Scène 5

4 minutes de lecture

LAURA

Je pense que c’est normal de paniquer, il faut juste garder son sang-froid et…

Arthur s’avance.

ARTHUR

Laura ?

Laura reste sans voix, stupéfaite.

Qu’est-ce que tu fais là ?

LAURA

Mais...mais je suis venu mourir, comme tout le monde ! Ne me dit pas que…

ARTHUR

Ça fait si longtemps !

LAURA

Ah non ! Pas ce soir ! Vraiment pas ce soir ! Ce soir, c’est la fin du monde, on pas le temps pour des retrouvailles.

ARTHUR

Ça doit faire au moins trois ans…

LAURA

Vraiment, il a fallut que tu te ramènes dans la même boite que moi ? Il a vraiment fallut qu’au bout de trois longues années tu choisisses ce moment précis pour revenir dans ma vie ? Tu ne pouvais vraiment pas me laisser tranquille ?

ARTHUR

Ca fait si longtemps et pourtant…

LAURA

Pourtant ?

ARTHUR

Pourtant que je te déteste toujours.

LAURA interloquée

Quoi ? De quoi ?

ARTHUR

Tu m’as quitté comme une merde Laura. Vraiment comme une merde.

LAURA

Mais...on va mourir ! Tu comprends ça ?

ARTHUR

Comme un chien en réalité. Sans excuse, sans explication, sans rien, juste comme ça. Sur un coup de tête.

LAURA

Tu me fais marcher, c’est pas possible...

ARTHUR

Tu m’as traité comme un moins que rien, il faut que tu t’en rappelles. Tu m’as détruit et humilié. Moi, je n’ai rien oublié.

LAURA

On va mourir Arthur ! On va tous mourir ! Tous ensembles, ici ! Alors qu’est-ce qu’on en a à battre de toutes nos histoires passées ? On va tous crever comme des merdes, comme des chiens, comme des moins que rien, alors pourquoi reparler de tout ça ?

ARTHUR

Mais j’en ai rien à foutre de la mort ! Je te hais ! Je te hais du plus profond de mes entrailles et la peur de la mort n’arrive même pas à me le faire oublier. Fin du monde ou pas, je garde au creux de l’estomac un mépris si fort qu’il te survivra.

LAURA

Tu es ridicule !

ARTHUR

L’apocalypse n’efface pas tes dettes, l’apocalypse n’efface aucune dette. Il tourne sur lui, s’adresse aux autres. Regardez vous ! Vous pensez vraiment que plus rien n’a d’importance ? Que ce n’est plus la peine de se sentir coupable si proche de la ligne d’arrivée ? Sincèrement, vous me faites honte. Ça ne change rien, absolument rien. Vous avez volé ? Menti ? Trompé ? Trahis ? Mais heureusement que la mort est là ! Heureusement qu’après elle, personne ne pourra plus vous blâmer. Une vie entière à fauter, à s’en vouloir, à s’excuser puis à recommencer et enfin, la belle et grande immunité funéraire. Bien sûr que c’est un plan parfait, bien sûr que cette apocalypse arrange tout le monde. Mais vous savez ce que j’en pense ? Je pense que c’est d’une facilité écœurante !

MELANIE

On va vraiment passer la soirée à réfléchir et à s’engueuler ? Parce que dans ce cas je vais faire comme tout le monde et retrouver ma famille.

Rachelle entre, exaspérée.

RACHELLE à Paul

Tant pis pour vous si vous avez du mal avec la fin du monde, mais ne boudez pas le plaisir des autres. L’Apocalypse est une soirée spéciale. Elle ferme les yeux et accepte tout le monde, je vous demanderais donc d’en faire de même ou de partir. Qu’importent nos défauts ou à quel point nos vies furent misérables, nous allons tous disparaître ensembles.

PAUL

Elle a pas tort.

ARTHUR

Vous êtes devenus fous. C’est effrayant, vraiment. La fin vous rend fous et dangereux. Accepter n’importe qui sous prétexte que de toute façon, nous allons mourir ? Mais ça a toujours été le cas ! Tout le monde meurt ! Même les pourritures ! Est-ce que ça les dédouane de leur statut ? Est-ce que nous sommes tous innocents, tous coupables face à ça ? Non, bien sûr que non ! Il y a des coupables, il y a des innocents, voilà tout !

LAURA

Et puis quoi encore ? Une chasse au sorcière ? Le monde entier sur une grande balance et on vire ceux dont l’âme est trop lourde ? Pourquoi pas des colliers d’ails et des pieux d’argent tant qu’on y est ?

ARTHUR

Je suis très sérieux, vous ne comprenez pas. Vous ne comprenez pas et vous me faites peur.

RACHELLE

La seule chose que je comprend c’est qu’on va tous mourir, pourritures ou pas, et qu’on aura sûrement pas le temps d’ériger des bûchers. En revanche, ce que toi tu ne comprends pas c’est que ce n’est pas négociable. Soit tu t’amuses, soit tu vas crever autre part. C’est aussi simple que ça.

Arthur va s’asseoir dans un coin, vexé.

ANGE

Pour ce qui est de s’amuser, ça me paraît compromis.

RACHELLE

On fait ce qu’on peut, mais tout semble hors d’état de fonctionner. On cherche de l’aide mais vous comprendrez que c’est assez compliqué de trouver un électricien le soir de la fin du monde.

ANGE

Et en attendant ?

RACHELLE

En attendant arrêtez de vous hurler dessus, c’est tout ce que je vous demande. On vous va vous offrir à boire.

Annotations

Vous aimez lire Bastien Gral ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0