Mars la Rouge

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Avant de me lancer dans l’écriture d’un véritable récit avec des personnages, un début et une fin, j’ai commencé par écrire une version des événements qui pourraient mener à cette vision très personnelle de la planète Mars.

Je vous livre ici le fruit de ma réflexion et de quelques heures d’écriture. Il ne s’agit que d’une ébauche très imparfaite, dont je pourrai éventuellement me servir comme base de travail si je me décide à écrire plus sérieusement dans cet univers imaginaire.

Durant la dernière décennie du XXe siècle, un écrivain américain de science-fiction avait imaginé un futur possible de la planète Mars dans une trilogie de romans qui avait connu un certain succès. Mars la Rouge, Mars la Verte, Mars la Bleue : les titres des romans de Kim Stanley Robinson jouaient sur le spectre de couleurs censé figurer la transformation physique de la planète au fur et à mesure de sa terraformation et de sa colonisation par l’humanité venue de la Terre.

Un demi-siècle plus tard, Mars la Rouge était devenue une réalité, mais bien différente de celle imaginée par Kim Stanley Robinson. Le rouge n’était pas seulement celui de la planète vue du ciel. C’était aussi le rouge du drapeau planté au sol par le chinois Liu Anying et le russe Alekseï Volkov, les deux premiers hommes qui marchèrent sur Mars.

La réussite de cette première mission exploratoire n’était que la première étape d’un projet bien plus vaste. Le programme красная мечта (« Rêve Rouge »), mené conjointement par la République Populaire de Chine et le parti néo-communiste alors au pouvoir au Kremlin, ne visait rien de moins que la colonisation de la planète rouge et l’instauration d’une république communiste vassale des États chinois et russe.

L’étape suivante du plan conçu par Pékin et Moscou prévoyait de construire une station orbitale qui devait servir de point d’accès unique pour descendre à la surface de Mars et faciliter la logistique pour la suite des opérations. La construction de la station Hóngyǎn (Oeil Rouge) se déroula sans problèmes notables, grâce à l’expérience acquise avec les stations orbitales lunaires.

Par contre, l’édification à la surface de la planète d’un dôme destiné à accueillir les premiers bâtiments fut marquée par de multiples accidents mortels. Malgré l’attention portée à la sécurité par les missions successives, l’environnement martien restait hostile.

Les navettes se succédèrent, amenant dans un premier temps avec elles des bataillons de scientifiques, ingénieurs et techniciens encadrés par des militaires et chargés de bâtir une cité semi-autonome sous le dôme protecteur.

Les matériaux nécessaires à toutes ces constructions provenaient pour une petite part de stocks transportés depuis la Terre, mais l’essentiel était issu de l’extraction de minerais dans la ceinture d’astéroïdes, une activité qui se développait alors à l’initiative de corporations inquiètes de l’épuisement des ressources naturelles sur la Terre.

La station orbitale Hóngyǎn devint à la fois un entrepôt pour les matériaux venus d’ailleurs, une usine fabriquant les éléments destinés à être transportés à la surface pour y être assemblés, et pour le personnel un centre de transit et de repos entre chaque mission.

Après les premières vagues de scientifiques et militaires, quand les infrastructures furent suffisantes, les premiers colons civils firent le voyage jusqu’à Mars, à la fois soulagés de quitter les cités polluées et surpeuplées de la Terre, excités à l’idée de participer à cette grande aventure, et anxieux face à un environnement hostile qui ne pardonnait aucune erreur, aucune faille.

Ce qui était alors une installation à but principalement utilitaire devint progressivement une cité proprement dite, accueillant de plus en plus de civils venus principalement de Chine et de Russie. Les nouveaux venus n’étaient plus des scientifiques et des militaires chargés d’une mission précise, mais des hommes et des femmes avec leurs idées, leurs espoirs et leurs attentes sur la ville et la vie à construire sur Mars.

Très vite, le débat s’organisa autour de deux courants sur les questions du lien avec les puissances tutélaires sur Terre et de l’organisation de la vie politique et sociale au sein de la colonie.

La majorité des citoyens, au premier rang desquels se trouvaient les scientifiques et les militaires arrivés lors des premières vagues de colonisation, soutenait une position de fidélité à Pékin et Moscou et souhait maintenir l’organisation sociale et les modes d’exercice du pouvoir en vigueur dans leurs pays d’origine.

Face à cette ligne qualifiée de loyaliste par ses partisans, et d’autoritaire par ses détracteurs, une minorité grandissante souhaitait rompre le cordon ombilical avec la Chine et la Russie. Inspirés par la pensée anarcho-communiste, cette faction autonomiste promouvait une vie politique plus ouverte et une organisation égalitaire de la cité, débarrassée des hiérarchies issues du passé terrien.

Ces divergences d’opinions étaient cependant rapidement placées sous silence face aux incidents récurrents qui mettaient en évidence les difficultés de la vie sur une planète inhospitalière. Le danger était encore quasi-permanent et la priorité de tous était d’assurer la survie et l’expansion de la colonie dans les meilleures conditions.

Il fallut encore plusieurs décennies pour concrétiser le projet fou conçu par la Chine et la Russie : la fondation d’un nouvel État communiste sur Mars. Les circonstances de cet aboutissement ne furent toutefois pas celles imaginées à l’origine par les architectes russes et chinois du programme martien.

Sur Terre, un vent de révolte soufflait dans les métropoles russes et chinoises. Dans les deux pays, des millions de personnes manifestèrent pour protester contre le pouvoir en place. Une énième crise financière avait provoqué un ras-le-bol généralisé. Les revendications étaient multiples, mais tournaient autour de deux thématiques : améliorer les conditions de vie et étendre les libertés civiques.

Bénéficiant du soutien diplomatique, médiatique et - disait-on - logistique et financier des grandes démocraties libérales occidentales, les opposants démirent le pouvoir néo-communiste en place à Moscou et réussirent surtout ce qui avait semblé impossible pendant des décennies : faire tomber le régime tout-puissant de la République Populaire de Chine.

Ces événements sur Terre changèrent évidemment la donne politique sur Mars. Une union sacrée, ou tout du moins un compromis pragmatique se noua entre les factions loyaliste et autonomiste. Pour les uns, c’était une nécessité : Pékin et Moscou n’étant plus fidèles à l’idéal communiste, il fallait assurer la relève et maintenir le projet martien en respectant les valeurs initiales du Rêve Rouge. Pour les autres, c’était une occasion à saisir : la Chine et la Russie étant affaiblies par le changement de régime, le moment était enfin venu de se débarrasser de la tutelle terrienne.

Le Manifeste Rouge de Mars fut le fruit d’âpres négociations entre loyalistes et autonomistes. Le choix des mots - communisme, socialisme, liberté, égalité, solidarité, ordre, justice, autonomie, autogestion - divisa les deux camps jusqu’à ce que le texte final soit approuvé. Il appelait à rejoindre Mars tous ceux qui refusaient les politiques menées par les nouveaux régimes libéraux à Pékin et Moscou et se reconnaissaient dans les valeurs du manifeste.

La déclaration venue de Mars toucha au coeur un certain nombre de citoyens chinois et russes, certes très minoritaires mais qui ne se résolvaient pas à renoncer à l’utopie socialiste. Répondant à l’appel de la colonie martienne restée fidèle à l’idéologie communiste, ils furent des milliers à choisir l’espoir du rêve rouge sur Mars plutôt que le deuil de leurs illusions brisées sur Terre.

Renforcée par cette cohorte d’exilés volontaires, la colonie se trouvait à la croisée des chemins. Elle choisit de rompre avec la tutelle terrienne et proclama l’indépendance de Mars.

La quatrième planète du système solaire était désormais le foyer de la jeune et ambitieuse République Néo-Communiste Martienne. Mars la Rouge était bien devenue une réalité.

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