rencontre du troisième type !

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Joy !

Adossé à la porte, mon cœur est sur le point de se faire la malle tant il bat à toute allure dans ma poitrine. Ce mec vient de me flanquer la trouille de ma vie. Je ne me suis pas attardé sur la bête, cependant, ses yeux semblaient me transpercer. Je n’ai pas eu l’impression que c’était un squatteur, du moins, son apparence ne me le laisse pas penser.

Cela n’explique pas ce qu’il fout là !

À la recherche de quelque chose qui puisse me couvrir, je n’ai que de petites serviettes qui sont incapables de me camoufler dans mon intégralité et il est hors de question que je sorte dans cette tenue ! La porte fermée à clef, je doute qu’il se mette à la défoncer à coup de pied, je dois trouver un truc à dire !

— Qui est-vous ? interrogé-je d’une voix que j’aurais voulue plus assurée.

— Et vous ? Qu’est-ce que vous foutez chez moi ?

Merde ! Il est toujours là !

J’avais l’espoir qu’il soit reparti sans demander son reste. Chez lui ? Qu’est-ce qu’il raconte ?

— Comment ça chez vous ? J’ai loué ce chalet pour la semaine !

— Je ne crois pas beauté ! Soit tu n’avais pas les yeux en face des trous, soit tu consommes des substances illicites, mais ce chalet est le mien.

Je n’en reviens pas du culot de ce type ! Il se prend pour qui ? Pourquoi ce serait moi qui ai fait une erreur, je sais encore lire un numéro sur une façade.

— Moi, je crois plutôt que c’est vous qui avait le cerveau congelé. Vous êtes dans le soixante-seize connard !

Ma main se pose sur ma bouche, trop tard ! Je ne suis jamais aussi vulgaire avec qui que ce soit d’habitude. Ce mec semble si sûr de lui, qu’il m’agace comme personne auparavant.

— Monsieur connard ! susurre-t-il tout près de la porte.

Si prêt que la paroi me paraît inexistante et je pourrais presque sentir son souffle dans mon cou.

— Et pour ton information, le soixante-seize est bien celui que j’ai loué. Alors tu vas me faire le plaisir de sortir de l’endroit où tu te terres, récupérer tes petites affaires et déguerpir d’ici au plus vite !

C’est une plaisanterie ? Comment est-ce possible ? Il doit faire erreur !

— Très bien, vous avez une preuve ? Parce que moi, j’ai tous les détails de ma réservation sur mon portable et je suis en possession des clefs !

Silence, aucune réponse, il ne l’a pas vu venir celle-ci !

— Montre-moi ça !

— Attendez-moi en bas alors.

— Certainement pas ! s’agace-t-il.

— Vous croyez au père Noël si vous pensez que je vais sortir d’ici devant vous ! Vous me prenez pour qui ? Une danseuse exotique ?

Bon Dieu qu’il m’énerve ! C’est dingue d’être aussi têtu !

— Crois-moi beauté, il n’y a rien que tu possèdes que je n’ai déjà vu !

Merci de me rappeler ce détail !

— Alors nous sommes dans une impasse, parce que je ne bougerais pas de là !

Sauf que l’heure tourne et qu’à ce rythme-là, je vais récupérer les filles à la fin de la semaine prochaine. De toute façon, le bluff, je n’ai que ça…

— Aucun problème, mais tu vas finir par mourir de faim, voir de froid. En ce qui me concerne, j’ai tout mon temps et un paquet de provisions qui m’attend dans la cuisine.

L’enfoiré ! Bon, s’il avait voulu m’agresser, il en avait l’occasion tout à l’heure. Il me suffit d’occulter le fait qu’il soit derrière la porte.

Plus facile à dire qu’à faire, j’suis à poil bordel !

— OK, mais ayez quand même la décence de vous retourner s’il vous plaît.

Je prends une grande inspiration, déverrouille le loquet et jette un œil à l’extérieur. Je ne le vois pas. Il a sans doute fini par descendre. Sans éteindre la lumière, je me précipite vers ma chambre. Je croise son regard au moment où j’allais franchir le seuil, glisse sur le parquet, tombe à la renverse et termine ma course contre son torse. Mes mains posées sur ses pectoraux — c’est ferme là-dessous —, mon cœur bat la chamade et mes yeux accrochent les siens. Beug de mon cerveau. La tristesse et la mélancolie qui se dégage de ses prunelles, me donne envie de lui faire un câlin. Il paraît si malheureux, si perdu, bien loin de l’immonde personnage qu’il m’a montré quelques minutes auparavant. Figé, il ne bouge pas. Ses paumes sur la peau de mon dos me provoquent un frisson qui me traverse de la racine des cheveux jusqu’aux orteils.

Cependant, le rictus carnassier qui est en train de se dessiner sur son visage ne me présage rien de bon.

— Beauté, je sais que je les fais toutes craquées, mais je ne suis pas un homme facile !

— Enfoiré de connard égocentrique ! craché-je en le repoussant de mes deux mains, alors qu’il m’agrippe plus fermement. Mais lâche-moi putain !

— À tes ordres !

Quand il desserre sa prise, je pars en arrière et je ne trouve rien à quoi me raccrocher – À part lui bien sûr — et je m’étale sur les fesses.

Ouche, ça fait mal !

Les bras croisés sur sa poitrine, il me fixe en se marrant. En plus de me faire passer pour une nymphomane, maintenant, il se permet de se foutre de ma gueule.

J’a-lu-cci-ne !

Mon regard tombe sur mon entrejambe et c’est là que je me souviens que je suis toujours à poil !

C’est un cauchemar, dites-moi que j’vais me réveiller !

Sans réfléchir et sans me redresser, je finis le trajet qui me sépare de la chambre à quatre pattes, claque le battant et m’adosse contre celui-ci. J’enfile les vêtements que j’avais préparés et m’assois un moment pour retrouver mes esprits. OK, récapitulons ! Un inconnu se trouve dans MON chalet et il a décidé de me foutre à la porte. Je n’ai guère eu le temps de le regarder sous toutes les coutures, néanmoins, le peu que j’ai eu sous les doigts me dit que face à lui, je ne fais pas le poids. Je scrute l’intérieur de la pièce, rien qui pourrait me servir d’arme de défense. À part peut-être la chaise, pas très discret tout de même.

Il va pourtant falloir que je prenne mon courage à deux mains pour l’affronter. Mon portable est au rez-de-chaussée, je dois vérifier l’heure et partir. Sauf que j’ai peur qu’en l’abandonnant là, au retour, je retrouve toutes mes affaires à l’extérieur.

Il en serait bien capable !

Inutile de tergiverser plus longtemps, je dois sortir d’ici. Je n’ai pas d’autre choix que de lui faire face. Je suis une femme forte, déterminer et libre, je ne vais pas me laisser emmerder par un ours mal luné, égocentrique et imbu de lui-même. Je vais lui prouver par A+B que je suis dans mon droit et lui en tort !

Remonté à bloc, j’ouvre la porte et tombe nez à nez avec l’inconnu. Épaules redressées et menton en l’air, je ne me décourage pas.

C’est sûr qu’habiller, c’est plus facile !

Encore ce rictus narquois qui orne son visage, plutôt agréable à regarder, soit dit en passant. Bref, c’est pas le sujet, hors de question qu’il se rende compte qu’il est physiquement à mon goût, je ne vais pas non plus lui filer des minutions pour se foutre de ma gueule.

— T’es vraiment une agression pour la vue, autant de couleur, ça pique les yeux ! lance-t-il.

Qu’est-ce qu’il raconte encore ? Ce mec change d’humeur comme moi de culotte ! Voilà que maintenant, il me regarde comme s’il était que le point de me faire la peau.

Peut-être qu’il souffre de dédoublement de la personnalité ! Ce qui pourrait expliquer la modification de ses prunelles d’une seconde à l’autre ! Si ça se trouve, je suis devant un psychopathe ! Un fou, qui aurait pour seule ambition de m’enfermer ici et de me torturer pendant des heures.

Il faut vraiment que j’arrête toutes ces émissions sur les tueurs en séries, ça ne me réussit pas !

Par précaution, je donne un tour de clef à la porte de ma chambre devant son regard étonné.

— Vous seriez bien capable de balancer toutes mes affaires ! m’exclamé-je.

Qu’il cesse de me fixer comme ça, c’est hyper gênant. Personne ne lui a jamais dit qu’on ne mater pas les gens de la sorte ?

— L’idée est tentante, ceci dit, je doute que la neige résiste à tes fringues. C’est un coup à provoquer la fonte des glaces ou la chute d’une station spatiale. Les clignotants et les grelots, c’est obligatoire ?

Je baisse les yeux sur mon pull moche de Noël. Moi, je l’aime bien, Rudolph le renne est trop mignon avec son nez qui s’illumine et à chaque fois que je bouge, le petit tintement des clochettes s’entend. C’est tendance et pile dans le thème, n’en déplaise à monsieur bougon.

— Si ça ne vous convient pas, vous pouvez toujours partir ! La porte est juste au rez-de-chaussée, réponds-je en lui montrant l’escalier derrière lui.

Que je vais d’ailleurs emprunter de ce pas ! Qu’il reste là si ça lui chante, perso, j’ai autre chose à foutre. Arrivé en bas, il est sur mes talons.

Putain, ce mec est pire qu’une sangsue !

— Bon, cette réservation ?

Droit au but ? Impeccable, ça me fera gagner du temps. Je saisis mon portable et constate que j’ai déjà dix minutes de retard.

Les filles vont me faire la peau !

J’ouvre l’application de l’agence de voyages que j’ai utilisée et lui montre le bordereau de location.

— Alors content ? Maintenant, je vous demande de sortir d’ici et d’aller trouver quelqu’un d’autre à emmerder !

— Non ! répond-il en croisant les bras sur sa poitrine.

Vu de près et à la lumière vive, ce mec est immense et bâtit comme un bûcheron. S’il ne fait pas deux mètres, il ne doit pas en être loin. Larges épaules, biceps saillants qui dépassent de son pull ajusté à chacun de ses mouvements. C’est une montagne ! Dressé devant moi, je me sens tout à coup toute petite. Son visage, lui, ne me paraît pas hostile, ce qui contraste avec son regard froid et glacial, digne du vide arctique. Pourtant, la surprise passée, je n’ai pas peur de lui.

— Comment ça non ? m’indigné-je.

— Apparemment, nous avons loué la même chose. Je suis donc en droit d’être ici autant que toi. Nous allons devoir trouver une solution.

— J’étais là avant vous, il me semble. Il est normal que je récupère les lieux. En plus, nous n’avons pas élevé les cochons ensemble, si vous pouviez éviter le tutoiement !

Bordel, je ressemble à une institutrice des années soixante quand je m’exprime comme ça. Ce mec me rend dingue, son comportement m’horripile et son physique… non, il est hors de question que je parte sur ce terrain-là ! Pourtant, son parfum aux notes musquées qui chatouille mes narines m’enivre. Penché au-dessus de moi, je suis acculé entre le comptoir du bar et son torse immense, démesuré.

Le gars, il doit carburer aux stéroïdes, c’est pas humain un corps pareil ! Je me demande si le reste est à proportion ? De mieux en mieux !

— Je te rappelle beauté que je t’ai vue à poil, je pense que niveau intimité on peut difficilement faire mieux !

Touchée !

— Hé ho ! Je ne vous ai jamais invité, il me semble !

— Deux fois en plus ! me nargue-t-il en relevant un sourcil.

Coulée !

Mes joues s’échauffent, je suis sûr que je suis rouge comme l’étalage de tomate du primeur au printemps. Je baisse les yeux et une interrogation s’arrête dans mon esprit.

— Qu’est-ce qui me prouve que vous avez bien loué ce chalet ? Vous ne m’avez rien fourni comme document.

Si ça se trouve, le mec, il tente juste de me retourner le cerveau avec son physique de Dieu grec et son regard digne de la reine des glaces. Une fois redressé, il s’écarte, je vais enfin pouvoir respirer comme il faut.

— Je peux pas, ce n’est pas moi qui ai effectué la réservation.

Ben tient, cette fois c’est sûr, il se fout de moi !

— Et bien, je vous propose de revenir lorsque vous serez en possession de cette preuve. En attendant, je dois partir, alors salut et à jamais.

Je tente de le pousser vers la porte de sortie, ceci dit, il ne bouge pas d’un pouce. C’est moi qui vais finir par me froisser un muscle si je continue. Sans dire un mot, il se dirige vers le canapé, se vautre dessus et allume la télé. Impatiente et en retard, je sens que je vais perdre mon calme. Mon portable ne cesse de vibrer dans ma poche, je suis certaine que ce sont les filles qui s’inquiètent.

— C’est quoi que t’as pas compris dans la phrase où je te demande de vider les lieux ? m’agacé-je.

— Rien ! Mais je ne compte pas poireauter dehors en attendant mon pote. Il gèle et il est hors de question que je reprenne le chemin du retour avant la semaine prochaine. Tu peux y aller beauté, je risque pas de m’envoler.

— Tu crois quand même pas que je vais te laisser là sans surveillance !

— T’inquiète, je suis majeur et vacciné, aucune chance que je mette les doigts dans la prise maman !

— Et c’est bien dommage, ça ferait un connard de moins sur terre, murmuré-je.

— Je t’ai entendue et si tu penses que ce sont tes mots doux qui vont me faire fuir, tu peux courir, espèce d’hystérique.

Mon sang bouillonne ! Moi, toujours calme et posée, je suis prête à lui exploser à la figure et ce putain de portable qui ne cesse de vibrer dans ma poche. Tout le monde m’en veut ce soir, c’est un complot !

— Hystérique ? Moi ? Espèce de voyeur ! Qui de normalement constituer mate les gens à poil ?

Postée entre lui et la télé, je refuse de laisser passer ça, ce mec me rend dingue !

— Voyeur ? J’hallucine ! C’est pas moi qui t’es demandé de sortir de la salle de bain à poil ! T’avais qu’à t’habiller, espèce d’exhibitionniste ! rétorque-t-il en se dressant de toute sa hauteur.

— Exhibitionniste ? J’étais seule chez moi ! D’où t’as vu un panneau avec écrit « entré autorisé aux pervers » ? insisté-je en posant mon index sur son torse.

— Pervers ? Elle va se calmer la frustrée si elle veut pas que je la jette dehors avec perte et fracas dans sa tenue de mère Noël ridicule. Non mais franchement, qui s’habille comme ça passé l’âge de dix ans. Tu dois pas attiré grand monde dans cet accoutrement !

— Frustrée ? D’où tu me connais pour te permettre de juger mes fringues ? Qu’est-ce que ça peut te foutre ce que j’aime porter ? Et je suis très bandante ! Je suis sûr d’avoir une vie sexuelle plus remplie que la tienne ! Regarde-toi qui voudrais d’un bûcheron, coupé d’un ours qui se serait accouplé avec Grinch et le Yeti en même temps !

Ses traits sont déformés par la colère, j’ai été trop loin, je le sais, ceci dit, je refuse de le laisser gagner. Je ne comprends pas ce qui m’arrive, je ne perds jamais mon sang froid, avec lui, je suis incapable de me contrôler. Et ce putain de portable qui s’excite toujours au fond de ma poche ne va pas m’aider à me calmer. Il s’apprête à répliquer, je lève la main devant son visage pour l’en dissuader, je dois répondre avant que l’une d’entre elles ne fasse appel à la garde nationale.

— Ouais !

— T’es passé où ? Ça fait vingt minutes qu’on t’attend !

— Tu vas pas commencer à me courir sur le haricot toi aussi ! J’suis en retard à cause d’un souci indépendant de ma volonté. Alors désolé les filles, mais vous aller devoir patienter encore un peu, le temps que je déplace la montagne qui me pose problème !

— Dis donc, elle va se calmer Raphiqui ! Je t’ai rien fait moi ! Et pourquoi tu me causes de montagne ? T’es partie en randonnée et tu t’es perdue ?

Léo dans toute sa splendeur ! Parfois, je me demande pourquoi je m’acharne à discuter avec elle.

— Oublie ça, j’arrive dès que je peux !

Je raccroche sans lui laisser l’occasion de répondre. J’espère que le temps de faire la route, je vais réussir à me calmer. Raz le bol de me battre avec la montagne de muscles en face de moi, j’abdique ! De toute façon, je ne gagnerais pas, le type est encore plus têtu qu’une armée de mules réunies.

— Comment ça les filles ? Vous allez être combien à débarquer ici ? me questionne-t-il l’air inquiet.

Tiens, tiens, tiens ! Aurais-je trouvé le point sensible de ce grand gaillard qui semble n’avoir peur de rien ni de personne ? Peut-être que je vais pouvoir me débarrasser de lui tout compte fait.

— Une ribambelle ! Et toutes comme moi ! Des accros de Noël, des décorations et les chants qui vont avec. Tu vas adorer passer cette semaine avec nous !

Rhô la tête, rien que pour voir ça, ça valait le coup !

— Aller, je file récupérer tout ce petit monde à la gare, pas de bêtises en mon absence hein !

Par précaution, j’embarque les clefs de l’entrée avec moi. Il paraît anesthésié, presque éteint, mais qui sait de quoi la bête est capable et il est hors de question que je trouve la porte close en rentrant. En descendant vers le parking où est garée ma voiture je ne peux m’empêcher d’éclater de rire ! C’est bizarre, je devrais être stressé d’avoir laissé un inconnu dans le chalet, cependant, je n’arrive pas à me dire qu’il est dangereux. Agaçant, certes, lunatique, c’est un fait, hyper chiant, c’est une certitude, menaçant, non. Il y a quelque chose que j’ai vu dans son regard qui me pousse à ne pas en avoir peur.

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