Une simple lampe de bureau éclaire une femme assise au centre de la scène, rigide. Elle fixe les spectateurs.

RACHELLE

Il ne nous reste que six heures à vivre. Six heures, quinze minutes et trente-deux secondes. Six heures, quinze minutes et vingt-huit secondes. Vingt-sept. Vingt-six. Et ainsi de suite, et ainsi de suite, et puis plus rien. On ne sait pas exactement comment cela va arriver mais ça arrivera. La science est formelle, les religions aussi : tout va enfin s’arrêter. Nous sommes le 31 août 2019. Il est très précisément quatorze heures et il fait déjà nuit, la température extérieure frôle les trente degrés, le ciel est rempli de nuages rouges sang et nous allons tous mourir. C’est comme ça. Le boum final.

Une pause.

Je m’appelle Rachelle Rocher. J’aurais eu 39 ans dans une semaine. Cela fait dix ans que j’organise les plus grandes soirées underground de la capitale. Dix ans de décadence, dix ans d’insouciance, dix ans d’irresponsabilité. Dix ans qui resteront dix ans. Plus de techno, plus de cris, plus de lumières qui claquent. Le silence. Le vide. Le calme et…

Elle est interrompue par l’arrivée d’un jeune homme. Un fond musical se laisse entendre.

CHARLIE

Rachelle, à combien est-ce qu’on fait l’entrée ?

RACHELLE

Gratuit.

CHARLI

Pour tout le monde ? Pas seulement pour les drag-queens cette fois ?

RACHELLE

Oui oui, pour tout le monde, et pareil pour les boissons. Tout le monde a le droit à une dernière cuite avant la fin du monde, non ?

CHARLIE

D’accord.

Il part. Rachelle se concentre de nouveau sur les spectateurs. La musique s’amplifie.

RACHELLE

Nous avons dansé, nous avons bu, nous avons vécu beaucoup trop vite, et tout cela sera fauché dans quelques heures. Mais est-ce une raison suffisante pour se calmer ? Allons-nous baisser les armes ?

Elle se lève et sourit.

Non, bien sûr que non. L’humanité est morte ?

Elle éteint la lumière.

Vive l’humanité !