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Depuis cette vision, elle évitait le plus possible de faire face à son reflet pendant de longues périodes. Son pire souvenir à ce sujet était dans un fête foraine où elle et ses anciens amis avaient décidés de visiter une maison de l'horreur. Au programme, monstres, photos mouvantes et bruits horrifiants, que des choses qu'Iséa trouvait d'ordinaire très amusantes. C'était sans compter sur le fait qu'une fois à l'intérieur, à la fin du parcours, la dernière pièce pour atteindre la sortie était un labyrinthe de miroirs. Elle avait fait tout son possible pour ne pas y croiser son propre regard, fixant le sol, tenant la main de sa meilleure amie, jusqu'à ce qu'un des employés déguisé en tueur en série arrive, fausse tronçonneuse vrombissante à la main. Carla l'avait alors lâchée sans s'en rendre compte et s'était mise à courir, la laissant derrière elle. Iséa était alors tombée à genoux, fixant désespérément le sol, tremblante de peur.

Voyant que quelque chose n'allait pas, le faux tueur avait tenté de s'approcher mais, perturbé, s'était trompé de direction, il s'était alors brutalement heurté à un des miroirs environnant, ce qui lui avait fait relever la tête par réflexe, la confrontant directement à elle-même, à genoux, la regardant avec un regard fou. En un instant, le reflet avait changé, clignotant, affichant par intermittence son reflet et celui de l'autre chose qui semblait se rapprocher d'elle. A ce moment là elle perdit totalement pied sur la réalité et s'était effondrée psychologiquement, hurlant de façon hystérique et pleurant d'effroi.

- Mademoiselle, tout va bien !

- Laissez-moi, laissez-moi !

- Je vais vous escorter jusqu'à la sortie, levez-vous s'il vous plaît.

- Non ! J'ai peur ! Faites-la partir !

- Qui donc ? Il n'y a que vous et moi ici petite.

- Elle !

Elle avait alors pointé le miroir du doigt et le monsieur dû appeler les pompiers. Lorsqu'elle fût escortée hors de la maison de l'horreur, elle avait été confrontée aux centaines d'yeux qui la dévisageaient en secouant la tête, sourcils froncés, certains osant se moquer sans même tenter de le dissimuler.

- Nan mais tu te rends compte ? A quinze ans elle a peur de son reflet !

- C'est une gamine et à cause d'elle ils ont dû fermer l'attraction jusqu'à l'arrivée des pompiers.

- Déplacer des secouristes pour une folle qui à peur de son refet, quelle blague !

- Quelle idiote, si c'est une froussarde elle n'avait qu'a aller faire un tour de train chenille au lieu d'emmerder le monde ! Quelle honte !

Le brouhaha des rires et des reproches lui avaient alors fait jurer que plus jamais elle ne se rendrait à nouveau dans un endroit comme celui-ci, où les gens pourraient se moquer d'elle sans même s'en sentir coupable. Les pompiers l'avaient laissée filer après une dizaine de minutes dans le camion à vérifier que tout allait bien. A sa sortie, elle avait cherché ses amis du regard et les avait trouvés, dans un coin un peu éloigné du bruit, près de la buvette, Carla faisant de grands gestes et des cris étouffés pour ne pas être entendue, semblant imiter quelqu'un d'effrayé. Tout le reste du groupe pouffait de rire et, la voyant arriver, firent signe à sa meilleure amie de se retourner.

- Tiens ça y est, t'es sortie ?

- Qu'est ce que tu fais, Carla ?

- Oh rien, je racontais tes exploits.

- Mes... exploits ? Sérieusement ?

- Oui, franchement, dans le rôle de l'hystérique, tu ferais fureur ! T'as déjà pensé à postuler pour un film ou un truc du genre ?

- T'es sérieuse ?

- T'étais là : "Oh Carla, s'il te plaît tiens moi la main, je n'aime pas cette salle", je pensais que t'étais claustro' ou un truc du genre, mais en fait non, t'as peur de ton putain de reflet ! C'est ridicule !

- T'as pas honte de toi là ? Et vous, ça vous fait rire tout ça ?

- Ma pauvre chérie, t'es complètement folle à lier. Va te faire soigner, espèce de psycho.

- Mais on est amies, comment tu peux me dire des trucs comme ça ?! Et vous, vous la laissez faire ? Vous êtes d'accord avec elle c'est ça ?!

- On ÉTAIT amies, on veut pas traîner avec des aliénées nous, ce serait dommage qu'on soit associés à des personnes aux troubles mentaux handicapants, tu vois ?

- Ouais, t'es trop bizarre meuf, tu devrais aller te chercher des amis à l'asile, eux je pense pas que ça les gènera beaucoup tes phases cheloues.

- Quoi que ! Peut-être que même eux ils ne voudront pas d'elle, même son père s'est tiré quand il a compris quel genre de gosse sa femme avait pondu !

Ils s'étaient tous remis à rire de plus belle et Iséa, le coeur brisé, s'apprêtait à tourner les talons quand elle avait été interrompue par l'un de ses amis, au milieu du groupe.

- Eh Iséa, attends !

Pensant qu'au moins une de ces personnes autrefois proches se rendait compte de l'horreur de la situation qu'ils lui faisaient subir, elle s'était arrêtée, le regardant se lever et venir vers elle. Une fois qu'il était environ à une trentaine de centimètres, la toisant de son regard du haut de son mètre quatre vingt, elle avait senti immédiatement que ses intentions n'étaient pas aussi bonnes qu'elle l'avait cru au premier abord de par l'intonation de sa voix lorsqu'il l'avait interpellée. Elle avait entreprit de faire un pas en arrière mais il s'était saisit de son bras et de son autre main, écrasa le reste de son hot-dog sur son haut, l'étalant avec force de haut en bas et à l'interieur de son maillot tout en souriant.

- Ne t'avise même pas de revenir au bahut. L'école c'est pas pour les fous. Alors si tu veux pas vivre un enfer, t'as intérêt à rester bien sagement chez toi, compris, la taré ?

A cet instant, Iséa avait compris que personne n'avait jamais été sincère avec elle, elle découvrait enfin le vrai visage de ses camarades. Elle était alors, en pleurs, rentrée chez elle, ne répondant même pas aux salutations de sa mère, s'enfermer dans la salle de bain afin de se débarbouiller, des morceaux de sandwichs tombant encore de ses vêtements.

- Iséa, ça va ? Qu'est ce qui se passe ?!

- Rien ! Laisse moi tranquille !

- Iséa ! Parle-moi, est-ce que tout va bien ?! Tu t'es fait mal, tu t'es battue, qu'est ce qu'il y a ?!

- Laisse moi je t'ai dit !!

Elle avait alors pris une des statuettes décoratives disposée sur l'étagère à serviettes et l'avait explosé dans le miroir, ne supportant plus la vision d'elle-même.

Iséa passa ses doigts sur la cicatrice profonde qu'avait laissé cet acte au creux de sa main droite, qui l'avait empêché d'écrire pendant plusieurs semaines, semaines pendant lesquelles par conséquent elle avait réussi à esquiver le chemin de l'école. Cependant, tout a une fin, et la blessure avait finit par se refermer alors, comme tout parent, Anna avait souhaité son retour en classe.

- Maman je ne veux pas y aller !

- Tu dois aller à l'école, c'est comme ça. Prépare tes affaires pour demain.

- Mais regarde, j'ai fait tous mes devoirs, je récupère les cours des professeurs et j'étudies bien ! Je n'ai que des bonnes notes, ça ne peut pas rester comme ça ?

- Non, tu dois aller à l'école, je ne peux pas te garder ici tous les jours, je dois reprendre le travail et je ne peux pas embaucher quelqu'un juste pour te surveiller.

- Mais je suis grande, je peux...

- Arrête un peu ta comédie. On passe à table.

Le lendemain avait été terrible.

A l'instant où elle avait passé le grand portail en fer forgé de son collège privé, l'ensemble des élèves s'était mis à la dévisager, parlant à messes basses en rigolant tandis que d'autres se contentaient de lever les sourcils et s'éloigner d'elle en roulant des yeux. Elle s'était enfermée dans l'une des toillettes sous le préhaut, remontant ses pieds sur la cuvette pour se faire la plus discrète possible, et avait prié pour que cette journée ne soit pas un fardeau. C'était sans compter sur la détermination et la cruauté de Carla et Maxime, les deux jeunes auxquels elle avait fait face le jour de la fête. De violents coups de pieds avaient ébranlés la porte, bientôt suivis par des rires et des cris.

- Eh la folle ! T'es là ?! On t'avait pas dit de pas remettre les pieds ici ?!

- T'as cru quoi, qu'on avait oublié en même pas deux semaines !

- On va te faire regretter d'être revenue, t'es pas prête ma grande, prépare toi à vivre un enfer !

- Eh vous faites quoi vous trois là ! Vous allez arrêter de frapper cette porte ou je vous envoies chez la directrice, est-ce que c'est bien clair ?!

- Oui, M'sieur Pacho !

- Okay, okay.

Interpellés par le surveillant, ils s'étaient dispersés, mais avant de partir, Maxime chuchota tout contre la porte en passant son pied sous l'interstice.

- Crois pas que c'est fini Isé', le moment arrivera où il sera pas là pour te protéger, et à ce moment là... on va t'attraper.

Le sang d'Iséa s'était glacé, la nausée montant rapidement, elle avait sauté de la cuvette et avait tout juste eu le temps de se retourner avant d'y vider le contenu de son estomac.

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