. Le regard dans le vague, Cléo fronce le nez, ceci dit, sa langue ne se délie pas.

— Ho la morue ! Tu comptes nous faire poireauter encore longtemps ? braille Léo, ce qui a le mérite de sortir la principale intéressée de sa torpeur.

— Ben, si Joy est ici et que le gars est chez nous. Y’a combien de chance pour qu’il refuse de nous ouvrir la porte ?

— Pas de soucis, j’ai subtilisé les clefs avant de partir ! m’exclamé-je un grand sourire sur les lèvres en dégainant le trousseau. J’ai même pensé à fermer notre chambre, dans le pire des cas, nous aurons au moins un lit pour trois.

— Ouais, mais quand même, on devait passer le week-end que nous trois. Je ne suis pas très à l’aise sur le fait de partager notre location avec d’autres, surtout sans Morgan et Laura.

— On va les faire fuir ! rétorqué-je sur de moi.

— Et tu comptes t’y prendre comment ? questionne Cléo sceptique.

— Et bien, j’ai ma petite idée, mais pour ça, je vais avoir besoin de votre aide et effectuer un détour avant de rentrer !

— Tu excites ma curiosité, glapit Léo. Qu’est-ce que tu as en tête exactement ?

— Ça, je vous le dirai en route ! Alors cap ou pas cap de faire de la vie de nos squatteurs un enfer ?

— Cap bien sûr ! s’extasie la suceuse.

— Si c’est pour être tranquille, je vote pour également, s’enthousiasme Cléo.

— Parfait ! On lève le camp, on passe par le super marché et je vous explique mon plan.

En direction de la sortie, je ne peux m’empêcher de jubiler. C’est notre moment à nous trois et il est hors de question que je laisse un ours me gâcher mon plaisir. S’il veut la guerre, je vais la lui donner, je vais juste être plus subtile et plus maligne que lui. Avec ce genre d’individus, rien ne sert de parlementer. Monsieur paraît détester les fêtes de Noël et tout ce qui s’y rapporte et bien soit, je vais offrir à ce chalet un air digne des grandes séries américaines !

Le pousser à bout et le rendre dingue et mon objectif de la soirée !

Demain, il prendra ses petites affaires et disparaîtra de ma vie aussi vite qu’il y est entré.

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