Une rencontre inattendue !

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En début d’après-midi, je gare enfin ma voiture sur le parking de l’agence de location. J’ai parcouru les derniers kilomètres entouré d’un manteau neigeux immaculé. En sortant du véhicule, je prends le temps d’emplir mes poumons de l’air vivifiant et pur, bien loin de celui de Paris. Ici, pas de grisaille persistante, de bruit de circulation, de pollution, ni de cohue perpétuelle. Juste de grand espace, un soleil radieux et des passants qui ont la place de vagabonder à leur aise. Il n’y a pas à dire, rien que le fait de me retrouver au milieu de montagne fait remonter tout un tas de merveilleux souvenirs. Cette année, j’ai célébré Noël loin de ma famille, Cléo tenait absolument à tous nous avoir pour le réveillon et je n’ai pas eu le cœur à lui refuser. Elle ne s’entend pas du tout avec ses géniteurs, nous sommes son entourage le plus proche.

Mes parents me manquent !

J’adore les fêtes, c’est l’une des périodes que j’ai toujours affectionnée, cependant, loin des miens, ça s’est avéré compliqué cette année. Je n’aurais jamais cru avoir autant le mal du pays. Et pourtant… jamais je n’ai ressenti un tel manque au fond de ma poitrine. Mes parents ne m’en ont pas voulu le moins du monde, en tout cas, ils n’en ont rien dit. Je retrouve mes esprits lorsque l’éclat de rire d’un gamin parvient à mes oreilles.

Je me suis promis de laisser mes idées noires en chemin !

Une grande inspiration plus tard, je pousse la porte de l’agence. Au programme, récupérer les clefs de notre nid douillet, faire quelques courses et prendre une bonne douche avant de rejoindre les filles à la gare. Et ce soir, débriefing sur nos activités des jours à venir.

Il faut que je trouve un plan d’attaque pour échapper aux descentes de ski !

— Bonjour et bienvenue chez pleine aire ! Que puis-je pour vous ?

La réceptionniste pourrait jouer dans une pub qui vous vante les bienfaits du coin. De taille moyenne, fine. Néanmoins, on distingue une certaine musculature sous son pull chaussette ajusté et son jean tout aussi moulant. De grands cheveux noirs relevés en une queue de cheval et entourés d’un de ces bandeaux typiques que l’on déniche dans toute région montagneuse qui se respecte. La parfaite représentation d’un corps sain, dans un environnement sain. À côté, je fais pâle figure. Un jean, un pull-over large et une doudoune. Décontracter comme elle, il me manque juste la posture. Je me sens vieille, fade et sans saveur à côté d’elle. Si encore elle dégageait l’antipathie, mais pas du tout ! Si souriante, qu’on a envie de devenir sa copine.

Putain, j’ai passé trop d’années à fréquenter les mines tristes de Paris !

— Bonjour, j’ai une réservation au nom de Victoire.

— Oui, mademoiselle victoire, vous avez le chalet soixante-seize. En sortant, vous prenez le chemin à droite et il se trouvera tout au bout sur votre gauche. Par contre, nous avons eu pas mal de chutes de neige ces derniers jours, vous devrez vous y rendre à pied.

— Ce n’est pas un problème, je viens de faire un peu plus de sept heures de route, marcher me dégourdira les jambes.

— En temps normal les locations ne démarrent qu’à quatorze heures, mais comme vous me semblez fatiguée du trajet, je ne vais pas vous faire revenir.

S’il n’y avait que le voyage ! Y’a des années que je suis épuisée. Je suis persuadée que nous avons à peu près le même âge, à la différence près, qu’elle respire la jeunesse et moi, la vieille croûte.

Finalement, je la déteste !

Ma réflexion m’oblige à sourire, je fréquente trop de connasses, je suis en train d’en devenir une moi-même !

— Vous ne deviez pas être un groupe ? ajoute miss parfaite alors que je m’apprêtai à saisir le trousseau.

Putain, Léo sort de ma tête !

— Si, elles arrivent un peu plus tard dans la soirée, réponds-je en m’emparant du précieux sésame.

— Voulez-vous un autre double des clefs ?

— Non, ce ne sera pas nécessaire.

— Très bien, dans tous les cas, au moindre problème, n’hésitez pas à revenir. Je suis en vacance aujourd’hui, mais mon remplaçant se tiendra à votre disposition si besoin.

— Merci pour tout, mais je suis sûre que tout se passera bien.

Je prends congé, récupère ma valise et me lance dans l’ascension du chemin escarpé. C’est raide, Léo va adorer crapahuter ! Il faut savoir une chose sur la suceuse, c’est que c’est indécrottable féniente ! Je suis certaine qu’elle s’attend à un chalet au pied des pistes, ceci dit, j’avais un tout autre programme. Ce qui m’intéresse, moi, c’est le panorama. Je passe l’année à admirer un immeuble décrépit, je voulais pouvoir observer les grands espaces par la fenêtre, c’est pour ça que j’ai choisi celui-ci.

En déverrouillant la porte, je constate que la cheminée est allumée. Une douce chaleur se répand à l’intérieur. Et rien que la vue de l’ameublement et des flammes suffit à me rendre heureuse. Un vaste séjour avec un canapé d’angle face au foyer. Une cuisine ouverte avec un bar et un énorme îlot central, le tout recouvert de bois. Une décoration digne d’une carte postale. Je prends quelques clichés et les envoie à Cléo.

« C’est magnifique ! Exactement comme sur le site, j’ai hâte ! Léo veut des photos de la chambre ! »

Léo ? Elle peut toujours courir ! Si j’avais sus qu’elles étaient déjà ensemble, je me serais abstenue ! Je range mon téléphone et fais mine de ne pas avoir vu sa réponse. Je connais Cléo, elle ne pourra pas s’empêcher de partager les images, même si je le lui demande de ne pas le faire et j’ai bien trop envie de faire mariner Léo.

Ça lui apprendra à harceler les gens !

Ma valise à la main, j’emprunte l’escalier de meunier. Comme tout le reste, les finitions sont impressionnantes. Le bois est moulé et sculpté avec une finesse incroyable. Des arabesques sont détaillées sur toute la surface de la main courante. À l’étage, tout est dans la même ambiance. Un cabinet de toilette, une salle d’eau suffisante pour trois et deux chambres avec deux grands lits.

Première arrivée, première servie !

Je choisis celle avec la plus belle vue et je laisse la deuxième aux filles. Après tout, elles auraient fait pareil ! Mon sac abandonner au milieu de la pièce, je ne résiste pas à tester le matelas. Le pied intégral, la semaine se présente sous de très bons hospices !

Requinquée, il est temps que je parte effectuer quelques courses pour la soirée. Demain, nous nous occuperons du reste. Le réveillon du Nouvel An c’est dimanche et je compte bien faire la fête ici même !

Sur le chemin qui me conduit jusqu’à la supérette que j’ai repérée près de l’agence de location, j’aperçois le complexe de balnéo qui était mentionné sur la brochure. Tout compte fait, Léo n’aura pas besoin de beaucoup marcher pour se rendre dans le centre. Les remontées mécaniques, elles, sont bien plus loin !

Un point pour moi dans le plan « pas de ski » !

Pourtant, je jure ne pas l’avoir fait exprès. Par contre, je mentirais si je n’avouais pas que je jubile de l’intérieur.

J’effectue plusieurs fois le tour des quelques rayons du commerce de proximité et je suis ravie de constater qu’il contient tout le nécessaire à ce que j’ai prévu. Tant mieux, ça m’évitera de faire une halte quelque part en allant récupérer les filles. La seule chose que je n’avais pas envisagée c’est qu’il faille grimper avec de nombreux sacs remplis au taquet et qui pèsent un âne mort. Pour ce soir, j’ai programmé une fête tapas et cocktails, ce qui signifie plusieurs bouteilles d’alcool, de jus de fruits et provisions en comptant le petit déjeuner de demain matin. Grâce à Thomas, le gars de Léo, j’ai appris à faire de superbes mélanges colorés. Enfin, pour le commun des mortels c’est son mec, pour la suceuse c’est « un plan cul avec désagrément ».

Me voilà partie à refaire une nouvelle fois l’ascension de la côte, les bras chargés. À peine arrivée à environ un tiers du trajet, je souffle déjà comme un bœuf et je suis à deux doigts de vendre mon âme au diable qui invoquerait la fonte des glaces dans la seconde, histoire que je puisse prendre la voiture. Je suis devenue une vraie citadine. Auparavant, je pouvais marcher des kilomètres dans la poudreuse sans problème. Soit je vieillis, soit je m’encroûte et je pencherais plutôt pour la deuxième solution. Je n’ai jamais été une grande adepte du sport et encore moins depuis que j’ai posé les pieds à Paris. Mes sacs à terre, j’ai mérité une pause.

Léo va kiffer aller faire les courses demain !

J’éclate de rire en imaginant sa tête. Ça va être jouissif ! Au moins, sur la pratique d’exercice physique, nous sommes toutes les trois d’accord. Non sans difficulté, je reprends quand même l’ascension, l’heure tourne et je rêve de me mettre sous une douche chaude. Le temps est radieux, néanmoins, un froid de canard règne. C’est l’inconvénient de la période des fêtes. En février, il n’est pas rare de se balader en tee-shirt dans la neige, mais en décembre, même pas l’idée te traverse l’esprit. Malgré ma paire de gants, mon cache-col, mon bonnet et ma doudoune, je suis frigorifiée. Et le fait de porter des sacs entiers de provisions ne me réchauffe pas.

À partir de demain, c’est combinaison de ski !

Sitôt la porte franchît, je dépose tout sur l’îlot central et pars me réfugier au coin du feu. J’en profite pour admirer la vue qui est déjà de toute beauté au rez-de-chaussée. Il est à peine un peu plus de seize heures et le ciel s’assombrit, dans moins d’une heure, il fera nuit noire. Les hauts sommets s’étendent à perte de vue devant la grande baie vitrée du salon et au loin, j’aperçois quelques remontées mécaniques. Au fur et à mesure que mon corps se réchauffe, je retire les vêtements successifs qui me recouvrent et je n’ai pas envie de bouger d’ici. Je pourrais passer des heures à admirer le panorama et le soleil couchant. Ceci dit, je suis un peu pressée par le temps. Vite fait, je range tout ce qui se tient au frais, le reste peu attendre que je revienne de la douche et je file dans ma chambre. J’opte pour un legging fourré moumoute, une grande paire de chaussettes de Noël, un sous-pull thermolactyl et mon chandail fétiche spécial fête. Hors de question que je foute les pieds à l’extérieur sans prendre mes précautions. Lorsqu’il n’y aura plus de soleil, les températures vont encore chuter de manière considérable.

Le temps d’ôter mes vêtements, la salle de bain s’est remplie d’une couche épaisse de buée. Je me glisse sous le jet bouillant et profite de l’eau qui détend chacun de mes muscles endoloris par la journée. Pendant mes emplettes, j’ai acheté quelques accessoires de Noël pour pouvoir décorer l’intérieur du chalet avec les filles ce soir.

Cléo, va adorer !

Je suis certaine que ça apaisera un peu son cœur meurtri de maman. C’est fou ce qu’elle peut culpabiliser à chaque fois qu’elle laisse son bébé. Les premiers mois chez la nounou furent une catastrophe pour mon amie. Laura, quant à elle, semblait s’épanouir, alors que Cléo passait ses journées à pleurer. Il a fallu une sacrée dose de patience à Morgan durant cette période. Depuis, il nous incite à essayer de sortir Cléo, cependant, elle ne nous rend pas la tâche facile. Pendant notre séjour ici, Morgan est parti rendre visite à sa famille dans le Pays basque, il y retourne assez rarement. C’est un endroit rempli de souvenir douloureux pour lui, ceci dit, je sais de source sûr qu’il préfère se retrouver seul avec son passé quand il y va, ce que Cléo à du mal à comprendre.

Un sapin ! Il nous faut un sapin !

Cette pensée s’arrête dans mon esprit alors que je suis en train de faire glisser la fleure de douche sur ma peau. L’odeur des épices emplit mes narines et me plonge dans l’ambiance. Demain, nous devons trouver un arbre de Noël, impossible de fêter la nouvelle année sans ce symbole.

Il faudra aussi encore quelques décorations pas prévues dans le budget !

Tant pis si je dois taper un peu dans mes économies. J’ai envie de faire de ce séjour un instant magique pour nous trois. Un souvenir inoubliable et impérissable qui restera gravé dans nos esprits. Depuis quelques années, beaucoup de choses à changer dans notre quotidien.

Enfin, dans les leurs, en ce qui me concerne, je suis toujours au même stade !

Bref, Cléo est mariée et mère de famille, Léo est en couple, nos moments à trois sont plutôt rares. C’est l’occasion de nous retrouver comme autrefois pendant quelques jours avant de reprendre le cours de nos vies respectives et je suis bien décidée à en profiter.

En sortant de la douche, je meurs de chaud, j’essuie vite mon corps, enfile mes chaussettes pour camoufler mes pieds nus et étends la serviette sur le portant avant de passer la main sur le miroir embué. J’ai une tête à faire peur ! Blanche comme un linge, de jolis cernes soulignent mes yeux verts. Je tente de dompter ma chevelure flamboyante, ceci dit, avec cette humidité, c’est peine perdue. J’abdique et les laisse tomber dans mon dos. N’y tenant plus, j’ouvre la porte de la salle de bain à la volée, bien décider à rafraîchir ma peau.

Dans le couloir sombre, une silhouette se détache et un homme apparaît devant mon regard ébahi. Tétanisée, les muscles paralysés, je suis incapable de faire le moindre mouvement. Ses yeux me balaient de haut en bas et s’arrêtent sur mes pieds. J’effectue le même chemin que lui et je me rends compte que je suis entièrement nue !

À poil ! nue comme un verre ! La chatte à l’air et les nichons qui pointent droit devant ! Avec pour simple couverture une paire de chaussettes rouge et verte à grelot, remonter jusqu’aux genoux !

La blague ! Putain, mais c’est qui ce mec ?

Perturbée par sa présence et perdue dans mes pensées incohérentes, je ne sais que faire. Si ça se trouve, c’est un psychopathe qui m’a suivi jusqu’ici, dans le but de me couper en petits morceaux avant de me refiler à bouffer à ses invités pour le réveillon.

T’es toujours à poil ma vieille !

— Haaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa !

Je me mets à hurler ! La seule fonction qui est disponible semble être ma voix, autant m’en servir. Peut-être qu’il finira par partir en courant…

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