La musique devient soudainement très forte alors que des lumières éclairent la scène : des stroboscopes, des néons, des spots multicolores. Une troupe de personnes danse de manière endiablée, tout le monde semble déjà ivre. Une banderole annonce le nom de la soirée : « L’APOCALYPSE ». La musique baisse mais reste quand même en sourdine, les gens continuent à danser. Deux personnes se rapprochent. Paul est immobile, Mélanie danse. Ils crient pour se faire entendre.

PAUL

Toi aussi tu es là parce que tu n’avais personne avec qui passer tes dernières heures ?

MELANIE

Hein ?

PAUL

Toi aussi t’es là parce que t’es seule ?

MELANIE

Ah non, pas du tout !

PAUL

Ah.

MELANIE

Je suis là justement parce que j’en avais marre ! Trop de monde, trop de responsabilité tu vois !

PAUL

Hein ?

MELANIE

Je suis là parce que je voulais être seule !

PAUL

Tu n’as pas vraiment choisi le bon endroit !

MELANIE

Mais si ! Regarde-moi, je me sens seule, seule comme l’air ! Comme tout le monde, comme toi !

Elle crie.

Seule !

PAUL

Mais je ne comprends pas, y a tellement de gens ici ! On crève de chaud en plus !

MELANIE

Quoi ?

PAUL

Il y a beaucoup de monde !

MELANIE

Et alors ?

PAUL

Alors t’es pas seule !

MELANIE

Mais plus il y a de gens, moins il y a d’amour. Moins il y a d’amour, plus on est seul ! Tu vois ?

PAUL

Ah ouai !

MELANIE

Tous seuls, tous sales !

PAUL

Sale ?

MELANIE

De quoi ?

PAUL

Pourquoi sale ?

MELANIE

Il y a tellement d’yeux que personne ne nous regarde ! Nous ne sommes que des fantômes translucides. Ma vie est insignifiante ici, je suis insignifiante, alors plus besoin de faire semblant !

PAUL

Semblant de quoi ?

MELANIE

Puisque le ciel se casse la gueule, à quoi bon obéir ? A quoi bon réfléchir ? A quoi bon rester sage ? Le monde tombe en ruine ? Alors je vais pas ruiner mon temps à penser aux autres !

PAUL

Mais les autres sont là !

MELANIE ne l’écoutant plus

Pschitt les parents, pschitt les patrons, pschitt les amis ! Il n’y a plus que moi ! Moi moi moi !

PAUL

Bah il n’y a pas vraiment que toi tu sais.

MELANIE

Si je veux crier, je crie ! Si je veux boire, je bois ! Si je veux danser à poil, je danse à poil ! Et c’est pas une fin du monde qui va m’en empêcher ! Ni mon père, ni la fin du monde !

Elle se hisse sur un podium et se met torse nu.

Parce que rien à branler du monde et de sa fin !

Une drag-queen monte aussi sur un podum, un verre à la main.

ANGE en hurlant

Elle a raison ! Que notre dernière soirée soit la meilleure mes chéris !

Tout le monde lui répond par des hurlements d’enthousiasme.

Et montrons à cette putain d’apocalypse qu’on en a rien à foutre de crever !

De nouveaux des hurlements.

Montrons lui que…

Avant qu’elle ne finisse sa phrase, une coupure de courant plonge la scène dans la lumière rougeâtre du ciel. Une vague de contestation flotte parmi les danseurs.

Ah bah merde…