On retrouve Rachelle dans son bureau, assise comme lors de l’ouverture de la pièce. L’arme est sur la table, elle boit. On entend en fond la musique, étouffée. Elle s’adresse aux spectateurs, émue et profondément inquiète.

RACHELLE

Il ne nous reste que… Elle regarde sa montre. Moins de vingt minutes à vivre. Vingt minutes et trente-deux secondes. Vingt minutes et vingt-huit secondes. Vingt-sept. Vingt-six… Puis, rien. On sait pas exactement comment cela va arriver mais il n’y a aucun doute que ce sera atroce. Qu’importe la science, les religions, rien ni personne ne sera là pour nous soulager. Nous sommes le 26 mai 2018, il est très précisément quinze heure cinq et il fait toujours aussi nuit, toujours aussi chaud, et le ciel semble s’être embrasé, prêt à exploser. Il n’y a rien faire, nous n’avons plus aucune importance, nous allons mourir.

Une pause.

Je m’appelais Rachelle Rocher. J’aurais pu avoir 39 ans dans une semaine, et cela faisait dix ans que j’organisais les plus grandes soirées underground de la capitale. Mais tout cela va partir en fumée. Le bâtiment, les clients, mon corps et la planète entière. Toute mon existence va être anéantie et tout le monde s’en fout. Il ne restera rien. Rien de ce qu’on a accompli, rien ce que j’ai réalisé, sacrifié, espéré… Rien à part le silence. Le vide. L’obscurité. L’oubli.

Une pause.

Nous avons dansé. Nous avons bu. Nous avons vécu beaucoup trop vite, sans avoir assez réfléchi, sans s’être assez inquiété. Et tout cela sera fauché dans quelques minutes. Est-ce une raison suffisante pour se calmer ? Allons-nous baisser les armes ?

Elle finit son verre, attrape son arme et se lève.

Oui.