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La lumière provenant d'en bas était faible et grésillante, et l'échelle qui y conduisait ne semblait pas des plus fiables, mais si sa mère était en bas, elle devrait tenir le coup. A l'instant où elle s'apprêtait à descendre, la sonnette du four retentit. Dans quelques secondes à peine, sa mère l'appellerait pour qu'elle la rejoigne à table. Pire encore, elle pourrait directement venir la chercher et sans savoir pourquoi, Iséa était sûre qu'elle ne serait pas ravie d'apprendre que sa fille fouine dans son atelier, peut-être parce qu'elle s'approchait un peu trop près de ses plus sombres secrets... car après tout, qui dissimulerait l'entrée d'un sous-sol s'il n'avait rien à y cacher ?

Prenant les devant, Iséa referma la trappe et se dépêcha de se rendre dans la salle de sport au niveau des altères, en prenant une au hasard. Ce fût une bonne idée car à peine eût-elle pris le poids que sa mère entra dans la pièce. Elle la regarda en fronçant les sourcils, l'air douteux, puis tourna brièvement son regard vers l'extérieur et l'entrée du sous-sol, avant de la regarder à nouveau, sévèrement.

- Tu es beaucoup trop curieuse, jeune fille. Va à table.

Iséa essaya de ne pas se trahir du regard mais elle remarqua directement que quelque-chose avait changé.

"Merde !"

En effet, elle se rendit compte que la lumière qui l'avait attirée dans cette pièce et qui l'avait amenée à découvrir le passage vers la cave avait complétement disparue désormais, puisqu'au lieu de laisser la porte en bois entrouverte comme à son arrivée, elle l'avait complètement refermée. Il était évident maintenant que sa mère s'était rendu compte de sa découverte, elle ne risquait donc plus rien à poser ses questions. Une fois à table, Iséa toucha à peine à sa portion de lasagne, tournant et retournant sa fourchette à l'intérieur sans jamais l'amener à sa bouche. Le stress et la curiosité serraient son estomac pourtant affamé.

- Il y a quoi en bas ?

- Des cartons.

- Je pourrais mettre quelques affaires à moi aussi en bas ?

- Non, s'il y a des choses dont tu ne veux pas ou qui t'embarrassent, mets-les à la poubelle ou fais-en don à une association du coin. L'espace est trop petit en bas, ça va m'embêter si j'ai besoin de stocker d'autres choses.

- C'est un genre d'abri anti-atomique, comme dans les films ?

- Tu as déjà entendu parler d'un abri anti-atomique avec une porte en bois Iséa ?

- Non mais...

- Mange, j'en ai assez de tes questions, je suis fatiguée ce soir.

Le reste du repas se déroula sans un mot, le silence seulement brisé par le flot ininterrompu de la fontaine provenant des yeux et de la bouche de la femme ainsi que d'une ouverture béante à la gorge du nouveau-né. Cette fontaine avait-elle toujours eu cette façon de couler ? Iséa n'arrivait pas à s'en souvenir. Après tout, une fontaine ne peut pas changer de flot du jour au lendemain comme ça, et si elle avait été changée, elle le saurait. Elle secoua la tête pour chasser ces histoires horrifiantes à dormir debout de son esprit, termina son assiette et débarassa la table avant même qu'on ne le lui demande. Moins elle parlerait à sa mère ce soir, mieux elle se porterait semblait-il. Elle mis les déchets dans la poubelle, empila les assiettes et les couverts dans leur tout nouveau lave-vaiselle, ce qui la ravissait, elle qui d'ordinaire devait se charger de cette corvée, et monta dans sa chambre.

Elle n'avait pas encore récupéré son ordinateur mais elle était – heureusement – toujours en possession de son téléphone portable. Elle attendit que sa mère parte se coucher – puisqu'elle devait impérativement passer par sa chambre pour monter au dernier étage dans la sienne – et lorsque ce fût fait, elle programma un minuteur. Lorsque celui-ci ferait vibrer sa poche, sa mère serait sûrement profondément endormie et elle n'aurait plus aucune crainte à descendre jusqu'au sous-sol. Ce qui allait être un peu plus compliqué en revanche ce serait de rester éveillée tout ce temps et expliquer le lendemain à sa mère son allure fatiguée malgré le fait qu'elle se soit couchée à vingt-trois heures trente.

Durant les 2 heures suivantes, Iséa se promenait sur les réseaux, faisant défiler les profils de ses anciens amis, commentant intérieurement chaque photo magnifiquement mise en scène avec ironie. A l'instant où elle piqua du nez, sa poche se mit à vibrer, la sortant brutalement de son état à moitié endormi.

Elle mit ses pieds hors du lit, cherchant à tâtons dans l'ombre ses chaussons. Il était absolument impossible d'allumer ne serait-ce qu'une seule lumière de la maison sans quoi sa mère, depuis sa tour de verre, ne manquerait pas de s'en apercevoir, elle qui se réveillait une dizaine de fois par nuit au moindre bruit. Lentement, elle progressa jusqu'au rez-de-chaussée sans trop de mal. Son coeur battait la chamade, la maison était très différente la nuit et le fait que chaque pièce soit pratiquement entièrement vitrée donnait à l'environnement une atmosphère horrifique. Les craquements dans les arbres, le bruissement des feuilles, autant de bruits qui résonnaient entre ces murs tandis qu'elle était plongée dans le silence de la nuit. Seule la lune éclairait ses pas et les hurlements du vent étaient sa seule compagnie. Elle ferma les yeux un instant, tentant d'oublier les battements effrénés de son coeur qui résonnaient contre ses tempes, faisant suer son front.

"C'est ridicule Iséa, reprends-toi !"

Elle sentait la peur grandir en elle, piétinant le peu de lucidité qu'il lui restait à cette heure tardive de la nuit et son imagination commenca à lui jouer des tours. Le jour, elle lui permettait d'imaginer des aventures folles et pouvait transformer n'importe quel lieu ennuyeux en un monde regorgeant de mystères, la nuit en revanche, c'était tout autre chose. La fatigue dans ses yeux qui avaient trop longtemps scruté de près son écran, bien au chaud sous sa couette, faisait glisser des ombres devant elle à chaque mouvement de son iris et chacun de ses pas semblaient trouver un echo un peu plus lointain comme si quelqu'un la suivait. Sentant la paranoïa la submerger, elle pressa le pas. Les escaliers s'étiraient et se contorsionnaient sous ses pieds, se déformaient, tentant de l'aspirer vers un monde où elle ne voulait aller. Ses jambes s'alourdissaient et se pétrifiaient lentement, dans un élan elle se jeta en avant, manquant de tomber à la renverse à cause de la dernière marche qu'elle avait oubliée, puis tenta de se frayer un chemin jusqu'à l'extérieur, forçant son esprit à ne pas réfléchir.

Lorsqu'elle arriva à destination, elle remarqua tout d'abord que sa mère avait replacé le tapis, comme si de rien n'était. Le vent frais glissa sur ses hanches la faisant croire l'espace d'un instant à un effleurement rapide, la faisant se retourner dans un sursaut.

"Reste focus, reste focus !"

De toutes ses tentatives pour se rassurer, aucune d'entre elles n'arrivait à ne serais-ce que retarder les symptômes de sa nyctophobie, alors, dans un élan de courage, elle souleva le tapis, s'apprêtant à affronter la vérité. Pourtant, une fois fait, elle resta là, sans bouger, bouche bée. Un gigantesque cadenas verrouillait désormais l'accès grâce à une plaque métallique qui n'était pas là quelques heures auparavant. Anna avait donc profité de son absence et tandis qu'elle élaborait un plan pour descendre sans se faire repérer, elle, elle s'était assurée qu'elle ne pourrait pas y descendre coûte que coûte.

Elle ne voyait pas grand chose mais se penchant un peu sur le cadenas, elle repéra deux choses. La première se trouvait être une annotation qu'elle n'aurait remarqué si elle n'avait pas parcouru de ses doigts cet endroit précis, très légère, semblable à une rayure, elle n'appartenait pas au design du cadenas et avait dû être rajouté à la main, probablement gravée à l'aide d'un outils inadapté aux vues des irrégularités et du peu de profondeur. Elle n'arrivait pas très bien à voir malgré la puissance de la lune mais il lui semblait qu'il s'agissait d'une lettre, un "U" à l'apparence cubique.

La seconde quant à elle, était un symbole gravé sur celui-ci, il s'agissait d'une fleur. Iséa n'était pas vraiment une spécialiste en botanique alors elle n'aurait su dire de quelle fleur il s'agissait, mais elle pourrait peut-être essayer de se renseigner à ce sujet si elle parvenait à s'en souvenir de façon assez précise, ne sait-on jamais, avec un peu de chance ça lui permettra peut-être de reconnaître la clé pour l'ouvrir. La clé ? En passant ses doigts en dessous, elle n'en revint pas.

"Sérieusement ?!"

Il ne fallait non pas une mais bien deux clefs, insérées simultanément pour déverouiller le dispositif qu'elle avait en face d'elle. Iséa n'avait aucune idée d'où elle aurait pu se procurer un verrouillage aussi étrange mais ce qui était sûr, d'après son apparence c'est qu'il était loin d'être neuf. Peut-être était-ce quelque chose qui les avait suivi tout ce temps, sans jamais qu'elle n'y fasse attention. Elle se promit de réfléchir plus longuement le lendemain aux endroits qu'elle aurait pu voir vérouillés dans ses anciens appartements. Quoi qu'il en soit, sa mission du soir tombait à l'eau, elle n'avait plus qu'à retourner se coucher, mais avant ça, elle partit en direction de la cuisine afin de se servir un verre d'eau bien fraîche après avoir remis tout en place contrairement à la première fois.

Elle s'assit dans le canapé, face à l'écran géant qui n'avait encore jamais été allumé et le fixa tout en buvant par légères gorgées. Elle y voyait son reflet et cela l'effrayait tout autant que ça pouvait la rassurer. Elle pouvait voir tout autour d'elle, se qui évitait d'avoir à se retourner au moindre bruit et lui permettait de rationaliser les pensées envahissantes et effrayantes ainsi que les bruits qu'elle s'imaginait entendre, la rassurant sur le fait qu'il n'y ait personne à proximité d'elle. Le côté effrayant quant à lui, venait d'un trouble plutôt gênant qu'elle subissait principalement une fois la nuit tombée, mais parfois même dans la journée en présence d'un miroir quand elle avait le malheur de s'y regarder dans les yeux trop longtemps.

Il lui semblait alors que celle qui se trouvait à l'intérieur du miroir n'était pas elle, mais une tout autre personne, la dévisageant avec des yeux exorbités, tandis qu'un sourire semblait s'étirer lentement sur son visage bien qu'elle, de son côté n'en fasse rien. Un jour, souhaitant ce débarrasser de cette phobie idiote, elle avait voulu affronter directement l'objet de ses craintes.

Lorsque cette impression l'avait submergée à nouveau, elle s'était alors approchée lentement, tout en fixant ce reflet dans les yeux jusqu'à l'instant où elle vit ses yeux bouger. Le sourire de l'autre version d'elle même s'étendit d'un coup sur toute la largeur de son visage et ses yeux s'ouvrirent de façon surhumaine, exorbités, pupilles rétrécies par la folie. Elle était sûre après cela d'avoir entendu derrière elle, alors qu'elle s'enfuyait en panique, des hurlements furieux et des rires hystériques provenant du miroir ainsi que des coups, comme si la chose qui s'y trouvait voulait en sortir...

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