Chapitre 17

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 Je t’ai repéré, maudit miroir. Et je finirai bien par t’avoir ! Avant l’adolescence, il n’y a pas de miroir, pas d’espoir à avoir car pas d’angoisse à contrer. Puis il apparaît : grand, ombrageux, terriblement rapide. On le pense déformant au début, comme ces miroirs de fête foraine qui nous faisaient tant rire ; nous montrant tantôt personnage de Rubens, tantôt marcheur de Giacometti. Ça ne peut pas être moi, cet immonde reflet. On regarde alors partout, de haut en bas, frénétiquement, cherchant où se cache la mystérieuse incurvation. On n’ose y croire. Et alors la vérité apparaît. Le miroir est droit. Affreusement droit et sans aucune rugosité. Poli par des milliers de regards brûlants et invisibles de l’autre côté. Et il se rapproche, dégringolant lentement, grignotant inlassablement chaque jour un ou deux millimètres de plus. Comme la Lune autour de la Terre. La fin du monde si on ne parvient pas à le détruire ! Alors chacun s’y essayait à sa manière. A grands coups de formules mathématiques fausses pour moi. Mais personne de ma connaissance n’a réussi à l’érafler une seule fois. C’est là tout le problème de l’homme, il ne sait pas viser. Rebelle contre tout, mais ne sachant pas quelle cible atteindre. On essaye le comment sans avoir ne serait-ce que cherché le quoi. Car une fois qu’on s’est bien agité de mutinerie, qu’on a bien secoué tous nos appendices et tous nos organes dans tous les sens, et qu’on a finalement rien trouvé, on se retrouve bien déprimés d’avoir fait tous ses efforts en vain. S’il y a une chose à retenir de l’adolescence, c’est la vanité des efforts. Mus par l’espoir, ou plutôt par la crainte de l’angoisse, on s’ébroue violemment, agrippant de toutes nos forces la crinière de ce taureau de verre en se promettant de ne jamais la lâcher. Puis le presque homme et le taureau fatiguent et commencent à vaciller. Alors, de guerre lasse, on descend sagement et on se laisse envelopper par le miroir qu’on a si farouchement combattu. Il se colle à notre peau puis s’y fond dans une aura de lumière blanche. Et on lève finalement la tête. On peut de nouveau voir le ciel. Un ciel sans étoiles, creux, incertain. C’est ainsi que je me retrouvai, à dix-huit ans, auréolé d’un baccalauréat avec mention, n’ayant aucune idée de ce qu’il allait advenir de ma vie.

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